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Les cités du désert Des villes sahariennes aux saharatowns

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(Juin 2011)

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    10 years ago
    Les cités du désert, Des villes sahariennes aux saharatowns, Olivier PLIEZ, Institut de Recherche pour le Développement, Presses universitaires du Mirail. Coll. Villes et territoires. Achevé d’imprimer en Juin 2011, 161 pages. Cet ouvrage a été publié par les presses universitaires du Mirail (Toulouse), université au sein de laquelle travaille Olivier Pliez, chercheur, membre du laboratoire LISST. Géographe, spécialiste du Sahara et du monde arabe, son travail a été récompensé en 2007 par la médaille de bronze du CNRS. L’auteur propose au lecteur une vision renouvelée de la Villes au Sahara. En partant de leurs histoires, tour à tour carrefour, oasis ou ville d’Etat ces cités du désert nous confrontent à une réalité urbaine originale qui mérite que l’on s’y attarde. Pour ce travail j’ai choisi de reprendre le titre des cinq parties de ce livre pour comprendre le raisonnement de l’auteur. Tout au long de son discours transparaît son attachement au vécu des populations et son attachement aux différents travaux de recherche qui portent sur ces territoires. Le Sahara est urbain mais autrement Le point de départ de la réflexion c’est le modèle de la ville au Sahara, son processus d’urbanisation, ses particularités et les débats internes qui alimentent la recherche en géographie. On part du constat suivant, la plupart des processus d’urbanisation au Sahara ont été initié et mené par les états maghrébins nés des indépendances de la seconde moitié du 20ème siècle. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un plan d’aménagement volontariste permettant de fixer les populations et de diffuser des normes de confort pour endiguer l’exode rural. Dans un 2ème temps, à partir des années 1990 ces même Etats se désengagent favorisant un « retour du local », une décentralisation administrative qui maille le territoire et l’émergence d’acteurs locaux dans le tourisme ou le patrimoine. Afin de tempérer cette approche, deux niveaux de lectures s’affirment : le Sahara des villes, du local et le Sahara comme un réseau régional, national ou transnational. Ainsi, historiquement, il est bien dit que dans le Sahara, les réseaux précèdent la ville. Suivre et/ou construire des territoires peu ou pas visibles L’objet de la recherche ne porte pas sur le Sahara dans son ensemble ni sur les pays qui le composent. Elle repose sur des localités qui se font écho l’une à l’autre comme autant de facettes de territoires en réseaux. Les lieux ont donc une double attache locale et régionale. Pour l’auteur il semble plus commode de considérer ces lieux comme des îles. L’histoire de ces lieux se décompose en 3 temps : le temps long des caravanes et de l’unité religieuse de l’islam, le temps du territoire d’Etat durant le 20ème siècle, enfin le temps du rééquilibrage entre des dynamiques impulsées par le haut et celles qui partent d’en bas, entre logiques du territoire et réseau (relation entre Etat, flux migratoires). Pour comprendre les villes du désert, il faut s’intéresser aux composantes élémentaires de chacun de ces territoires, lesquelles sont à la fois urbaines et de transit. De fait, ces lieux cumulent des fonctions économiques et sociales qui répondent aux besoins des migrants de passage. La croissance des circulations entre les deux rives du Sahara s’est accompagnée d’une mise en réseaux de villes ou de « morceaux » de villes qui attestent d’un changement d’échelles, des ressorts de la mobilité et de la production de formes urbaines réticulaires. Sahara des villes, Sahara des Etats La très large majorité des populations sahariennes vit aujourd’hui dans des agglomérations. On distingue les villes récentes et administratives de 50 000 à 150 000 habitants et les bourgades de 5 à 15 000 habitants. Plus largement, le Sahara est considéré comme un espace à intégrer pour ralentir l’exode rural, attirer des migrants et exploiter ses ressources en hydrocarbures. Mais c’est aussi une énorme réserve foncière ou encore un terrain de jeu pour certains, ce qui favorise l’attractivité du Sahara. De l’autre côté se pose les problèmes de l’autosuffisance alimentaire et du rééquilibrage des territoires nationaux. Historiquement, l’Etat précolonial obéissait un à modèle centrifuge qui concédait une forme d’autonomie au local et par ailleurs fondé sur les échanges. Avec la période coloniale se renforce le contrôle physique par la construction de nombreux forts, centre administratifs, commerciaux ou industriels. Enfin, l’Etat moderne obéit à un modèle centripète et s’inscrit dans un espace fractionné discontinu. Il s’agit de renforcer les pouvoirs de l’Etat. Cette vision techniciste et sectorielle est en décalage avec les aspirations des populations. Mais de nouveaux échelons de décisions émergent. Cette crise de l’intervention publique si on peut l’appeler ainsi, se traduit par la résurgence de territorialités locales, régionales, transfrontalières, voir transnationales qui entrent alors en concurrence avec le territoire centralisé porté par l’Etat. Ce même territoire est aussi ville-carrefour et amène l’auteur à se poser la question suivante, l’urbanisation contribue-t-elle à homogénéiser ou à exprimer l’éclatement des territoires nationaux en de multiples entités ? Olivier Pliez établit le constat suivant : le Sahara est intégré à un espace multi-scalaire ou la ville s’efface au profit de l’urbain par juxtaposition de « quartiers », de zones et de « non lieux ». Cette urbanisation se résume pour l’essentiel à une densification de réseaux villageois, la création de villages et in fine la limitation des mobilités. Typiquement, on a donc un village dans lequel se répartisse des services au service d’une décentralisation administrative et un périmètre agricole plus ou moins étendu et diversifié (élevage, maraîchage) qui soutient l’urbanisation. Le clivage ville/campagne au Sahara est donc de plus en plus difficile à appréhender notamment au regard des seuils statistiques que l’on retient pour définir la ville, le village, ou l’agglomération. Il convient donc de s’attacher en priorité au processus de transformation des villes et des campagnes. Par ailleurs, l’auteur note que le développement de la pluriactivité n’est pas tant la conséquence d’une situation précaire mais une transformation de la société rurale, de son intégration à une économie monétarisé comme dans le Tinerkouk (sud du grand erg occidental algérien). Pour conclure sur cette appréhension délicate des territoires sahéliens Olivier Pliez développe la particularité des populations nomades. Pour D. Retaillé (1998) l’espace nomade est « un espace tendu entre des lieux éloignés par de vastes vides : chaque lieu appartient à un temps organisé, le territoire trouvant son lien dans le calendrier et non dans la frontière ». Le nomadisme n’est effectivement plus ce qu’il était et les nomades eux même sont divisé entre partisans de l’intégration nationale et partisans de l’autonomie ethnique. Quand le terme bédouin désignait auparavant un mode de vie, il désigne aujourd’hui une identité culturelle dont les expressions sont variées. Certains sont devenus des citadins, d’autres agriculteurs, d’autres encore continuent de mener leur troupeau. Lorsque des migrants traversent les villes du Sahara Cette approche en termes de migration apparaît des plus délicates. Attention en effet de ne pas confondre les migrations vers l’Europe, les migrations internes pour rejoindre les grands chantiers routiers ou liés aux sites d’exploitation des hydrocarbures avec les nomades enfin qui on fait du déplacement leur mode de vie. Décliner la question des migrations transsahariennes est utile en ce qu’elle permet de nous révéler sur le Sahara moderne contemporain. Un exemple parmi tant d’autres. Sebha, 150 000 habitants, une ville créée ex nihilo par l’Etat libyen qui est devenue en quelques années l’un des principaux carrefours migratoires transsahariens. Cette croissance urbaine dopée par ces arrivées successives de migrants ont conduit les pouvoirs publics à adopter deux plans d’aménagement successifs pour réguler cette explosion démographique. La priorité affichée étant de construire des logements pour tous. La ville est découpée en quartiers au sein desquels on distingue une ville « légitime » (fonctions administratives et universitaires) et une périphérie qui s’étend rapidement. Il y a bien une ville planifiée et la ville des nomades informelle qui représente près de 40% de la surface dite urbaine. Une ceinture agricole entoure la ville doublée de plusieurs marchés et de nombreux enclos à bétails. Dans d’autres villes comme Abéché (Tchad) la désertification, la crise du pastoralisme, les sites industriels liés aux hydrocarbures ont entraînés une croissance massive de la population qui a doublé entre 1993 et 1999 pour atteindre 130 000 habitants. - Concernant la durabilité, thème de plus en plus utilisé qu’il faut distinguer de la durabilité « occidentale ». On distingue ainsi les villes qui s’inscrivent dans l’histoire saharienne et celles qui sont le produit de la volonté publique. Dans ces deux cas la durabilité signifie de lutter contre l’étalement urbain, d’améliorer la qualité de vie, de préserver l’environnement ce qui n’est pas sans lien avec les problèmes d’insalubrité qui pèsent sur les villes du Sahara (accès à l’eau, réseau d’assainissement et gestion des déchets). La mise en place d’une ville durable implique également de lutter contre l’exclusion et de favoriser la diversité fonctionnelle et sociale de la ville. Enfin on ne peut se passer de la nécessaire prise en compte des circulations migratoires et marchandes qui façonnent le rapport à la ville d’une large partie de la population. Le développement de la route permet le désenclavement de certaines régions, des petites cités voient leur rôle se renforcer. Enfin les flux commerciaux sont doublés de flux migratoires. Villes, routes, Sahara…penser le Saharatown Dans cette dernière partie, Olivier Pliez revient sur le propos de son ouvrage qui était de mettre en lumière l’existence de réseaux anciens, notamment commerciaux qui jouent encore un rôle important et de réseaux récents (flux migratoires vers l’Europe par exemple). Il insiste également sur les jeux d’échelles à la fois spatiales et temporelles. Enfin, il montre que la montée en puissance de l’intervention publique constitue un moteur puissant et inédit qui entraîne des mutations socio-spatiales. Au terme de son raisonnement l’auteur présente les principes de ce qu’il nomme les Saharatowns, un mot-concept qui exprime l’omniprésence de plusieurs types de tensions dans ces villes. Elles sont à la fois le produit d’une histoire et le résultat des politiques d’aménagement étatiques des années 1960-1980. Il faut tenir compte également de la présence de réseaux migratoires et marchands, ce dernier étant plus structurant que le premier. Pour finir, on distingue le Sahara des migrants du proche et celui des migrants du lointain. Cette production issue du milieu de la recherche est éclairant sur bien des points et présente une analyse fouillée qui reprend des éléments historiques, démographiques, géopolitiques qui dressent un tableau très complexe et finalement difficile à appréhender. Je souhaite en tout cas que la présente note puisse vous éclairer et vous intéresse au Sahara et à ces habitants.
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