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Le Caire. Réinventer la ville

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Villes en Mouvement 77, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75011 Paris, Autrement edition, (Avril 2011)

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    10 years ago
    Le Caire : Réinventer la ville Par Pierre-Arnaud Barthel et Safaa Monqid A) Introduction Le Caire, Réinventer la ville est un ouvrage publié en avril 2011, au cœur des révoltes du « Printemps Arabe » qui ont pris place en janvier de la même année en Egypte. Ce livre s’inspire des différents mouvements décisifs qui ont entraîné la chute du gouvernement Moubarak et la révolution urbaine qui a suivi. Afin de comprendre pleinement le propos des auteurs, il est important de rappeler le contexte urbain et la situation des Cairotes à cette date, et notamment, les injustices sociales et spatiales qui ont joué un rôle moteur lors des premières manifestations. La ville du Caire, fondée en 969 par les Fatimides, comptait en 2011, 20 millions d’habitants (ce chiffre étant approximatif du fait des difficultés de recensement dans une mégapole de cette taille). Elle fait toujours face à une importante pression démographique. Administrativement, le « Grand Caire » s’étend sur cinq gouvernorats (l’équivalent des « régions » françaises), notamment celui du Caire, de Giza et de Qalyoubia ; cependant, il n’existe pas d’autorité en charge de cette entité. Le tissu urbain cairote est dominé par l’habitat informel : en effet, 53% de la surface urbanisée et 60% de la population vivent dans ce type de quartier. Ces zones d'habitation, ainsi que les quartiers historiques de la ville, sont confrontés à une situation d’hyperdensité (jusqu’à 11000 habitants au km² selon certains écrits ), engendrant de nombreuses conséquences affectant la qualité de vie des habitants telles que la pollution atmosphérique, la production importante de déchets ou les atteintes au patrimoine historique. Face à ce constat, les autorités égyptiennes ont aménagé depuis les années 1970 des « villes nouvelles », postées en plein désert, doublant ainsi la superficie de la mégapole. Cet étalement urbain a eu des effets désastreux, tant sur les plans environnementaux, économiques et sociaux : utilisation excessive des ressources (notamment l’eau, pour arroser les jardins et golfs des gated communities), grignotage des terres agricoles… Ces extensions révèlent surtout le virage doctrinal emprunté par le régime égyptien, passant « du contrat social nassérien au néolibéralisme le plus brutal ». En effet, on assiste à une fabrique de la ville conduite par la « loi de la négligence »: l’Etat se désengage progressivement, renforçant le clientélisme sur les terrains du désert qui constituent une rente foncière pour les privilégiés du régime. Quant aux quartiers informels, on est passé d’une « ignorance totale à une régularisation minimaliste », poussée par les coopérations techniques étrangères. Cette insécurité foncière et immobilière a été renforcée dans les dernières années du régime Moubarak par l’élaboration de la stratégie « Grand Caire 2050 », politique conduite directement par l’exécutif afin de positionner la mégapole sur la carte des « villes mondiales ». En pratique, ce plan s’est traduit par l’identification de territoires pour l’installation de « méga-projets » (tourisme international, résidences luxueuses…), principalement sur des zones d’habitat informel ; des images de synthèse diffusées dans la presse ont largement contribué à faire descendre les habitants de ces quartiers dans la rue lors des révoltes. Pierre-Arnaud Barthel et Safaa Monqid sont deux chercheurs du Cedej (Centre d’Etudes et de Documentation Economique, Juridique et Sociale, Egypte/Soudan). Le premier est spécialisé dans l’étude des grands projets, particulièrement dans les métropoles du monde arabe ; la seconde est sociologue, spécialisée sur les questions de gestion des déchets au Caire et du genre dans la ville. Ces deux auteurs ont été à la rencontre de 22 acteurs urbains, de tout profil (acteurs publics institutionnels, société civile, bailleurs de fonds, consultants étrangers, secteur privé) qui portent et parlent des initiatives de développement durable au Caire. Face aux risques qu’encourt cette métropole (changement climatique, tensions sur les ressources, pression démographique…), ce livre a pour vocation de montrer les changements de comportements et de politiques amorcés avant et après la chute de Moubarak ainsi que les potentialités de certains quartiers. Bien que la question du développement durable soit entendue différemment selon les acteurs cairotes (un changement radical pour la société civile, une utopie réformiste pour les pouvoirs publics), cet ouvrage, divisé en quatre grands thèmes, se présente comme un agenda/compte-rendu des initiatives sur ce sujet, utilisant ainsi le développement durable comme nouveau référentiel pour la capitale égyptienne. B) Développement 1. Des méthodes de planification urbaine remises en question La planification urbaine de la capitale étant régie par des institutions nationales et locales, les auteurs ont d’abord donné la parole dans ce chapitre à deux acteurs institutionnels : l’ex-directrice du GOPP (General Organization for Physical Planning), l’instance en charge des études d’aménagement sous la tutelle du Ministère du Logement et de l’Aménagement, ainsi que la directrice des études à l’Organisation nationale pour l’harmonie urbaine, une agence nationale créée en 2004. Afin d’apporter un point de vue extérieur, deux spécialistes non-institutionnels ont aussi été interrogés : le directeur du bureau d’études égyptien ArchPlan (travaillant au Caire en partenariat avec les Allemands Albert Speer and Partner) et deux experts travaillant pour la coopération allemande (GTZ) sur un programme de développement participatif dans les quartiers informels. Dans cette partie, les auteurs ont souhaité apporter un point d’éclairage sur la voie empruntée par les planificateurs dans la capitale, notamment la stratégie « Grand Caire 2050 ». Ainsi, on apprend que la grande vision développée par le GOPP est de rendre la métropole « verte, connectée et globale ». Cette image peut être utilisée pour résumer l’ensemble de ce chapitre ; en effet, au travers des quatre interviews, il semble que les voies empruntées depuis les années 1970 ne soient pas remises en cause, malgré l’évidence de l’échec des politiques de création de « villes nouvelles » notamment. En finissant le chapitre par l’interview de l’agence de coopération allemande, les auteurs démontrent, sans apporter de critiques objectives, l’influence des grandes tendances internationales dans le domaine de l’urbanisme. Ainsi, le travail sur l’introduction d’espaces verts au centre-ville ou dans les « villes nouvelles » est mis en avant ; cependant, n’est-ce pas aller à l’encontre de la dynamique historique, territoriale et spatiale, propre à la ville du Caire ? Métropole située en plein désert, on se trouve face à un « urbain très minéral, peu d’espaces verts, sans doute plus par tradition culturelle que par négligence planificatrice » (citation tirée de l'article de PA. BARTHEL, « Relire Le Grand Caire au miroir de la densité »). Introduire un parc, n’est-ce pas « dénaturer » l’environnement cairote ? De plus, il semble important de préciser que cette création d’espaces verts a été planifiée sur des zones d’habitat informel: ainsi, des parcs étaient à l’étude, notamment dans le quartier d’Imbaba (nord de Giza). Cette vision d’une ville « verte, connectée et globale », applicable à n’importe quelle métropole, ne participe pas réellement à l’évolution positive du Caire ; elle n’est que le fruit de courants de pensée urbanistique uniformisés, se basant sur la vision d’un « homme cairote moyen », possédant un emploi et une voiture, vivant idéalement dans une « ville nouvelle ». Quels bénéfices pour les 60% de la population vivant en quartiers informels si leur ville devient « globale » ? Bien que ces instances nationales mettent en avant leur méthode participative, l’idée intrinsèque reste la volonté de dépeupler le centre-ville, notamment des populations pauvres, afin de le rendre attractif pour une autre catégorie d’habitants. Ainsi, la directrice de l’agence pour l’harmonie urbaine, tout en expliquant son programme de revalorisation du centre, met bien en avant le fait que « les compagnies (propriétaires des anciens immeubles du centre-ville) essaient actuellement de donner de l’argent pour que les ménages pauvres partent ». De plus, une loi était en préparation afin de débloquer les loyers modérés du centre-ville, permettant aux classes moyennes d'y vivre. Si cette loi était passée, la hausse des loyers et par la suite, la spéculation immobilière aurait chassé les classes populaires et moyennes aux extrémités de la ville, loin des bassins d’emplois. Ainsi, même si des processus participatifs sont mis en avant par les planificateurs et les auteurs, notamment par la réalisation « d’enquêtes ménages », il semble que les résultats ne soient pas réellement pris en compte lors de la prise de décision. Ce chapitre se termine par l’interview des experts de la GTZ qui utilisent, pour leurs projets, des méthodes participatives dans les quartiers informels : « pour les démarches participatives, on est un peu Don Quichotte qui part et se bat contre des moulins à vent » affirme une des experts. Les méthodes « top down » font parties d’un courant en vogue dans le domaine du développement local ; bien que l’initiative soit à noter, sera-t-elle facilement transposable dans un régime très centralisé ? Les experts délivrent un message optimiste mais restent inquiets : la décentralisation, même si elle est inscrite dans la loi, n’avance pas ; les gouverneurs (des généraux, et non des aménageurs) sont nommés directement par le président. De plus, ils portent toujours des discours stigmatisants à l’encontre de ce type de quartier. En conséquence, il semble difficile d’introduire les notions de durabilité et de résilience si ces zones continuent à être perçues comme des menaces pour le régime, et cela, surtout après les révoltes de 2011. En conclusion, la présentation de ces discours par les auteurs, portés par des acteurs hétéroclites, semble se confronter directement aux blocages institutionnels ; les méthodes participatives, encouragées par la communauté internationale, seront, de plus, difficilement applicable dans le futur, sans le retour à une stabilité sociale et politique et la réapparition des coopérations étrangères dans le pays. 2. Gérer les déchets : une richesse, objet de concurrence Pour aborder ce thème, les auteurs ont convoqué majoritairement des acteurs venant de la société civile (une association de jeunes chiffonniers, une association pour la protection de l’environnement et des musiciens). Cependant, ils ont aussi interviewé le directeur de l’administration des déchets et des matières dangereuses (Ministère de l’Environnement). La Caire connaît une grave crise des déchets: 14000 tonnes sont produits par jour et ce n’est que dans les années 1990 que la gestion des ordures ménagères a été considérée comme « service public ». Auparavant, cette gestion représentait une prérogative strictement local, dévolues aux « chiffonniers » (zabbâlîn). Selon un rapport d’UN-Habitat, la question des ordures ménagères fait partie des grandes préoccupations des ménages cairotes. En 2011, un des grands enjeux de ce domaine était l’intégration des chiffonniers par les grandes sociétés privées, en « signant des contrats avec les agences de propreté et les collectivités ». En effet, la réforme du secteur, entreprise dans les années 2000, visait à impliquer le secteur privé dans la gestion des ordures ménagères. Mais sa mise en place brutale, les problèmes d’adaptation qu’ont connus les entreprises étrangères et ses objectifs trop ambitieux ont généré des mécanismes de résistance et de protestation, notamment de la part des zabbâlîn. Ainsi, en 2010, une nouvelle stratégie a été mis en place par le régime afin, notamment, d’intégrer le secteur informel tout en sensibilisant le citoyen à l’importance du recyclage car, selon un des interviewés, « le citoyen est le maillon faible du système ». En interrogeant le créateur d’une association pour les enfants de zabbâlîn, les auteurs ont voulu mettre l’accent sur les ponts existants entre le secteur formel et informel au Caire. En effet, cette association a conclu des contrats avec des entreprises privées égyptiennes, qui financent en partie les centres de formation et la scolarisation de ces enfants très pauvres. L’abattage massif des porcs des zabbâlîn (élevés sur les déchets organiques) lors de la crise porcine de 2010 a constitué un « coup dur » pour leur niveau de vie. L’élevage assurait aux chiffonniers un complément de revenus important : après l’abattage, une majorité des chiffonniers a dû déscolariser ses enfants afin qu’ils les aident pour leur travail quotidien. L’aide internationale a alors constitué un soutien important (Fondation Bill & Melinda Gates, UE…) pour ces associations. Cet épisode reflète les enjeux de ce secteur: les déchets constituent une richesse et sont l’objet de concurrence entre les entreprises privées et les chiffonniers. Par l’abattage systématique des porcs, l’Etat égyptien, sous le couvert de problèmes de santé publique, a tenté de régulariser ce secteur en coupant une importante source de revenu aux zabbâlîn, laissant ainsi la place aux sociétés privées (il est important de noter que depuis la signature des contrats avec les entreprises étrangères, l’activité de ramassage des déchets est illégale pour les chiffonniers, les ordures appartenant légalement à ces sociétés). Ainsi, d’après le constat de deux femmes travaillant pour une association de protection de l'environnement, le discours que porte le régime égyptien est contradictoire et paradoxal : officiellement, l’Etat souhaite intégrer les zabbâlîn dans la gestion des déchets. Cependant, ces habitants ont toujours le sentiment d’être rejeté : ainsi, depuis 1958, les chiffonniers ont été déplacés dans plusieurs quartiers (Shubra, Imbaba, Moqattam puis Manshiat Nasser). Aujourd’hui encore, et depuis la grippe porcine, un projet d’éviction est en place afin de les déménager vers la zone du 15-Mai ou Qattamiyya, en plein désert. Confirmant les premières constatations que nous avions pu faire en partie 1, les associations mettent en avant le fait que cette volonté d’éviction est due à « une église qui attire les touristes ». Pourtant, le secteur informel s’est adapté aux changements ordonnés par l’Etat : suppression des ânes et des charrettes, l’arrivée du secteur privé… Ces populations ne réclament qu’une seule chose : de la « stabilité. L’Etat ne peut pas les laisser dans le doute concernant leur avenir ». En conclusion, les auteurs ont voulu mettre en avant le fait que, bien que l’Egypte soit considérée comme « en avance » dans le domaine du recyclage, ce n’est pas à cause du processus de privatisation des années 2000 mais bien à cause de la collecte traditionnelle effectuée par le secteur informel. Ainsi, alors que les grandes entreprises étrangères ne recyclent que 20% des déchets (le reste étant enfoui ou incinéré), les zabbâlîn recyclent plus de 80% . Cette constatation renverse les idées reçues sur le secteur informel : au Caire, ce secteur est durable et productif. Cependant, bien que ce message soit clairement introduit par les auteurs, la réalité du terrain peut venir contredire ce discours : l’Etat égyptien, s’il dépasse la crise politique qu’il est en train de vivre, sera-t-il prêt à entreprendre de vraies négociations avec ce secteur informel ? De plus, bien que présenté comme un ensemble compact, les auteurs ne parlent pas du fait que les zabbâlîn ont parfois du mal à s’exprimer d’une même voix. Il existe une hiérarchie entre quartiers ainsi qu’à l’intérieur des communautés. Cette faiblesse dans la représentation pourrait constituer un problème si de futures négociations se mettent en place. 3. Des mobilités en crise Dans ce chapitre, les auteurs font intervenir différents types d’acteurs : une conseillère transport auprès du Gouvernorat du Caire, le directeur de Systra-Le Caire (entreprise française d’ingénierie et de conseil en transports) et deux personnes provenant de la société civile (le président d’une association promouvant le cyclisme et le fondateur d’un site de carpooling-covoiturage). Bien qu’issus de milieux différents, ces différents acteurs arrivent tous au même constat : le secteur des transports dans la capitale égyptienne est en crise. En effet, un cercle vicieux s’est mis en place au fil des années : avec l’étalement urbain et l’urbanisation spontanée, les distances, notamment entre les bassins d’emploi et de résidence, se sont allongées. La faiblesse des investissements, couplée à un flou institutionnel (il n’y a pas d’autorité des transports pour le Grand Caire ; il en existe une pour le Gouvernorat du Caire, la Cairo Transportation Company, les autres gouvernorats étant gérés par le Ministère des Transports), ont engendré une offre de transport inadapté. L’augmentation de la motorisation individuelle a eu pour conséquence un ralentissement des vitesses de circulation, des zones de congestion, des problèmes de pollution mais aussi d’inégalité dans la desserte par les transports publics. Pour rattraper leur retard, le régime a développé des infrastructures tournées vers l’automobile (flyover, périphérique,…) sans générer d’intermodalité. Ainsi, les espaces de stationnement sont quasiment absents ; les déplacements piétons, qui constituent pourtant 32% des trajets, sont dangereux et défavorisés. Face à ce constat, les autorités égyptiennes ont élaboré une stratégie qui devait passer par le développement de parkings mais aussi de franchissements piétons dans un premier temps, puis la mise en place d’un péage urbain ainsi qu’une hypothétique hausse du prix de l’essence et des permis de conduire. De plus, l’ancien président Moubarak a poussé au développement d’une troisième ligne de métro Est-Ouest (sous la conduite de Systra), qui desservirait notamment des quartiers densément peuplés et pauvres tels qu’Imbaba ou Boulaq el-Dakrour. Bien que les auteurs et l’interviewé présentent ce désenclavement comme une réussite, ils ne tiennent pas compte de l’influence sur le prix du foncier. En effet, l’installation d’une ligne de métro pourrait entraîner un effet d’éviction des habitants vivant près des stations (tel ce qui a pu se passer à Rabat avec le tram) ; les autorités risquent ici d’exclure socialement une partie de la population. Enfin, les deux dernières initiatives présentées à la fin du chapitre, le développement du cyclisme et du covoiturage, semblent aussi difficile à mettre en place. Les deux fondateurs de ces mouvements se retrouvent sur un point : il faut agir de manière individuelle puisque l’Etat ne le fait pas. Cependant, ces deux projets, inspirés notamment de mouvements européens ou américains (notamment pour le covoiturage), sont confrontés à des « résistances culturelles » de la part des utilisateurs. Par exemple, au Caire, il est mal vu pour une femme de monter sur un vélo. Quant au covoiturage, l’importance du « paraître social », tel être vu au volant de sa propre voiture, reste primordial dans le comportement des automobilistes. Même si ces initiatives sont intéressantes à noter, l’importation d’idées peut être bloquée par des comportements individuels. Enfin, dans un contexte politique incertain, l’association de cyclistes a été reconnue comme « mouvement contestataire », entraînant des risques pour la liberté des adhérents. C) Conclusion Le Caire, Réinventer la ville compile de nombreuses initiatives, individuelles ou collectives, présentées comme écologique ou/et durable pour cette mégapole de presque 20 millions d’habitants. Portés par des acteurs provenant de la société civile, du secteur privé ou institutionnel, ces projets innovants constituent des leviers d’action qui ont pour but d’influer sur l’évolution de cette métropole. Ce récit est aussi le résultat d’un contexte : publier au début des révoltes en 2011, les auteurs ont profité d’une certaine libéralisation de la parole des citoyens. Planification urbaine, gestion des déchets et mobilités sont quelques-uns des grands thèmes abordés dans cet ouvrage et discutés par les interviewés ; à travers ces histoires, on en apprend beaucoup sur l’opinion que portait la société civile sur la manière dont était gérée cette métropole. On s’est ainsi trouver face à un paradoxe : le contrôle de l’exécutif sur le Grand Caire était total, alors que les outils de planification, faibles et inadaptés, ne correspondaient pas aux attentes des habitants, et notamment aux classes moyennes et populaires. Cet ouvrage nous permet alors de découvrir une nouvelle face du Caire, les initiatives de sa jeunesse afin d’améliorer son cadre de vie ; ceux-là même qui sont sortis dans les rues manifester en 2011. Présentées à l’état brut, les auteurs auraient pu apporter leur analyse et expertise sur ces expériences ; il manque un regard critique dans ce livre. Cependant, cette absence peut s’expliquer par l’hétérogénéité des définitions personnelles données aux termes de « développement durable » : de changement radical à « caution verte » ou simple opportunisme, ces termes sont entendus différemment selon les protagonistes. Ainsi, ce texte nous permet de comprendre en partie les raisons de la révolte urbaine des Cairotes, sans toutefois nous donner toutes les clés pour les comprendre. Il semble donc intéressant d’aller plus loin en recherchant des écrits sur les thèmes abordés dans le livre. Ainsi, sur la gestion des déchets au Caire, les écrits de Lise Debout apportent de nombreux éclairages, notamment sur les stratégies sociales des chiffonniers. Au niveau de la planification urbaine, le travail de Galila El-Kadi, notamment Le Caire, Centre en Mouvement, ou de David Sims, Understanding Cairo : The logic of a city out of control, pourront permettre de mieux comprendre les processus urbains à l’œuvre (notamment sur la création des quartiers informels, pour le second auteur). Pierre-Arnaud Barthel, un des auteurs de ce livre, reste aussi une référence sur la logique de cette métropole, particulièrement sur l’étude des futurs grands projets et de la stratégie « Grand Caire 2050 » (il a publié de nombreux articles dans les revues Confluences Méditerranée ou Urbanisme). Enfin, le rapport d’UN-Habitat, Cairo, A city in transition, daté de 2011, reste une source de référence. En conclusion, cet ouvrage qui regroupe une belle collection d’initiatives citoyennes, mériterait d’être actualisé afin de voir, 3 ans après sa sortie, si ces projets ont pu survivre aux tumultes de la révolution. Cette mégapole fait face à de nombreux défis : pression démographique, étalement urbain, congestion ... Cependant, le retour à la stabilité politique et sociale est une condition sine qua none à toute avancée urbaine et reste encore un horizon indéfini pour les cairotes. Bibliographie : ALBRECHT V., Le Caire Face au désert ou l’épreuve de l’expansion urbaine bloquée par une barrière de croissance naturelle, mémoire, 2005 BARTHEL PA., « Relire Le Grand Caire au miroir de la densité », Confluences Méditerranée, n°75, 2010 BARTHEL, PA., « Grand Caire 2050 : nouvelle stratégie métropolitaine », Urbanisme, n°369, nov-déc 2009 BARTHEL PA et FLORIN B., « Une mégapole en morceaux ? Le Caire, centre vs périphéries », Moyen-Orient n°5, Avril-Mai 2010 BATTESTI V. et IRETON F. (dir), L’Egypte au présent. Inventaire d’une société avant révolution, Actes Sud, Paris, 2011 DEBOUT L., « Pour une Egypte propre », CEDEJ, 2013 DENIS E. et VIGNAL L., « Dimensions nouvelles de la métropolisation dans le Monde arabe : le cas du Caire », Cahiers de la Méditerranée, n°64, 2002 EL KADI G., Le Caire. Centre en mouvement, IRD Editions, Marseille, 2012 EL KADI G., « Trente ans de planification urbaine au Caire », Tiers-Monde, 1990, tome 31 n°121 pp. 185-207. RAYMOND A., Le Caire, Paris, Fayard, 1993 SIMS D., Understanding Cairo: The Logic of a City Out of Control, Le Caire, AUC Press, 2010 SIMS D., « Un nouvel espoir pour les quartiers informels du Caire, à la suite de la révolution de janvier ? », Revue Villes en développement, Bulletin du PFVT, n°91, juin 2012. SIMS D. et SEJOURNE M., Les politiques récentes de « traitement » des quartiers illégaux au Caire: nouveaux enjeux et configuration du système d’acteurs, 2006 UN-Habitat, « Cairo, a city in transition », 2011 VOLAIT M., « Composition de la forme urbaine du Caire », Peuples Méditerranéens, n°41-42, octobre 1987-mars 1988
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