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Politique de la ville et logiques d'acteurs- A la recherche d'alternatives d'aménagement pour les quartiers informels de Libreville (Gabon)

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(2006)

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    10 years ago
    POLITIQUE DE LA VILLE ET LOGIQUES D’ACTEURS. À LA RECHERCHE D’ALTERNATIVES D’AMÉNAGEMENT POUR LES QUARTIERS INFORMELS DE LIBREVILLE (GABON) Cette thèse soutenue par Fidèle Allogho-Nkoghe en 2006 (sous la direction du Professeur Jean-Christophe Gay - Université Montpellier III - Paul Valéry), s’appuie sur un travail concret d’enquêtes dans les quartiers défavorisés de Libreville, pour comprendre les causes de l’échec de l’urbanisation post coloniale mises en perspective avec, d’une part, avec les aménagements imposés par la Banque mondiale et autres bailleurs de fonds et, d’autre part, avec la décentralisation du Gabon qui induit des jeux d’acteurs politiques ne favorisant pas l’aménagement urbain et conduisant même à un « non urbanisme ». L’auteur développe l’idée que le problème d’aménagement des quartiers serait avant tout un « problème politique avant d’être géographique » et propose, à travers des expériences de projets urbains participatifs, des pistes de réflexion et des solutions alternatives. Fidèle Allogho-Nkoghe est docteur NR en géographie et aménagement de l'espace de l'université Paul Valéry-Montpellier III, enseignant-chercheur à l'École Normale supérieure, maître-assistant des universités (CAMES), coordonnateur scientifique du groupe de recherche en sciences humaines et sociales (GRESHS), consultant en aménagement et développement des territoires. Il a grandi dans les mapanes du quartier populaire N’Kembo de Libreville. L’auteur met en évidence la façon dont la ville coloniale, où s’opposaient ville « européenne » et ville « indigène », s’est transformée en une ville duale, faite de quartiers équipés, riches et « légaux », confrontés aux quartiers sous intégrés, pauvres et informels. Dans ces quartiers, les grands programmes d’urbanisme « imposés » par les bailleurs de fonds ont échoué faute d’intégration des pratiques urbaines des habitants, de leurs aspirations et faute d’avoir associé des experts locaux. L’auteur détaille ensuite la situation des quartiers précaires de Libreville (Avéa, Venez-Voir, Derrière la Prison, Nkol-Ngoum) où se développe un urbanisme « sauvage » dans les sites non aedificandi (versants escarpés ou bas-fonds), où les municipalités ne peuvent intervenir pour assurer les services minimum de base à la population faute de voiries accessibles et où les problématiques sécuritaires (absence de défense incendie notamment) et environnementales se posent avec acuité : absences de collecte d’ordures, de gestion des boues de vidanges, de gestion des eaux pluviales induisant dans les bas-fonds, réceptacles in fine des pollutions générées, des situations d’insalubrité fortement préjudiciables à la santé des populations (paludisme et maladie hydriques) et aggravées par un usage agricole et/ou domestique de l’eau stagnante par les plus pauvres n’ayant pas (ou peu) accès à l’eau potable. Dans ces quartiers se développent, avec des moyens de fortune, des actions spontanées de salubrité publique portées par des associations locales. L’auteur analyse ensuite les dysfonctionnements qui constituent les facteurs de blocage d’un point de vue foncier (législation foncière ambiguë, pratiques traditionnelles d’appropriation de l’espace, laisser-faire administratif, cadre institutionnel inadapté), environnemental (absence d’application des textes de loi dont une partie n’est pas applicable faute de décrets), maillage territorial (chevauchement des territoires administratifs résultant d’un découpage politique non objectif laissant des zones « d’ombre » où chacun se « renvoie la balle » en terme de responsabilités, notamment pour la collecte des ordures). L’auteur met également en évidence l’impuissance des chefs de quartiers qui sont des auxiliaires municipaux connaissant parfaitement les problématiques des habitants mais qui n’ont aucune prérogative définie et donc aucun pouvoir ni moyen d’action. L’auteur démontre, à travers de nombreux interviews d’élus, comment s’est mise en place la décentralisation dans les années 90 pour obtenir la paix civile et retrouver la confiance des bailleurs de fonds. Elle demeure cependant une décentralisation de façade, voulue par le pouvoir en place, mais constituant, à ses yeux, une perte de prérogatives et un risque de déstabilisation par les élus des collectivités locales de l’opposition. Dès lors, la décentralisation fait l’objet de stratégies de blocages pour noyauter l’action des collectivités de l’opposition à travers un transfert de moyens limités (et souvent redirigé vers les collectivités liées au pouvoir) et des campagnes médiatiques de dénigrement de l’inaction locale « surfant » sur le mécontentement populaire. Face au manque d’action de la puissance publique sont mis en œuvre des programmes financés par la Banque Mondiale visant des initiatives d’aménagement urbain participatif qui s’appuient sur des associations de quartier. Celles-ci sont cependant récupérées par « le politique », ce qui constitue un frein et fait dire à l’auteur, en accord avec E. Le Bris « le chemin est encore long pour atteindre un nouveau cadre de gestion urbaine ancrée dans le tissu social et articulant structures traditionnelles, organisations populaires et formes techniques modernes de l’administration ». L’auteur propose cependant des pistes relevant de l’action de l’Etat à travers, notamment, la modification des lois foncières, urbanistique avec une procédure de Permis de Construire simplifiée ; à travers la régularisation de situations acquises compatibles avec l’équipement des quartiers ; la mobilisation des populations dans le cadre de programme HIMO (à haute intensité de main d’œuvre) d’amélioration de l’environnement ; des programmes de mise à niveaux des grands réseaux de drainage et de transport ; le redécoupage des territoires administratifs. Ces actions, qui relèvent d’ « une révolution des réformes », devraient conduire à une véritable décentralisation des pouvoirs jusqu’à l’échelon local pour donner à l’acteur local des moyens et des compétences lui permettant d’agir sur son territoire. Nous nous intéresserons ici aux propos de l’auteur concernant plus particulièrement le processus qui conduit à l’émergence d’une gouvernance urbaine participative permettant de déboucher sur l’élaboration de plans urbains participatifs et de gestion urbaine communautaire. Ce processus se confronte cependant à de nombreux freins parmi lesquels, un déficit d’acception sociale et une récupération politique des actions communautaires. Les projets, tels que le PAPSUT (Projet d'Ajustement et de Planification des Secteurs Urbain et des Transports) démarré en 1995, qui s’est ensuite transformé en PROTOTIPPEE (Programme Test d’Ouvrages et de Travaux d’Intérêt Public pour la Promotion de l’Entreprise et de l’Emploi) puis en PDIL (Projet de Développement des Infrastructures Locales), en 2006, toujours avec l’appui de la Banque Mondiale, ou encore le projet pilote du PNUD « Gestion urbaine partagée des déchets solides » dans 4 quartiers sous intégrés de Libreville, montrent que la dynamique participative s’inscrit dans le temps et relève d’un processus lent qui amène les différents acteurs à se concerter et se mobiliser : prise de conscience des autorités locales de la nécessaire réflexion sur des aménagements urbains correspondant aux besoins identifiés et exprimés des habitants et tenant compte de leurs pratiques urbaines; émergence d’ONG, d’associations de quartier, d’agences d’exécution de travaux HIMO, de PME spécialisées dans les travaux d’amélioration de l’environnement… L’expérience des différents projets montre que la création des conditions favorables à l’action des habitants en collaboration avec la collectivité locale, les associations de quartier et les services de l’état, passe par une sensibilisation et un renforcement des capacités des acteurs. Par exemple, dans le cas du projet du PNUD, qui portait sur la gestion des déchets, il s’est agi d’une dotation en matériel de précollecte ainsi que la mise en place d’un fonds de roulement pour le démarrage des activités. Dans le cas du PROTOTIPPEE, notons parmi tous les volets (voirie-drainage, assainissement, collecte des ordures, micro-crédits, travail HIMO pour curage caniveaux) celui concernant la formation des PME à la gestion des chantiers et des marchés qui constitue leur point faible. Il ressort également, que les 3 « clés de réussite » pour faire émerger une gouvernance urbaine sont la participation de tous les acteurs à toutes les étapes de la planification, la compétence de chaque acteur dans son domaine et la coordination entre les tous acteurs. Cependant l’acceptation sociale de ce processus n’est pas acquise comme le montre, notamment les réactions des populations vis-à-vis du PAPSUT, à Port Gentil et dans le quartier sous intégré d’Avéa où les habitants sont réfractaires à la démarche participative car ils considèrent que leur implication signifierait de « légaliser le pillage des richesses par le pouvoir » qui n’assume pas ses responsabilités vis-à-vis de populations défavorisées. Malgré tout, face à l’incapacité des acteurs institutionnels à résoudre les problèmes environnementaux, émergent des associations, notamment de jeunes (souvent chômeurs) qui veulent agir « au nom d’un environnement sain et durable ». Leur champ « libre » d’action est cependant fortement contraint, d’une part, du fait de l’absence de cadre juridique et institutionnel formalisant leur intervention dans la collectivité locale, et d’autre part, la récupération politique. Dès lors, toute initiative qui ne serait pas parrainée par un leader politique serait considérée comme une « bravade » à l’encontre du pouvoir. Le clientélisme politique conduit à un « populisme développementaliste » entraînant une gestion politique des territoires via des actions ponctuelles (curages caniveaux, constructions de passerelles etc…) pour contenter les populations et « acheter » en quelque sorte leur vote ; les quartiers « aux mains » des opposants restant sous équipés (pas de bornes fontaines, pas d’éclairage public). Face à ces constats de quasi impuissance en matière de planification urbaine des quartiers informels de Libreville, car les actions menées (même si elles apportent un confort momentané aux populations), relèvent davantage d’actions curatives que de mesures de gestion durable et encore moins d’une véritable politique d’aménagement urbaine ; nous nous interrogeons, d’une part, sur les leviers d’actions possibles qui ne seraient pas dépendants du pouvoir politique et, d’autre part, sur la question de l’acceptation sociale de la démarche participative, en se référant à l’auteur qui cite (en encadré dans sa thèse et avant sa conclusion générale) M. Rochefort « la participation risque de devenir pour les pouvoirs publics, une facilité financière en utilisant une main d’œuvre gratuite pour des services qu’ils devraient assumer dans leur budget ». Si la gestion communautaire peut effectivement pallier un déficit de ressources financières des collectivités « pauvres » d’Afrique de l’Ouest (comme au Mali ou au Burkina Faso), elle apparaît plutôt scandaleuse au Gabon qui, selon Anicet Mboumba(1) , « utilise la rente pétrolière non pas comme moyen de satisfaction des besoins des populations, notamment des plus démunies, mais plutôt comme instrument de contrôle social et de domination politique au niveau urbain comme à l’échelon national ». Dès lors cette situation pourrait conduire au paradoxe suivant où les populations des quartiers informels des villes des pays bénéficiant, par exemple, de fonds de l’initiative PPTE pour la mise en œuvre de programmes de réduction de la pauvreté en milieu urbain, seraient mieux « loties » que celles des quartiers défavorisés gabonais. (1) La difficile mutation du modèle de gouvernement des villes au Gabon : analyse à partir de la gestion des déchets à Libreville. Annales de Géographie 2011/2 (n°678). Editions Armand Colin
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