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Le Temps de l'Afrique

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(2010)

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  • @benboun

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  • @benboun
    10 years ago
    A) Cet ouvrage a été publié en 2010 dans un contexte de fortes mutations pour l’Afrique subsaharienne du fait de son explosion démographique et de ses répercussions à tous les niveaux : contexte politique, développement économique, impact environnemental et plus localement la réorganisation des espaces et la densification des villes. Membre de l’Académie des technologies, Jean-Michel SEVERINO a été directeur général de l’Agence française de développement de 2001 à 2010 après avoir été directeur de la Banque mondiale pour l’Europe centrale puis son vice président pour l’Asie. Il avait occupé différentes fonctions de responsabilité au ministère français de la Coopération et du Développement. Il a écrit « Idées reçues sur le développement » (Le Cavalier bleu, 2010) et a contribué à l’ouvrage collectif « Pour changer de civilisation » (Odile Jacob, 2011). Olivier Ray a été entre 2007 et 2010 chargé de mission auprès du Directeur Général au sein de l’Agence Française de Développement (AFD). Il est depuis 2011 économiste à la Direction de la prospective au sein du Ministère des affaires étrangères et européennes. Les auteurs vont aborder la problématique de la transformation accélérée de l’Afrique subsaharienne sous deux angles. Tout d’abord, ils vont avoir une réflexion sur les conséquences de ces mutations pour le continent africain mais aussi sur ses voisins et sur le monde. Dans un second temps, les auteurs mettront en avant que les mutations africaines symbolisent une « Afrique en marche », qui va bénéficier de nouvelles opportunités et de défis d’un nouvel ordre. B) C’est l’histoire particulière et unique du peuplement de l’Afrique qui a façonné les espaces que l’on connaît aujourd’hui. La traite négrière, la colonisation et l’exposition aux pandémies européennes ont fait stagner voir chuter la population de l’Afrique entre 1500 et 1900 alors même qu’en Europe la population était alors multipliée par cinq. La transition démographique de l’Afrique a donc été plus tardive mais surtout plus intense car sa population a ensuite été multipliée par sept entre 1900 et 2000. Avec une croissance de 2,5% par an, la population africaine devrait doubler en 40 ans passant de 860 millions à 1,8 milliard en 2050. Ce phénomène a entraîné une densification accélérée ainsi qu’une urbanisation massive du territoire mettant les services publics sous tensions. Or ce phénomène va s’intensifier car, en 2030, la moitié des africains seront des citadins. Du fait du contexte international dans lequel va se dérouler cette poussée démographique, la croissance de l’Afrique risque de se heurter à trois freins majeurs. Tout d’abord, contrairement aux pays européens qui ont bénéficié des possibilités de migrations lointaines vers le Nouveau Monde jusqu’au début du XXème siècle, l’Afrique subsaharienne devra se développer dans ses propres frontières, du fait de la fin des migrations intercontinentales. Ensuite, les enjeux environnementaux comme le dérèglement climatique ou la fin des ressources naturelles impacteront son développement, on le voit déjà dans certaines régions avec la naissance de « réfugiés climatiques ». Enfin, le développement de l’Afrique se déroulera dans un contexte international de « pleine inflation normative » du fait de la multiplication des normes, chartes, lois,…, ou encore les conditions pour l’obtention de l’aide internationale qui sont de plus en plus contraignantes à respecter, complexifiant toujours davantage le défi à relever. L’explosion démographique va se répercuter également sur la composition de la population africaine avec une majorité de jeunes en âge de travailler qui, faute de travail dans leur pays, vont chercher à migrer, en Europe par exemple. A l’inverse, la pyramide des âges des pays européens va tendre vers une population vieillissante. Ces pays devraient donc être bientôt en demande d’une main d’œuvre jeune et de plus en plus qualifiée. Les auteurs s’interrogent sur l’impact que ces migrations vont avoir sur le pays de départ mais aussi sur le pays d’accueil, car si les flux financiers engendrés seront importants, ils ne seront pas forcément synonymes de développement. En effet, on sait que la présence d’un migrant en Europe va améliorer la qualité de vie de sa famille restée en Afrique (accès à l’école et aux soins, agrandissement du logement ou accès à un moyen de transport) ce qui est gage d’un certain développement. Cependant cet argent ne profite pas à tous, ce qui est particulièrement visible à l’échelle d’un village ou d’une communauté, créant des inégalités voir des conflits internes. Dans un même temps, ce phénomène va inciter d’autres familles à envoyer leurs enfants travailler à l’étranger. Le migrant, une fois qu’il a obtenu un travail en Europe, va envoyer environ un quart de son salaire en Afrique ce qui va amoindrir son niveau de vie dans le pays d’accueil et de ce fait devenir un frein à son intégration. Le véritable problème mis en avant dans l’ouvrage n’est pas le fait que les migrations vers les pays du Nord se multiplient puisque ces mêmes pays seront demandeurs de flux migratoires, il est surtout de savoir comment accompagner ces migrations pour qu’elles soient synonymes d’une intégration réussie dans le pays d’accueil. En parallèle, lorsque l’on parle de migration il est rappelé que le continent africain est aussi une importante terre d’accueil. Historiquement les migrations étaient davantage internes à l’Afrique, liées au développement fulgurant de certaines exploitations dans les années 80, comme par exemple le cacao en Côte d’Ivoire. Malheureusement la chute des coursa créé une paupérisation des populations dans le pays d’accueil et la main d’œuvre immigrée s’est retrouvée mise à l’écart voir expulsée dans leur pays d’origine. Aujourd’hui les flux migratoires sont d’une autre nature car l’Afrique subsaharienne en pleine mutation est devenue un terrain d’ascension sociale et d’opportunités pour des étrangers. A titre d’exemple, les commerçants libanais vont pouvoir y développer leurs affaires grâce à une stabilité absente dans leur pays d’origine. Ces dernières années, l’afflux massif de migrants chinois a aussi permis la progression de flux commerciaux bilatéraux importants, générant des investissements conséquents pour les villes africaines. Grâce à la multiplication de ces flux économiques et migratoires, l’Afrique subsaharienne s’insère donc de plus en plus dans la mondialisation. C) Pour conclure, nous avons vu que l’Afrique vit actuellement une transition démographique sans précédent. Malgré son démarrage tardif et les différentes contraintes qu’elle va rencontrer, l’Afrique subsaharienne se place désormais au cœur de grands enjeux mondiaux. La suite de l’ouvrage (non traitée dans cette note) s’attache à développer les facteurs d’émergence de l’Afrique puis pointe du doigt le désintérêt de l’Europe pour le continent africain alors même que d’autres pays vont y investir massivement. L’explosion démographique est décrite dans l’ouvrage comme une formidable opportunité pour le continent africain, ce qui est pourtant un paradoxe au vu de la multitude des contraintes qu’il va être amené à rencontrer: un continent cantonné dans des frontières non adaptées issues de la période coloniale, des migrations internes et externes limitées, des conditions de développement imposées par les autres pays et de plus en plus contraignantes, la limite des ressources naturelles disponibles pour se construire,… De plus, la vision prospective d’1,8 milliard d’habitants en 2050 est un scénario présenté à la baisse car sans une politique nataliste plus incitative, ce chiffre pourrait être largement supérieur. Or nous l’avons vu dans notre cours sur la planification urbaine, sans outil d’accompagnement et avec la multiplication d’une population africaine principalement urbaine, le risque est d’aboutir à des villes ingérables pour les pouvoirs publics locaux avec un étalement important, le développement de bidonvilles anarchiques, sans accès aux services essentiels ou encore exposées à des problèmes de sécurité comme cela a été le cas dans certaines grandes villes d’Amérique du Sud. Enfin, la présence de nombreux investisseurs étrangers sur le continent africain est présentée comme une chance du fait des flux financiers, commerciaux et migratoires. On peut aussi relativiser cet impact bénéfique car s’il n’est pas accompagné d’une politique tournée sur l’éducation des populations démunies et la formation de la main d’œuvre africaine alors l’Afrique risque de laisser à d’autres les secteurs porteurs de son économie, pour se cantonner au secteur informel peu rémunérateur. L’africain ne doit pas être spectateur du développement attendu de l’Afrique subsaharienne mais bien acteur en participant et ainsi en profitant réellement des mutations de son continent. Bibliographie : Les principales données reprises de l’ouvrage sont issues des études suivantes: PETRE-GRENOUILLEAU O. (2004), Les traites négrières, Essai d’histoire globale. Ed. Gallimard. BRUNEL S. (2003), L’Afrique, un continent en réserve de développement, Ed. Bréal. GUENGANT J.P. (2007), L’Afrique face à ses défis démographiques, un avenir incertain, Ed. AFD-CEPED-KARTHALA. BIRABEN J.N. (2003), L’évolution du nombre des hommes, Populations et sociétés, Ed. INED.
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