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Développement durable de l’agriculture urbaine en Afrique francophone Enjeux, concepts et méthodes

(Eds.)
(2004)

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  • @pascalerouxel
    9 years ago (last updated 9 years ago)
    Cet ouvrage a été produit en 2004 par le Crdi (Centre de recherches pour le développement international), au Canada ; le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et le ministère des Affaires étrangères, en France ; l’Isra (Institut sénégalais de recherches agricoles) dans l'objectif de proposer des approches et des outils adaptés aux problèmes posés par l’agriculture urbaine en Afrique de l’Ouest et du Centre afin de gérer les espaces agricoles en ville et les filières de l’agriculture urbaine dans un contexte où « le jeu des contraintes et des atouts est complexe ; les risques par rapport à l’environnement et au marché sont nombreux ». S'inscrivant dans une démarche de recherche-développement, l'ouvrage comprend 5 chapitres rédigés par des auteurs issus de différentes spécialités : Paule Moustier (économiste, Cirad, Montpellier) et Abdou Salam Fall (sociologue, université Cheikh Anta Diop, Dakar) pour le chapitre 1 ; Djibrill Doucouré (planificateur urbain, Iagu, Institut africain de gestion urbaine, Dakar) et André Fleury (agronome, Ensp, Versailles) pour le chapitre 2 ; Michel Moumbélé (juriste, Agricongo, Brazzaville) et Joël Huat (agronome, Cirad, Saint- Louis) pour le chapitre 3 ; Abdou Fall et Maty Ba Diao (zootechniciens, Isra, Dakar), Aimé Nianogo (zootechnicien, Inera, Institut de l’environnement et des recherches agricoles, Ouagadougou) et Denis Bastianelli (spécialiste de l’élevage, Cirad, Montpellier) pour le chapitre 4 ; Seydou Niang (spécialiste du traitement des déchets, université Cheikh Anta Diop, Dakar) et Jean-Luc Farinet (spécialiste du traitement des déchets, Cirad, Montpellier) pour le chapitre 5. L'ouvrage met en évidence que la contribution de l'agriculture urbaine à la gestion de la ville (« en termes d’approvisionnement des villes, d’emploi et de gestion de l’environnement urbain (Undp, 1996) ») est contrainte par la multiplicité des acteurs, des filières et des pratiques ; les fluctuations des productivités et des marchés ; la variabilité des ressources en eau et en intrants ; les problématiques foncières et environnementales ; la sécurité alimentaire ; les nuisances générées … Le chapitre 1 analyse les dynamiques de l'agriculture urbaine marquées notamment par « la compétition pour l’accès aux ressources foncières » qui entraîne la précarité des activités agricoles ; et par une évolution dans le temps non linéaire du fait des «changements fréquents dans l’utilisation de l’espace urbain et dans le dynamisme des acteurs ». Ainsi, un accompagnement institutionnel, technique et économique des dynamiques existantes s'avère indispensable pour assurer la durabilité de l'agriculture urbaine. Le chapitre 2 met en évidence l’absence de prise en compte de l’agriculture urbaine par les politiques publiques qui ne mettent pas en place un cadre législatif et réglementaire adapté. La planification stratégique permet d'y remédier avec des méthodes participatives et en faisant prévaloir, auprès des décideurs, « la contribution de l'agriculture urbaine à des objectifs politiques : emploi et création de revenus, alimentation, coupures vertes et gestion des déchets». Le chapitre 3 aborde la durabilité économique et écologique de la gestion des filières maraîchères soumises aux pressions foncières (ambiguïté des droits fonciers) et écologique (reproduction de la fertilité, gestion de la pression phytosanitaire, limitation des prélèvements en eau), à l'accès aux intrants (semences, engrais) et à un faible niveau de formation professionnelle. Des méthodes pratiques sont proposées pour améliorer les productions en fonction des typologies des systèmes de culture et d’exploitations et de l’impact des pratiques culturales sur l’environnement. Le chapitre 4 traite des productions animales urbaines et périurbaines soumises aux contraintes d'approvisionnement en aliments, de gestion des nuisances (effluents, bruits et divagation d’animaux) et des problèmes sanitaires (pour les animaux et pour la santé publique) qui contribuent à la mauvaise réputation des produits urbains. Les perspectives d’amélioration passent par une bonne connaissance des filières et de leurs problèmes spécifiques afin de mieux organiser le marché tout en instaurant une gestion de la qualité. Le chapitre 5 aborde enfin le traitement et la réutilisation des déchets organiques dans l’agriculture urbaine qui peuvent permettre ainsi le recyclage des déchets solides (contenant une forte proportion de matière organique et d’éléments fertilisants) pour l'amendement des sols et des effluents liquides pour l’irrigation des cultures. Le recyclage direct, vecteur de pollution, avec notamment la présence de métaux lourds et de germes pathogènes, est à proscrire ce qui implique la mise en œuvre de traitements adaptés (compost des déchets solides, traitement des effluents liquides). Il ressort de cet ouvrage la nécessité d’étudier finement tous les « ressorts » de l'agriculture urbaine afin de mieux l'encadrer pour assurer sa durabilité économique et écologique et pour garantir une sécurité alimentaire et une prévention des risques indispensables à la préservation de la santé publique urbaine. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la prise en compte de l'agriculture urbaine par la planification stratégique, à la notion de développement urbain équitable, à la question du recyclage des déchets et des effluents ainsi qu'à l'accès à une eau salubre pour pratiquer l'agriculture en ville en se questionnant, à chaque fois, sur le devenir des populations les plus pauvres qui la pratiquent pour leur autosubsistance. Les auteurs montrent, au chapitre 2, que la planification urbaine doit s’appuyer sur « la capacité de l’agriculture urbaine à améliorer la qualité de vie de la ville et son habitabilité » afin de convaincre le pouvoir politique qu’elle est « nécessaire au fonctionnement urbain ». L'agriculture urbaine doit être vue comme « un projet collectif » validé par tous les acteurs soucieux d’un « développement urbain plus équitable ». Effectivement, nous comprenons que le résultat d’une telle planification stratégique devrait aboutir à des zones réglementées réservées à différents types d’agricultures, en fonction des contraintes environnementales, économiques et sociales ; en permettant ainsi une affectation sécurisée des terres agricoles ; la mises en place de filières agro-économiques performantes s'accompagnant d'un accès au crédit facilité et du renforcement des capacités des agriculteurs ; et conduisant, in fine, à une meilleure maîtrise des risques pour préserver la santé publique. Mais dans ce cas de figure, que l’on pourrait qualifier d’idéal, quelle serait la place des populations les plus pauvres qui pratiquent l’agriculture urbaine sur de petites parcelles, prioritairement pour leur autosubsistance, avec, plus ou moins occasionnellement, la vente ou le troc de leur production dans leur quartier ? Si nous prenons l’exemple de la ville de Ouagadougou au Burkina Faso, étudié par Conchita M. G. Kêdowidé, Michel P. Sedogo et Guéladio Cissé dans l'article de la revue Vertigo de septembre 2010 « Dynamique spatio temporelle de l’agriculture urbaine à Ouagadougou : Cas du Maraîchage comme une activité montante de stratégie de survie », nous constatons qu’un début de prise en compte de l’agriculture urbaine par les politiques publiques a permis de faire émerger des sites aménagés et organisés professionnellement en fonction des besoins et marchés potentiels dans des secteurs périphériques : Bika à Boulmiougou (grâce à la présence d’un barrage et des bas-fonds pour une production de la fraise) ; Kossodo (grâce aux eaux épurées de la nouvelle station d’épuration) ; ainsi que plusieurs secteurs du projet de réhabilitation de la ceinture verte. L'article signale qu'à terme, le schéma directeur d’aménagement du Grand Ouaga n’autorisera en centre-ville que la production horticole prévue pour l’aménagement des bas-fonds autour des barrages ; seul le projet « Ceinture verte de Ouagadougou : écosystème de vie et de production » autorisera le maraîchage et la production des céréales. Nous pouvons donc nous demander si le risque d'une telle planification n'est pas de voir, à terme, les populations sans qualification récemment issues de l’exode rural, davantage marginalisées et confinées dans les périphéries où elles se retrouvent déjà cantonnées en secteurs non lotis afin de pouvoir pratiquer une agriculture de subsistance. Ainsi, l'effet pervers de la planification stratégique pourrait conduire à la remise en cause de la notion de développement urbain équitable avec un cadre trop rigide excluant certaines branches de l'agriculture urbaine du centre ville alors qu'une prise en compte plus souple, basée sur l'innovation technologique, permettrait de mieux l'intégrer dans l'ensemble de la ville. Prenons les exemples développés par la revue Agriculture Urbaine (Magazine AU) d'octobre 2008 qui propose des solutions alternatives telles que l'utilisation intensive d'espaces verticaux limités (terrasses, toits, balcons) ; l'usage de divers systèmes de conteneurs et de paniers suspendus ; la culture sur murs, cascades, ou pyramides ; l'utilisation de systèmes sans substrats comme l'agriculture hydroponique (Marulanda et Izquierdo, 2003) et organoponique (Premat, 2005) ; les microélevages. Ces solutions alternatives relevant de l'innovation technologique associées à un accompagnement ciblé des organisations d'orientation sociale (jardins communautaires, groupements d'agriculteurs etc...) pourraient être prises en compte par la planification stratégique afin de ne pas occulter le rôle de l'agriculture urbaine dans les stratégies de subsistance des populations urbaines les plus pauvres, dans l'amélioration de leur sécurité alimentaire /nutritionnelle et dans leurs capacités d'auto prise en charge. Reste cependant posé le problème de l'accès à une eau salubre permettant une agriculture urbaine sans risque pour la santé publique. Le chapitre 5 donne quelques pistes visant la réutilisation des eaux domestiques traitées pour l’irrigation mais aussi pour la fabrication du compost à partir des ordures ménagères nécessite une phase d’humidification des tas. Nous pouvons cependant nous attendre à ce que ces solutions conduisent à repousser malgré tout les zones agricoles urbaines en périphéries où se trouvent les ouvrages d'épuration et les centres de tri et de compostage ; ces activités, également génératrices de revenus pour les plus pauvres, viennent, comme dans le cas de Ouagadougou, renforcer leur cantonnement en périphérie urbaine sans résoudre le problème d'une eau salubre réservée pour le maraîchage et l’élevage en ville. La question de l'utilisation des eaux pluviales pour l'agriculture urbaine, non abordée dans l'ouvrage, doit donc être posée et des solutions alternatives pour sa gestion étudiées. La rétention à la parcelle des eaux ruisselées sur les toitures permettrait l’arrosage de jardins domestiques ; et à l'échelle du quartier, les rétentions pluviales pourraient répondre aux besoins de jardins communautaires. En conclusion, retenons que la prise en compte de l'agriculture en milieu urbain requiert l'expertise de nombreuses compétences associée à la concertation de nombreux acteurs afin d'assurer sa durabilité économique et écologique dans le cadre de politiques de planifications stratégiques prenant en compte et/ou suscitant des innovations technologiques indispensables au maintien du rôle joué par l'agriculture urbaine dans les stratégies de subsistance des populations les plus pauvres. Ainsi, l'agriculture urbaine ne serait pas réservée aux quartiers périphériques des villes avec une valorisation des effluents traités et des déchets organiques compostés facilitée mais pourrait continuer à trouver sa place en ville grâce à des solutions novatrices limitant la consommation d'espace et valorisant les eaux pluviales.
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