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Brazzaville, une ville à reconstruire

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(2006)

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  • @maurorosi

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  • @maurorosi
    10 years ago
    Cette publication de l’éditeur parisien Karthala, spécialiste de l'histoire et de la géopolitique des pays en développement, constitue l’assemblage, voir la juxtaposition, de 16 textes originairement rédigés dans le cadre de séminaires du laboratoire de recherches administratives de l’Université Maruen Nguabi. Elle a été réalisée grâce au concours de l’Ambassade de France à Brazzaville. Les auteurs, dont les travaux reposent sur des méthodologies assez disparates, sont issus de domaines et spécialisations hétéroclites : ils sont urbanistes, médecins, économistes juristes, géographes, démographes, historiens, sociologues. Du fait de sa relative fragmentation thématique cet ouvrage ne propose au lecteur aucune véritable synthèse ou thèse unitaire. Il a toutefois le mérite de présenter une grande pluralité de points du vue documentés et qualifiés ; leur seul point commun est sans doute l’accent posé sur la complexité, la difficulté et la gravité des problèmes de Brazzaville, et sur la valorisation de ses ressources en capital social, en termes de cohésion et de solidarité sociales. Les articles sont distribués en trois parties. Le premier (« Fondements d’une restructuration ») porte sur l’histoire et sur la genèse des contextes et des défis actuels. On y retrouve l’histoire de la fondation de la ville, son évolution selon de modèle ségrégationniste, le rôle joué par Brazzaville au cours du XXe siècle, dans l’éveil social, politique et intellectuel du pays. On y rappelle les faits de la conférence de Brazzaville, voulue par le Général de Gaulle en janvier 1944, et des pistes qu’elle généra, qui mèneraient à la loi-cadre de 1956 et, finalement, aux indépendances. La multiplication des réactions politico-religieuses de Congolais, les protestations des « évolués » face au code de l’indigénat, les revendications des salariés ont trouvé un remarquable champ d’action à Brazzaville tout au long de son histoire, tout comme les terribles et nombreux conflits qui ont déchiré le pays. La deuxième partie de l’ouvrage « Dynamiques socio-économiques et reconstructions populaires »  porte sur l’analyse des lieux (kiosques, tontines, associations traditionnelles, mutuelles, transports, services autogérés) et les pratiques d’interaction relative à l’accumulation, à la reproduction et à l’échange du capital social dans la ville ; c’est la partie où les ressources, les solutions et l’avenir de Brazzaville sont identifiés ou préfigurées. La troisième partie, consacrée à « La nécessaire recomposition des aménités urbaines », est axée sur une série d’articles sur des situations de conflits, de malaise et de défi social (revendications foncières, services publics, santé sexuelle, mortalité enfantine, toxicomanie), qui montrent à la fois – dialectiquement – les blocages et les dynamiques de la société brazzavilloise. L’ouvrage nous offre une image de Brazzaville en tant que pôle d’attraction aux drames et aux défis surdimensionnés, qui concentre, catalyse et amplifie en elle les vicissitudes d’un pays sous-peuplé qui a connu plusieurs guerres civiles. Comme ailleurs dans les villes africaines, la population de Brazzaville regroupe et concentre plus de 40 % de la population urbaine du pays, qui est en grande majorité composé par de jeunes. Les succès relatifs atteints en matière d’éducation, avec un taux de scolarisation élevé, engendrent par ailleurs d’autres défis, comme la transformation de la ville en « cité dortoir » des écoliers, et certains problème de sécurité et de criminalité. Le manque de règles qui marqué la croissance spatiale de la ville tout au long de son histoire a abouti, selon une dynamique classique de « urban sprawling », à la création d’un nombre important de quartier résidentiels périphériques, mal reliés au centre-ville et entre eux. Autour du domaine foncier se cristallisent des conflits importants, analysés en particulier dans l’article sur la « Scène foncière de Brazzaville », entre les personnes qui revendiquent des droits traditionnels sur le foncier et les services de l’Etat. L’ hétérogénéité des articles proposés dans cette publication est résumée dans les conclusions du coordonnateur de l’ouvrage, le géographe et juriste Robert Edmond Ziavoula, par l’énumération des problèmes économiques, sociaux, éducatifs et urbanistiques de Brazzaville, dont le contrepoids – clé de possibles solutions – serait constitué par « les solidarités horizontales » tissées à partir de lieux de rencontre de tous les jours, comme « l’école, le marché, l’église, les lieux de travail et de distraction » (Zivoula, 2006, page 347). Capitale d’un pays dont l’économie repose principalement sur l'exploitation des hydrocarbures sur la côte (environ 90 % des exportations du pays), Brazzaville fait face à de graves problèmes de développement urbain. Le boom pétrolier des années 80 n’a pas eu de répercussions durables sur la ville. L’ouvrage illustre la fermeture, l’une après l’autre, des entreprises d’État de la première et de la deuxième génération, signe d’une crise grave pour une ville qui vit au rythme des services. Pour faire face à une économie détériorée et aggravée par l’intensité et la violence des guerres civiles, la cité recourt aux pratiques de l’informel. Si les textes rassemblés dans ce livre révèlent la figure d’une ville vulnérable, marquée par le désordre, les auteurs témoignent en contrepartie de la réalité d’une « énergie sociale» étonnante qui laisse espérer une possible reconstruction. Les « sociabilités horizontales » se développent dans le cadre de regroupements, des des idéologies, des communautés, et produisent une géographie conviviale qui pourra, à terme, redonner à Brazzaville l’élan, le souffle et les solutions nécessaires. Certes, la portée de ce potentiel semble au lecteur parfois un peu surestimée. Que la capital social puisse à lui seul être susceptible de porter tout un processus de reconstruction et de renaissance est un point de vue peut-être trop optimiste, et qui ne tient pas compte du fait que le capital social ne se maintien et ne s’auto-valorise que par l’échange avec et la conversion en d’autres formes de capital. L’ouvrage par ailleurs, se limite à indiquer, comme dans un diagnostic qui listerait un peu mécaniquement les points de force et les points de faiblesse d’une situation, les éléments positifs d’un cadre général dont on ne cesse pas, au fil des chapitres, de souligner les difficultés.
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