Abstract
Le travail émotionnel appartient à la face cachée du travail infirmier.
Travail implicite, non reconnu donc non rétribué, il est pourtant
indispensable au bon déroulement des soins. Dans ce livre, l'auteur
a étudié l'impact émotionnel du corps malade sur le soignant à partir
de données d'observation et, surtout, de données recueillies par
entretien auprès de soignants (infirmières et aides-soignantes) et
de malades, complétées par la lecture de témoignages. Dans le corps
à corps soignant-soigné, les perceptions sensorielles s'articulent
à des processus cognitifs déclenchant simultanément chez le soignant
jugement clinique et émotions à tonalité variable pouvant atteindre
l'insoutenable. Cet impact émotionnel prend tout son sens à la lumière
des théories anthropologiques : le malade est dans une position d'entre-deux,
donc tabou, et le corps malade sous ses différentes facettes appartient
au domaine sacré et représente un danger de contamination symbolique.
C'est pour se protéger de ce risque, qui peut se manifester sous
la forme d'un mimétisme symptomatologique, et pour respecter les
normes d'expression émotionnelle instituées au sein de l'hôpital
comme au sein de la société, que les soignants déploient des mesures
de prévention qui consistent pour l'essentiel en une mise à distance
du malade. C'est notamment en opérant par le biais du rite une séparation
franche entre les deux mondes, celui des malades et celui des soignants,
que ces derniers se protègent de l'impact du corps malade. La mise
au jour du travail émotionnel des soignants permet de donner du sens
à des pratiques jugées incongrues voire inadmissibles, comme la violence.
Pour l'auteur, prendre en compte cette dimension du travail est un
facteur clé de l'humanisation des soins à l'hôpital.
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