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CASABLANCA: LE ROMAN D'UNE VILLE

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(1955)

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    10 years ago
    NOTE DE LECTURE OUVRAGE : CASABLANCA : LE ROMAN D’UNE VILLE AUTEUR : MICHEL. ECOCHARD Michel Ecochard, auteur du présent ouvrage, est né à Paris en mars 1905. Diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux Arts en 1932, cet architecte, urbaniste et archéologue, ouvre sa propre agence privée en 1953. Il occupe progressivement différents postes dans de nombreux pays : Syrie, Maroc, France et est chargé de missions importantes (aux USA avec le Corbusier notamment) mais aussi au Pakistan où il est l’envoyé de l’ONU. Au Maroc, il occupe le poste de directeur du Service de l’Urbanisme de 1947 à 1953. C’est là, avec son équipe d’architectes, ingénieurs et urbanistes, qu’il est chargé de revoir le schéma directeur de Casablanca afin de résoudre l’extension anarchique de la ville et les différents problèmes qui en découlent. Succédant à Prost, auteur du schéma directeur de la ville de Casablanca en 1915, Michel Ecochard fait une lecture nouvelle de l’urbanisme comme composante sociale, politique et économique. « En promeneur » et à travers ses photos évocatrices et parfois choquantes de Casablanca, il décrit au lecteur l'atmosphère d’une ville dont l’essor reste à nos jours incontrôlable. Dans ce livre, l’auteur rejette le traditionnel et fonde ses projets sur les prévisions démographiques, qui à l’époque (1950) devenaient alarmantes. Pour cela, l’architecte ultra-moderne, vise des objectifs nets et tangibles où les disparités s'aplanissent entre les quartiers de résidence européenne et les Insolvables bidonvilles marocains. Il lutte à travers son approche pour évincer les spéculateurs de terrains puissants et bousculer la routine de l'administration, Son « nouveau plan d'aménagement du grand Casa-Fedala » répond à l'afflux régulier des populations du Sud, au trafic marocain aimanté vers les ports (et pour les trois quarts vers Casa) et à la complexité de la circulation (coexistence des voitures américaines et des lentes charrettes ânes). Ce grand port international, dont la population s'accroît à un rythme exceptionnel (8 % par an), pose les plus graves problèmes de répartition et de logement. Petite bourgade de 20.000 habitants au début du XXème siècle, c'est cinquante ans après la quatrième ville d'Afrique, avec 700.000 habitants. Ainsi, le livre s’ouvre sur une description de Casablanca qui s’amorce à la place de France pour se développer en un incroyable circuit de promenade qui passe des villas européennes aux bidonvilles, des médina aux nouveaux quartiers industriels, se proposant ainsi de porter un éclairage sur l’ensemble des mécanismes de la production d’une ville nouvelle, en l’occurrence celle de Casablanca, de sa planification à son développement, sur toute la durée du Protectorat. L’auteur rend tout d’abord compte de l’étude de l’organisation administrative du Protectorat à différentes échelles, puis de l’analyse de la doctrine officielle, de la création par Lyautey et son équipe d’un modèle urbain et l’adaptation au contexte avec une séparation de la ville nouvelle et de la médina. Dimension spécifique de l’urbanisme colonial de Lyautey qui s’affirme dans la séparation de la ville indigène et de la ville européenne. En effet, le Maroc, et dans ce cas précis, la ville de Casablanca, constituent par les différentes réflexions menées sur l’habitat et le mode de développement urbanistique constaté, un laboratoire et une terre d’expérience qui est souvent désignée comme étant exemplaire dans le pays colonisateur. Or, le phénomène de concentration urbaine déclenché par l’industrialisation a pris une ampleur effroyable : en trois fois moins de temps qu’en France le coefficient d’accélération de l’urbanisation s’est vu augmenter alors que l’énergie juvénile de Casablanca est perturbée par l’absence totale de planification. Ce brusque changement de la pratique sociale et donc urbaine, se limitant autrefois à l’enceinte de la médina, fut volontairement enclenché par le colon. A ce sujet, Ecochard dénonce la spéculation foncière qui stérilise le sol en centre ville et ses conséquences générales (dispersion de l’habitat, excès de voieries, absence d’espaces libres, d’espaces verts, de parking, de place) et défend la propriété collective du sol urbain en vue de prévenir la spéculation. Il conduit une étude multidisciplinaire avec des sociologues sur le mode de vie des populations et analysent ensemble les besoins des familles, leur standing, les voieries, les habitudes, les canalisations. Cette analyse aboutit à la mise en place de trames spécialement étudiées de 8m x 8m avec une orientation favorable (sud et est) composées de deux pièces ouvrant surun patio, d’un WC et d’une cuisine. Ainsi, on arrive à définir exactement le nombre d’habitants à loger : 350 habitants par hectare. Il pense aussi aux nouveaux quartiers qui privilégient les piétons, fournissent de nombreux espaces publics et offrent autant de souplesse que possible. Outre les logements, Ecochard prévoit des « unités de voisinage » avec des parcours piétons, hammam, mosquée, école coranique : « La réforme de la société par la réforme de l’habitat est la pièce maitresse qui aspire à concrétiser la paix sociale. » Enfin, l’auteur insiste sur l’importance du facteur temps en soulignant que même si l’œuvre est parfaite elle doit s’adapter totalement à l’homme et ne sera rien si elle ne continue plus à être pour lui dans les instants suivants, car en effet : « l’urbanisme d’une ville ne s’achève pas avec son plan, ses lois, la mise en place de ses cités satellite son programme de réalisation dans le temps et ses achats de terrains. L’équipe des réalisateurs doit rester sur place, vivre la vie de la ville et repenser sans arrêt ses problèmes, les repenser de très haut sur le plan de l’évolution de tout le pays, mais aussi se pencher sur le microscope pour voir les cellules se multiplier, se déformer et de porter à des points du corps où elles seront dangereuses pour la vie de tout le corps » Ainsi, le paysage de la ville de Casablanca d’aujourd’hui et les enjeux actuels sont appréhendés à partir du développement des quartiers qui ont constitué le territoire de Casablanca. Entre 1915 et 1917, Henri Prost a dessiné un plan pour Casablanca qui sera une référence dans l’histoire de l’urbanisme européen. Le nouveau plan de zonage de 1952 élaboré par Michel Ecochard, reste quant à lui en vigueur jusqu’au milieu des années 1970. Par ailleurs, depuis le Protectorat, les propos sur la nécessité de transférer en un "ailleurs" les habitants des bidonvilles sont récurrents, bien que les champs sémantiques, les acteurs d'où émanent la politique urbaine et les discours afférents, l'intensité du dessein réformiste – masquant simplement parfois une volonté d'expulsion hors de la ville d'une population jugée indésirable –, etc., varient selon les époques. Egalement récurrent est le refus des bidonvillois d'être recasés dans des opérations théoriquement conçues pour eux. Dans cette logique de "modernisation" de la ville et de la société urbaine, les discours sur l'habitat populaire occupent au sein des propos sur la ville une place valorisée, puisque la capacité de l'Autorité à loger le peuple est l'un des marqueurs emblématiques de sa politique d'habitat dans le paysage urbain et peut éventuellement "s'afficher" par exemple, se visiter ou être présenté comme modèle exemplaire qui devrait, par une sorte de "retour à l'envoyeur", inspirer les expériences françaises en ce domaine. La question qui se pose au finale serait de savoir s’il demeure raisonnable après avoir vécu et subit l’expérience française de continuer à contrer le phénomène récursif et latent que sont les bidonvilles par la stratégie de recasement à travers ce que l’on appelle l’habitat pour le plus grand nombre ? Y’a-t-il réellement une dimension social dans cette approche plus ségrégationnistes qu’autre chose ? Aussi, cette mixité sociale à laquelle aspirent tous les urbanistes, existe-t- elle vraiment ou est ce tout simplement un mythe ?
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