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Seeing from the South : Refocusing Urban Planning on the Globe's Central Urban Issues

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Urban Studies, 46 (11): 2259-2275 (October 2009)

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  • @jcbolay
    10 years ago
    Vanessa Watson “ Seing from the South : Refocusing Urban Planning on the Globe’s Central Issues Urban Studies 2009:46 L’article de Vanessa Watson dont je tiens à rendre compte a été publié en 2009 dans la revue « Urban Studies » n° 46/11. S’il n’est pas directement et exclusivement focalisé sur l’urbain en Afrique, il n’en demeure pas moins qu’il interpelle directement la problématique abordée par le cours de J. Chenal, et d’un intérêt primordial dans ma propre réflexion sur le sujet, dès lors que l’auteur porte à nos yeux une interrogation de première importance relative à la planification urbaine dans les pays du Sud, partant en Afrique, à partir de théories émanant originellement de chercheurs de pays occidentaux et industrialisés et répliqués, souvent sans beaucoup de nuances, à des contextes dont les origines et la réalité n’ont que peu de concordances avec les prémices qui ont vu naitre ces théories et les actions de planification qui en émanent. Comme l’explicite Watson dans le résumé de l’article que nous allons passer en revue, en se basant sur l’histoire de la planification urbaine, et des politiques et actions qui en émergent, il est temps d’adopter une perspective focalisée sur le Sud, au sens le plus large du terme, pour interroger les préceptes qui ont été appliqués à ce jour pour résoudre les problèmes urbains dans les pays en développement. Dans cette revue d’article, nous reviendrons sur les éléments principaux de l’argumentation développée par l’auteur, en ferons ensuite la critique, et finirons ce travail d’évaluation en posant quelques questions sur cette base sur l’une ou l’autre situation africaine connue de nous, notamment à travers les apports et exemples apportés par le cours de Chenal. Dans son introduction, Watson rappelle un élément de première importance pour l’évolution du monde, rappelant que le processus d’urbanisation qui se poursuit, avec aujourd’hui quelque 52% de la population mondiale vivant en milieu urbain, s’opère avant tout dans les villes des pays dits en développement. Et que ces dernières, face à la croissance de leur population, sont également confrontées à des défis majeurs, tels que les effets des changements climatiques et l’épuisement des ressources naturelles. Elle en vient ensuite au cœur du sujet qui est celui de la planification urbaine et de son inadéquation face aux problèmes des villes du Sud, non par manque de compétence des propres planificateurs, mais parce que les modèles ont été soit hérités de l’époque coloniale, ce qui a également été enseigné au cours des premières leçons par J. Chenal, ou adoptés de contextes du Nord avec des fins avant tout politiques et idéologiques. Ce dernier élément est également riche d’enseignement et pour ainsi dire pas évoqué dans le cours de Chenal. Dans son article, Watson ambitionne ainsi faire le lien entre la technicité de la planification et ses soubassements théoriques. Selon elle, des théories novatrices doivent être pensées afin de comprendre le présent et se projeter dans l’avenir, à partir des contextes urbains du Sud, de manière à offrir un cadre plus approprié, donc mieux pensé, pour les actions de planification. Pour ce faire elle développe le concept de « conflits de rationalité » entre des systèmes de gestion urbaine toujours plus technocratiques portés par une vision « managériale » et « marketing » de l’urbain et, autre face de la même réalité, la vie quotidienne des populations marginalisées et en voie de paupérisation de populations urbaines vivant en grande partie dans l’informalité. Ce dernier terme, émanant depuis une quarantaine d’année des écrits des économistes du développement (à l’origine les travaux de chercheurs du Bureau International du Travail), a également été présenté par Chenal dans son cours. La finalité de l’auteur du présent article étant d’appeler à une plus grande ouverture de l’étendue de la conception de la planification, sachant que cette dernière est ancrée dans des contextes hautement différenciés les uns des autres. De nombreux domaines sont ainsi abordés dans cet article qui ont également été vus durant le cours. De même que Chenal a fait une brève histoire de la planification, elle le rejoint en rappelant que cette approche du management territorial a été, au début du XXe siècle, pensé comme un système de régulation des terres, par le zoning, en conformité avec ce qui a été appelé « les plans directeurs ». A cette époque, à travers cette rationalité dans l’aménagement c’est une vision « moderne » de la ville que l’on souhaite créer, à l’instar du mouvement moderniste en architecture (notamment par les écrits du Corbusier) : esthétisme, efficience, et modernisation du tissu urbain. Et comme l’a dit récemment Chenal dans son cours, l’évolution au cours des trente dernière années de la planification, à travers « la planification stratégique », même si plus souple, ne remet pas en question ces préceptes de départ. Et demeure la norme, au Nord comme dans les pays du Sud. Mais comme le dit Yacobi (2003) cité par Watson, le problème est que cette vision de la planification dans les villes en développement ne permet pas aux populations les plus déshéritées d’être véritablement intégrées : bureaucratie administrative, contrôle foncier, et autres rigidités bancaires rendent des droits formels inadaptés aux capacités financières et sociales des pauvres, qui, doit-on le rappeler, représentent souvent plus de la moitié de la population urbaine des villes concernées. Il faut donc repartir non seulement d’un modèle de ville, ce qui n’est en soi pas un mal, mais de le mettre en miroir avec les capacités des acteurs publiques de fournir équipement et infrastructures, d’une part, et d’autre part avec les capacités des résidents d’y accéder en étant en mesure de payer, de manière directe ou indirecte, pour ces services à la collectivité. Un premier pas consiste à analyser la composition sociale de chaque société urbaine : la société civile n’est pas un tout homogène, mais faite de couches, de strates, de groupes distincts dans leurs compositions socio-économiques comme dans leurs cultures. Un deuxième pas est d’analyser la réalité afin de comprendre que l’évolution de la forme urbaine est avant tout marquée par les efforts des couches défavorisées de la population - individus, familles, foyers – à sécuriser leur assise foncière dans un lieu considéré comme raisonnable par rapport à leur ambition d’intégration sociale et économique à la ville. Et c’est avant tout en périphérie, ou dans les interstices mal appropriées pour l’habitat, car insalubres, voire dangereuses, que les pauvres vont s’installer, provoquant l’extension informelle de la ville et/ou la congestion des zones déprécies des centres villes, dans des quartiers mal servis en infrastructures et équipements, et mal desservis en transports. Ces éléments ont également été évoqués par Chenal au cours de ses différentes leçons. Pour l’auteur de l’article, un des principaux changements opérés au cours des dernières décennies dans l’organisation de la ville, hormis la planification stratégique, est d’être passé d’un système de gouvernement à un système de gouvernance. Et il nous faut insister quelque peu sur cela dès lors que cela se dénote par de nouvelles formes de gestion et, apport original de l’auteur de l’article, par des fondements idéologiques que l’on oublie généralement de discuter. Pour Watson il s’agit d’abord de replacer ce changement dans le contexte de la globalisation cdu monde avec différentes caractéristiques qu’il s’agit de reconnaître. C’est d’abord une mise en retrait de l’Etat, l’encouragement à la privatisation de services « publics » (que je préfère appeler services collectifs, ou services à la collectivité), la création de politiques incitatives à la mise en place de services plutôt que la distribution de services en tant que tels (un excellent exemple cité dans le cours de Chenal est celui des transports publics, tout comme l’approvisionnement en eau potable, et la liste pourrait se poursuivre avec la gestion des déchets, et autres). C’est ce qu’elle appelle avec d’autres auteurs « l’Etat néo-libéral ». Pour en comprendre le sens profond, il est bon de reprendre les termes mêmes de l’auteur lorsqu’elle énonce que derrière la gouvernance menée à bien par l’Etat néo-libéral, ce sont « des valeurs qui soumettent toutes les sphères de la vie à une rationalité d’économie de marché, telle que toutes les actions sont des actions répondant à une logique entrepreneuriale répondant à une logique d’offre et de demande ». Cela a des implications en matière de planification urbaine, dont la logique a longtemps été inspirée par un Etat social, perçu désormais comme un obstacle au développement économique et à la liberté des marchés. En se fondant sur ce concept de « rationalités conflictuelles », l’auteur permet de saisir que nous sommes face à des modèles de société différents, et non pas dans une recherche éphémère de consensus sur des bases peu explicitées. D’un côté, inspirée de théories émanant de penseurs du Nord, nous avons une ville globale célébrant la modernité urbaine ; de l’autre, des théories sur le développement urbain, émanant, elle, de chercheurs s’étant avant tout centrés sur les questions de développement (et d’abord de développement dans les pays du Sud) visant l’amélioration des conditions de vie des populations, et surtout des populations urbaines pauvres. Ces contradictions entre deux logiques, et partant deux modèles, sont l’essence de ce conflit sémantique et très concrètement mis en œuvre dans des actions de planification ; elles sont aussi les clés pour une planification alternative visant à créer une interface entre ces deux rationalités qui vont inspirer l’exercice du pouvoir. Parler de concepts et de modèles permet de saisir la substance même des questions à l’ordre du jour, et nous aide à saisir que les choix qui seront faits en matière de politiques urbaines tendront à favoriser une tendance plutôt qu’une autre, que cela se fasse avec ou sans participation sociale, dans le cadre ou hors d’une planification plus ou moins stratégique visant le moyen et long terme avec plus de souplesse qu’auparavant. Et il est évident que dans la pratique de la planification, nous aurons dans certains domaines une certaine hybridation mettant en pratique, comme c’est le cas de l’attribution de terrains et de leur régularisation foncière, des éléments propres au système formel et d’autres totalement informels. A ce jour les principaux courants théoriques guidant la planification ont peu aidé les propres planificateurs (et par extension les acteurs urbains en situation de décision) travaillant dans ces tensions entre ces rationalités contradictoires. Et en contrepartie, la réalité vécue dans les villes du Sud n’a eu que peu d’impact pour faire évoluer les fondements théoriques de cette même planification urbaine. Et il serait hautement utile que les théoriciens de la planification appuient les acteurs urbains en explorant des concepts analytiques permettant d’évaluer les interventions des pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs en jeu. Ceci de manière à mieux comprendre comment et à quels moments cette interface entre deux rationalités à première vue totalement opposées s’avère possible, voire souhaitable. En conclusion de l’évaluation de cet article de Vanessa Watson, je dirai qu’il m’apparaît du plus grand intérêt pour l’étude des villes africaines et la compréhension des logiques en place. Pour les professionnels chargés de la planification urbaine en Afrique et de la gestion globale ou sectorielle de la ville, il permet de s’éloigner d’une vision par trop réduite d’une ville peu ou mal dirigée, par manque de moyens ou manque de compétences. Cette réalité existe, plus de ressources financières et humaines s’avère partout en Afrique indispensable pour faire face aux nécessités en infrastructures, équipements et services, à leur développement, à leur gestion et à la maintenance des biens existants. Bien évidemment il faut plus de réseaux d’adduction en eau potable, il est indispensable de développer les infrastructures d’évacuation des eaux usées, il faut étendre le réseau viaire et augmenter les équipements de base, écoles, centre de santé, et mieux tenir compte des espaces verts et des ressources environnementales en général. Mais c’est justement parce que les moyens manquent, et qu’il est impossible de tout réaliser, à court ou à plus long terme qu’il faut fixer des priorités, faire des choix. Et ces choix doivent être réfléchis, pensés de manière rationnelle par rapport à des besoins qu’il ne suffit pas de déclarer d’ordre public. Il s’agira donc, en s’appuyant sur ce qu’émet l’auteur, de déterminer quel sera l’impact de ces choix, à différents niveaux, tant économique, que social et environnemental. Et être au clair que décider d’investir dans tel ou tel domaine, sur tel ou tel objet, dans les conditions que l’on rencontre dans la grande majorité des villes africaines, peut favoriser un certain type de développement urbain ou un autre. Il reste possible de critiquer l’auteur dans une perception à première vue trop binaire, ville globale « vendue au marché », face à une ville sociale favorisant les plus pauvres. Cette critique doit néanmoins être nuancée. En effet ces deux rationalités, l’une formelle et « économiciste », l’autre informelle et populaire, existent sur le terrain : des centres d’affaire sont créés ou souhaités par les pouvoirs politiques, comme on a pu le voir avec l’exemple de la planification envisagée dans le cours pour N’Djamena, les bidonvilles existent également et s’étendent, comme Chenal nous l’a également montré à plusieurs reprises. Et l’interface évoquée par Watson tend avant tout à souligner que ces situations ne sont pas « naturelles » ni totalement maîtrisées. Et qu’il s’agit de les comprendre, et d’en saisir les fondements, si l’on veut être capable d’agir à leur égard, en étant conscients de l’impact qu’auront les décisions prises et les investissements effectués. Favorisant, à mes yeux, soit une développement durable socialement inclusif, ou une forme de progrès urbain renforçant l’attractivité économique de la ville dans une compétition nationale et internationale. Les deux ne sont pas, selon moi, totalement incompatibles, ce que tendrait à penser Vanessa Watson, ils sont néanmoins très souvent en contradiction, sans interface, sans débat sur ce qui est véritablement prioritaire pour le future de la ville. Jean-Claude Bolay Ecublens, Suisse Le 23 mars 2014
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