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Quartiers informels et politique de la ville : les logiques d'aménagement à Libreville, Gabon

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(2013)

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  • @elisadonnadieu

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  • @caillou83
    10 years ago
    Titre de l’ouvrage : Quartiers informels et politiques de la ville Sous-titre : Les logiques d'aménagement à Libreville (Gabon) Auteur : Fidèle Allogho-Nkoghe Publication : en 2013 aux Editions l'Harmattan - Collection Etudes Africaines. A) Cet ouvrage, publié en 2013 prend la suite d’un travail de thèse de doctorat soutenue en 2006 par l’auteur à l’université de Montpellier. Ce travail de thèse est basé sur des enquêtes menées dans les quartiers informels de la ville de Libreville sur plusieurs années à partir de 2001. Il en ressort une analyse de ces quartiers et de la politique d’aménagement de la ville de façon transversale (historique, géographique, sociale, politique…). Partant de l’analyse des causes de l’urbanisme actuel et des échecs des modèles successifs, l’auteur décrit le modèle participatif et en livre l’analyse. B) Tout d’abord, l’auteur présente le contexte Librevillois et décrit rapidement la situation des quartiers informels. Ainsi, on note que ces quartiers recouvrent les trois quart de l’espace urbain de la ville et que certains quartiers, même proches du centre dénotent un contraste très fort avec les villas de luxe d’une élite de la population. L’auteur évoque le contexte géographique particulier de la ville avec un terrain très vallonné et les problèmes d’habitats qui y sont liés (habitat en pente, ravinement, absence de voirie, problèmes d’assainissement et d’inondations pour les habitations les plus près des cuvettes). Les causes évoquées par l’auteur regroupent l’absence et la faiblesse de la gestion urbaine, le laissé faire et le manque de volonté des autorités et des politiques, une augmentation rapide de la population sur Libreville souhaitant accéder à la propriété et construire quelles qu’en soient les conséquences. A cela s’ajoute une politique foncière dépassée et inadaptée et une administration lourde. En anecdote, on peut citer le problème des réseaux (eau électricité) qui ne sont gérés que jusqu’au niveau des pistes carrossables (très limitées dans les quartiers). En résumé, l’auteur parle « d’une urbanisation sauvage » pour caractériser les quartiers informels de Libreville. Par l’analyse des causes de cette urbanisation et de projets en cours, l’auteur milite alors pour la mise en place d’une urbanisation participative regroupant les pouvoirs urbains, les bailleurs de fonds et les acteurs locaux pour la création d’un quartier viable aussi bien socialement qu’économiquement pour ses habitants. L’auteur commence son analyse détaillée en évoquant les causes et les logiques qui ont mené Libreville à son urbanisme actuel et en particulier à la croissance de ses quartiers informels. L’auteur aborde ce sujet sous deux angles. Tout d’abord, l’histoire coloniale de la ville et son bicéphalisme urbain séparent la ville blanche de la ville noire, engendrant un dualisme urbain « moderne » entre le quartier riche et le quartier pauvre. Logique que l’indépendance du Gabon en 1960 n’a pas changée. Un des aspects intéressant réside dans la dualité du droit foncier ; un droit foncier typé européen (l’auteur cite d’ailleurs plusieurs passages des textes gabonais copiés collés de droit d’urbanisme français) et un droit coutumier. Chacun ayant des travers, la combinaison des deux conduisent à l’anarchie et l’impossibilité d’une gestion urbaine efficace. Un autre aspect rarement évoqué concerne les plans coloniaux très critiqués pour la ségrégation qui les caractérisent. Mais l’auteur relève que ces plans n’avaient aucunement pour but l’intégration de la population indigène ou bien l’intégration de la ville à son contexte africain et servaient le seul but commercial, les colons ayant utilisés leur propres modèles d’urbanisme afin d’y calquer leur modèle de gestion. Malheureusement, et c’est le second point de l’auteur, les bailleurs de fonds et autres partenaires des états, préconisent ou mettent à disposition des experts occidentaux, dont les modèles d’aménagement s’inspirent des plans des pays développés. L’auteur critique ce mimétisme « imposé » par les bailleurs de fonds mais aussi sollicité par une élite administrative africaine. Ce dernier point, rarement évoqué est pourtant d’une grande importance. On peut aujourd’hui voir dans certains pays africains (notamment sur financements propres) des projets intégrant les besoins des populations remplacés par des lotissements de luxe. En effet, une partie des dirigeants africains souhaite une renommée internationale, notamment par le standing de leur construction ou bien pour imiter les constructions vues lors de leurs déplacements dans des pays occidentaux. Les entreprises privées ayant un but lucratif par définition et voulant remporter des marchés vont proposer ce type de projet peu adapté mais qui plaît ! Finalement, en citant différents exemples, l’auteur décrit l’inadéquation de ces systèmes avec les villes africaines et pointe du doigt le problème de la « non-connaissance » des populations et de leurs pratiques sociales par les bureaux d’études et urbanistes chargés des projets (exemple des projets « plan Pottier » et « plan Olivio »). Là on ne peut attribuer la faute aux seuls bailleurs de fonds et autres experts. Il me semble que les budgets alloués aux études imposent souvent un nombre de jours d’expert limités ne permettant pas une connaissance approfondie des problématiques. Là encore, la concurrence impose certaines limites à l’exercice. Ainsi, sans remettre en cause la nécessité des bailleurs de fonds ni des experts occidentaux, l’auteur analyse le poids que ces intervenants ont dans les projets, notamment avec les prêts sous conditions (impose un certain nombre de règles et notamment l’obligation de faire appel à des experts occidentaux). A propos du manque d’expert africain sur le sujet, l’auteur relève que la formation des experts africains en occident ne semble pas constituer une solution. Ces derniers apprenant des schémas et outils utiles pour un modèle de ville occidentale et finalement véhiculent les mêmes systèmes urbains. En résumé, l’auteur décrit la ville africaine et en particulier Libreville comme s’étant construite sur la base du modèle colonial puis développé au travers du prisme des modèles occidentaux faisant peu de cas des spécificités africaines et des besoins de ses habitants. Par la suite, l’auteur aborde le rapport que doit avoir un programme urbain avec ses habitants. Il commence par analyser la perception des citadins. Ce qui semble ressortir de ces enquêtes, concerne la critique des autorités sur la non prise en compte des besoins réels et premiers des habitants et de ses pratiques sociales. A l’opposé, l’ouvrage décrit la vision des pouvoirs urbains critiquant la vision étriquée et coutumière des habitants. Dans les faits, ces deux visions ne sont pas forcément à opposer. L’un n’empêchant pas l’autre. Dans la suite de son étude sur la base de la constitution des quartiers informels, l’auteur décrit les outils d’aménagement utilisés (AUVIL – SDAU) et en analyse les travers et les causes de dysfonctionnement. On peut relever notamment le temps de collecte des données et d’établissement des plans trop long qui sont vite dépassés, la ville étant dans une dynamique rapide d’évolution. Les trois types de modèle initialement prévus sur Libreville (en pelure, en bande et en arc) sont succinctement décrits et les points positifs et négatifs analysés au regard des spécificités de Libreville. Dans la suite de l’ouvrage, il est question des enjeux d’aménagement dans les quartiers informels et notamment la dynamique associative comme base de l’aménagement urbain. Il décortique deux projets en particulier : Le PAPSUT (projet d’ajustement et de planification des secteurs urbains et transport) et le PROTOTIPPEE (programme d’ouvrages et de travaux d’intérêt public pour la promotion de l’entreprise et de l’emploi) C) L’ouvrage est touffu mais complet. Les tableaux de synthèse et schémas participent grandement à la compréhension des mécanismes et donnent une information claire. L’auteur, par sa connaissance « intérieure » des quartiers et de ses pratiques sociales propose une vision détaillée et emprunte de vécu. Il y analyse finement et à l’aide de nombreux exemples et extraits de la littérature les causes de la situation et du développement de ces quartiers. Il finit par en dresser un tableau complet permettant au lecteur d’en appréhender les différentes facettes (contraintes, enjeux, contexte...). Libreville souffre des mêmes mots que bon nombres de villes africaines (modèles coloniaux, schéma européen d’urbanisme, manque de concertation, manœuvre politiques, manque de moyen des municipalités…). Le modèle participatif et communautaire soutenu par l’auteur est un des modèles possible et à renforcer. On peut regretter que les sujets de la mauvaise utilisation des budgets, de la corruption lors de l’attribution des marchés… ne soient que peu abordés. Cela semble pourtant un point à développer étant donné les ressources du pays (pétrole) et son PIB/hab. (19264 $ en 2013 selon la banque mondiale). La structure politique interne (turnover des ministres et responsables, peur de la hiérarchie, pouvoir décisionnel restreint…) pourrait être un axe de développement pour expliquer une certaine lenteur dans l’action urbanistique. Enfin, le développement du modèle proposé basé sur la participation des habitants pourrait également conforter l’Etat dans son désengagement (de fait) de l’amélioration de l’habitat précaire de la capitale. Là aussi le sujet mérite un vrai débat. L’auteur note d’ailleurs que certains habitants se refusent à participer à ces actions communautaires, critiquant le fait que ces dernières devraient être réalisées par l’Etat. Bibliographie : thèse de l’auteur : http://www.mgm.fr/UMR/Allogho.html Données Banque mondiale (PIB/hab.) : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD
  • @onlinelecture
    10 years ago
    Ouvrage : Allogho-Nkoghe, Fidèle. Quartiers Informels Et Politiques De La Ville Les Logiques D'aménagement À Libreville, Gabon. Paris: L'Harmattan, 2013. 196p. Auteur: Fidèle Allogho-Nkoghe (1975-….) est docteur NR en géographie et aménagement de l'espace de l'université Paul Valéry-Montpellier III et occupe en parallèle d’autres postes dans le domaine de l’enseignement et de la recherche. Il est également membre de plusieurs associations et réseaux, dont l'Association américaine de géographes. Il mène des recherches sur la décentralisation et le développement, l'aménagement du territoire, la politique de la ville et les logiques d'acteurs, la géographie citoyenne et le développement durable. Présentation: L’ouvrage est tiré d’une thèse réalisée et soutenue par l’auteur en octobre 2006 à l’Université de Montpellier III. Dans cet ouvrage, il part des principes historiques d’aménagement des villes africaines pour s’intéresser aux quartiers informels et plus particulièrement ceux de Libreville, capitale du Gabon. Son travail s’attache à dresser un état des lieux de la planification et de la gestion urbaine dans ces quartiers pauvres et mal intégrés appelé « matitis ». Il dénonce une situation d’échec des politiques urbaine misent en place jusqu’à présent et milite pour une décentralisation et une participation des habitants. Pour ce faire, il s’appuie sur des enquêtes qu’il a menées à partir de 2001 sur ces quartiers de Libreville et des exemples de projet. Il est intéressant de souligner, avant toute chose, l’attachement de l’auteur à la question des quartiers informels. Fidèle Allogho-Nkoghe a grandi dans le matitis N’Kembo à Libreville ce qui lui permet d’avoir une approche singulière de la question. Contexte : La ville de Libreville a connu ces dernières années une explosion démographique. La population est passée de 27 000 habitants en 1960 à 419 596 habitants en 1993 (RGPH,1993). Ainsi, 40% de la population nationale (1 014 976) vie à Libreville. Cette urbanisation expresse alliée à l’impuissance (laissé faire?) des pouvoirs publics, c’est traduit par la création de quartiers informels caractérisés par un habitat précaire et souvent anarchique. Aujourd’hui, ces quartiers représentent les 3/4 de l’espace urbain. L’étude de la Banque Mondiale (étude sur la pauvreté, deuxième volume. 1996) montre que seulement 5% des maisons disposent d’un titre de pleine propriété, que 40% seulement font l’objet d’un permis d’habiter (révocable en tout temps par l’administration) et plus de 50% des logements sont mal construits en matériaux légers ou en semi-dur et pourvus d’un équipement sanitaire précaire. C’est dans ce contexte de crise de l’urbanisme que Fidèle Allogho-Nkoghe expose les mécanismes d’aménagement et de gestion urbaine en en faisant apparaître les travers et les espoirs. Il nous livre là, une étude menée depuis l’intérieur des quartiers informels. Thème 1 - L’échec des politiques urbaines : La ville africaine trouve ses origines durant la période coloniale qui met en place un système ségrégatif, avec d’un côté la ville blanche et de l’autre la ville noire. Après la décolonisation cette opposition entre quartiers européens et quartiers indigènes devient une opposition entre ville riche et ville pauvre. De fait, l’auteur qualifie la ville africaine de bicéphale. « le premier présente de véritables caractères urbains, tandis que les seconds ressemblaient aux villages de brousse qu’à une ville telle qu’on l’entend en Europe (Lasserre, 1956 : 363) » L’auteur dresse ce premier constat et cherche à aller plus loin pour comprendre les raisons qui ont mené à une continuité entre l’époque coloniale et l’époque poste coloniale. Pour ce faire, il s’appuie sur de nombreux écrits qui viennent enrichir ses propos. Ici il adopte une posture clairement engagée qui pointe un ensemble de mauvaises pratiques. Dans son travail il met en avant deux éléments qui concourent à cette situation de crise de l’urbanisme en Afrique : Un système de financement (bailleurs de fonds) et d’experts (bureau d’étude européen et américain) qui continue à faire du modèle européen l’urbanisme des villes africaines Des politiciens passifs et/ou dépassés, qui se préoccupent peu des besoins des populations et de leur culture. Trois conséquences à cela : Des plans d’urbanisme rarement appliqués en raison de leur déconnexion avec la réalité économique et politique des villes. Engendre une dépendance des acteurs africains vis-à-vis des experts internationaux en raison du non-développement d’un savoir local. Émergence de conflits culturels entre les autorités et les populations en raison d’un espace urbain qui est contraire aux pratiques quotidiennes des habitants. La situation à Libreville rejoint celle de beaucoup de villes africaines et amène Fidèle Allogho-Nkoghe à plaider l’émergence d’un urbanisme africain baser sur la décentralisation et la participation des habitants. Néanmoins, cet urbanisme décentralisé et participatif est celui qui émerge en Europe et aux États-Unis depuis plusieurs années. De fait, on peut se demander s’il s’agit là d’une vraie solution ou simplement d’un nouveau paradigme calqué sur le modèle européen. Thème 2 - La gouvernance politique et ses relations avec la population : Ce thème de la gouvernance politique n’est pas abordé de front par l’auteur dans un chapitre qui s’attache à le décrypter. Il est présent tout au long de l’ouvrage, comme une toile de fond. Ainsi, on ressent l’omniprésence et le poids des acteurs politiques dans l’aménagement et la gestion de Libreville. À travers des témoignages, l'auteur met en évidence les nombreux mécanismes qui se sont installés à tous les niveaux de la société gabonaise. Finalement, le clientélisme semble être le premier moteur du système politique. D’un côté, il y a les acteurs politiques qui par un système de don s’assure le soutien des populations aux élections et de l’autre les populations qui voit dans ces dons le seul réel espoir d’améliorer leur cadre de vie. « le maintien à un poste administratif dépend de la bienfaisance envers les habitants de la localité » Par ce processus les politiciens s’assurent le contrôle de leur territoire. Cette recherche de contrôle (limite boulimique) donne lieu à un urbanisme technocratique et politique plutôt que technique et stratégique. « Toute action d’aménagement lancée par une association de quartier sur laquelle un acteur politique n’a pas la mainmise est perçue comme une bravade pure et simple, et tout est fait pour entraver cette action provocante afin d’assurer la suprématie des politiques ». Ainsi, les populations à travers les associations et ONG n’ont pas d’autre choix que soumettre leurs efforts et leurs idées aux pouvoirs politiques qui s’empresse de les récupérer à des fins électorales. Thème 3 - L’urbanisme participatif : La participation des habitants est au coeur de cet ouvrage. L’étude montre quels sont les habitants qui se mobilisent, quelles stratégies ils adoptent, comment ils se structurent et sur quelles problématiques ils interviennent. L’auteur s’appuie également sur des projets réalisés pour en montrer les avantages et les limites. Il n’hésite pas non plus à s’attaquer aux difficultés et reporte les témoignages des habitants opposés à ce processus. Il met en évidence une société divisée face au choix de s’investir dans leur quartier et en explique les raisons. Néanmoins, l’auteur semble faire un amalgame entre les différentes formes de l’urbanisme. En effet, ce livre vise l’urbanisme de planification, l’urbanisme de projet et l’urbanisme de gestion (entretien). Or la participation des habitants semble bornée à un urbanisme de gestions et plus rarement à un urbanisme de projets. On comprend dès lors pourquoi certains habitants s’opposent à la participation. En effet, dans la majorité des exemples choisis les citoyennes se mobilisent pour remplacer une action publique absente (ramassage d’ordure, curage des caniveaux). Il est donc important de distinguer la participation du remplacement. Concernant la participation des habitants aux processus de planification, les autorités semblent totalement s’y opposer. « Dans un pays fortement centralisé comme le Gabon, la négociation en aménagement serait suicidaire pour le régime en place. En effet, partager l’information, ou associer les populations locales à la prise de décision est considérée par les chefs du régime gabonais comme une perte substantielle de leurs pouvoirs et de leur mainmise sur la gestion sociale de la ville » Conclusion : Dans « Quartiers informels et des politiques de la ville » Fidèle Allogho-Nkoghe mène une étude approfondie avec une réelle volonté de décortiquer les processus de participation des habitants. Pour ce faire, il s’appuie sur de nombreux ouvrages et une solide enquête de terrain. Dès le premier chapitre, il démontre l’échec des politiques urbaines actuelles et prend position en faveur d’une décentralisation et d’une participation des habitants dans l’aménagement des villes. Cependant, cet engagement clair en faveur de cette nouvelle méthodologie ne l’amène pas à étudier les réelles possibilités qu’elle offre et découvrir s’il ne s’agit pas là d’une nouvelle utopie portée par des signes trompeurs. Au vu de la crise urbaine actuelle au Gabon il apparaît impératif de repenser les méthodes d’aménagement et d’urbanisme. Cet ouvrage s’inscrit dans ce sens et aide à trouver des réponses. Néanmoins, il apporte également son lot d’interrogations. Dans les quartiers informels mal intégrés, la participation des habitants en remplacement des services de la ville ne risque-t-elle pas d’accroitre cette problématique d’intégration et de mener à une fracture entre la ville et le quartier?
  • @elisadonnadieu
    11 years ago
    Note de lecture Ouvrage : Fidèle Allogho-Nkoghe (2013) Quartiers informels et politiques de la ville –Les logiques d’aménagement à Libreville (Gabon) édition L’Harmattan ,collection Les études africaines p191 Il s’agit d’une thèse présentée en Octobre 2006 à l’Université de Montpellier III elle a été remaniée et réactualisée. Ce travail porte sur des enquêtes menées à partir de 2001 sur les quartiers informels de Libreville et leur développement. L’auteur Fidèle Allogho-Nkoghe est Docteur NR en Géographie et Aménagement de l'Espace de l'Université Paul Valéry-Montpellier III, Maître-assistant des Universités. Cet ouvrage dresse un état des lieux négatif sur l’extension urbaine de la capitale depuis la fin de la décolonisation avec la prolifération des « matitis » (nom donné aux quartiers informels) et analyse les mécanismes de cet étalement urbain sans contrôle.Il démontre les logiques qui favorisent ce désordre spatial et l’influence de l’héritage colonial dans la fabrication de la ville. Dans la 1ère partie, l’auteur analyse les logiques d’aménagement ,dans la 2° partie il présente les enjeux à l’échelle des quartiers populaires, et dans la dernière partie son propos se focalise sur la politique actuelle au Gabon et les liens entre cette gouvernance « autoritaire » et l’échec de cet urbanisme. Contexte : Le Gabon est urbanisé à 84,1%, (J-L Piermay,( 2003) L’apprentissage de la ville en Afrique sub-saharienne , Le mouvement social, no 204, p. 35 à 46. 2003 ) où le taux de croissance urbaine environne le 2,1 % alors que le taux de population urbaine atteint 85% (The World Factbook) Ce ne sont donc pas nécessairement les pays ayant les villes les plus populeuses qui sont les plus urbanisés Libreville a 732 885 habitants loin derrière Lagos au Nigeria (www.populationdata.net). La taille et le nombre de grandes villes dans un pays n’influence donc pas son taux de population urbaine. Il y a davantage une corrélation négative entre le taux de croissance urbaine et le taux de population urbaine. En effet, plus le taux de croissance urbaine est haut, plus le taux de population urbaine est bas. Plus un pays s’urbanise, moins la transition urbaine se fera rapidement d’après Annie-Claude Labrecque Janvier 2010 (www.vrm.ca). Libreville (Ville littorale du Golfe de Guinée) connaît un accroissement démographique important depuis 1960 elle « est passée de 27 000 habitants à 419 596 en 1993 » (tiré de RGPH,1993, p14) soit 40% de la population nationale. Au Gabon la planification urbaine n’existe pas ou les quelques tentatives ont échouées :les ¾ du périmètre urbain est affecté par les quartiers informels, les outils de planification et de gestion (exemple :Plan Pottier en 1962) se révèlent inadaptés à la réalité foncière et sociale du pays. Le processus d’occupation des zones non constructibles (versants, collines..) par les plus démunis est le résultat d’une urbanisation bicéphale et est favorisé par le contexte topographique de la ville « seules les pentes >à 20% sont respectées » (F.Allogho-Nkoghe p15). L’auteur met en avant les difficultés d’aménager durablement ces quartiers en raison des demandes endogènes de ces habitants qui s’opposent à la vision centraliste et exogène des pouvoirs urbains.Il préconise un aménagement urbain participatif mais en soulevant les difficultés. Développement des quartiers informels : Libreville comme beaucoup de villes africaines est née à l’époque coloniale dont la politique urbaine était la ségrégation entre les colons et les indigènes.Mais ce mode d’occupation des sols séparatif perdure encore aujourd’hui.Les terrains libres sont progressivement occupés dans les interstices (versants,zones non-aedicandi) sans aucun aménagement par les plus démunis. Libreville ne connaît pas de zones intermédiaires de type lotissements occupés par la classe moyenne. Ce dualisme spatial a engendré la co-existance de deux systèmes formel et informel (droit foncier moderne et droit coutumier du sol). Le contexte de Libreville rejoint donc la situation de beaucoup de villes africaines sub-saharienne avec l’augmentation de l’habitat indigne . Les quartiers informels sont définis comme tel par l’auteur : « Le matiti ou le mapane est un quartier pauvre irrégulier et marginal » (F.Allogho-Nkoghe p29).Ce « concept de quartier marginal repose sur ces critères :statut juridique de l’occupation des lieux, faiblesse de l’encadrement social,absence des équipements collectifs, technique des constructions très sommaire,densité humaine très élevée »(tiré de T.Assongmo p29). Logique d’aménagement : La logique d’aménagement est celle des bailleurs de fond des experts internationaux elle importe les modèles européens sans tenir compte du contexte social et urbain. « Pour J.Bugnicourt (…)le mimétisme administratif constitue un obstacle majeur au développement de l’Afrique (…)c’est le cas de la Côte d’Ivoire avec la Datar et une ZAD, du Cameroun avec une ZUP ,du Gabon avec un SDAU , un POS et une ZAC. » (F.Allogho-Nkoghe p33). Les études d’urbanisme commandées par les bailleurs de fond contiennent des lacunes et des erreurs car les données récoltées auprès des administrations n’ont pas été recoupées par des enquêtes de terrain (exemple Plan Pottier en 1962 et Plan Olivo-Prass en 1965) et l’actuel SDAU élaboré par GERI continue cette logique.Les trois scénarii de développement ne tiennent pas compte des pratiques foncières et sociales des usagers. Les études sont financées par les bailleurs de fond notamment la Banque Mondiale comme le projet Papsut « on constate que sont absents dans ce processus les citadins et leurs pratiques concrètes (…) de la même manière les experts de la Banque se sont peu intéressés aux pouvoirs publics autochtones, le plus souvent suspectés d’être incompétents,corrompus ou non démocrates ou les trois à la fois »(tiré de A .Osmont,1995 p41) . A travers cet exemple on voit les limites des Plans stratégiques qui oublient les populations pauvres et imposent un modèle d’homme moyen de type européen et qui n’évaluent pas les coûts des travaux et la gestion des infrastructures futures.Les bureaux d’étude et les donneurs d’ordre ont une vision partielle de Libreville les parts sociale et symbolique ne sont pas analysées. « Le pouvoir aimerait imposer à tous les quartiers, même pauvres, des normes élevées, dont le corollaire est l’exclusion de ceux qui n’ont pas les moyens de ces normes (de construction et d’équipement) »(tiré de Gervais-Lambony,1994 p51) ,l’exclusion spatiale perdure par la spéculation foncière et des infrastructures qui éloignent de la ville les plus fragiles. A Libreville aucune maîtrise foncière n’est mise en place pour organiser l’étalement urbain et la croissance démographique. Le SDAU (Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) un des outils de planification a été programmé en 1994, mais c’est un outil lourd l’élaboration est très longue les données récoltées deviennent de ce fait obsolètes. « Un SDAU pour lequel on prévoit 450 000 habitants en 1994, pourra t-il s’appliquer pour une population de 600 000 ou 650 000 habitants douze après ? »(F.Allogho-Nkoghe p59) .Autre problématique :le SDAU définit des zones industrielles qui ne correspondent pas à la réalité car de l’habitat précaire s’y est implanté.Les 3 scénarii proposés par le SDAU volontaristes demandent des moyens importants et difficiles à appliquer. « Les méthodes d’élaboration du SDAU et des POS sont très exigeantes,très longues et très coûteuses.De fait,ces documents n’existent pratiquement pas » (F.Allogho-Nkoghe p67).A Libreville la planification a un cadre trop rigide et obsolète ce qui favorise la non-ville. Les enjeux d’aménagement : L’auteur présente les projets de partenariats avec des associations locales dans les quartiers informels tels le PAPSUT-PROTOTIPPEE ces actions ont eu des effets positifs sur l’aménagement des Wapitis (collecte des déchets, assainissement, construction de passerelles), une méthode plus centrée sur les usagers en prenant en compte les pratiques sociales est préconisée par l’auteur. Le PAPSUT est un projet de gouvernement cofinancé par la Banque Mondiale mis en place en 1995 ;le 1er projet s’est réalisé à Avéa quartier pauvre et enclavé de Libreville et concernait le pavage de voies.Ce projet visait à créer des emplois et à renforcer les PME locales.Comme cette expérimentation fut réussie d’autres opérations sont envisagées. Le PROTOTIPPEE est un projet pilote dont l’objectif est un plan de développement urbain et d’un plan de développement communautaire il a été adopté en 2000 financé par la Banque Mondiale et la BAD.En 2006 ce programme a fait place au PDIL (Projet de Développement des infrastructures locales) ce prêt est destiné à améliorer l’accès des quartiers informels aux services de base.Ces travaux se sont accompagnés d’une sensibilisation des populations à des modes d’habiter responsables et citadins. « Dans ces quartiers la densité peut atteindre 250 habitants à l’hectare (…) à Akébé-Plaine Venez-Voir, N’Kembo alors que dans le centre ville la densité de construction reste faible» (F.Allogho-Nkoghe p75) . Les titres de propriété et d’occupation dans ces zones sont inexistants « plus de 50% des occupations de terrain et plus de 90% des constructions sont illégales » (F.Allogho-Nkoghe p78) cette absence de sécurisation foncière entraine l’anarchie spatiale et un environnement urbain dangereux (pollution au sein de l’habitation, pollution de l’eau, pollution de l’air, catastrophes naturelles). « Ces quartiers que l’on peut appeler « ghettos » de librevillois regorgent presque les ¾ de la population de la ville » (tiré de la revue Le Nganga n°597). La majorité des matitis ne possède pas de réseau viaire carrossable,et leur densité nuisent à toute tentative d’aménagement et de collecte des ordures ménagères. L’absence de limites entre les quartiers à Libreville et d’un cadre approprié favorisent le rejet des usagers par rapport aux travaux entrepris par les pouvoirs publics. « L’encadrement de la ville est incohérent.Les pouvoirs intervenants sont multiples et concurrents, provoquant l’allongement des procédures. » (tiré de J-L Piermay 1986,p101)les acteurs politiques n’ont pas délégué auprès des géographes la question de l’aménagement. Les outils d’aménagement ne sont pas adaptés à la réalité urbaine locale et aux identités de chaque espace urbain , l’auteur préconise une méthode de planification participative pour une meilleur appropriation des populations. Des auteurs critiquent l’urbanisme participatif comme G.Dupuy « Faible nombre de personnes impliquées, difficulté à maîtriser un langage trop technique, impossibilité de dégager du temps pour une étude approfondie des dossiers, tendances à la récupération politicienne,etc.Les obstacles sont nombreux pour les urbanistes qui veulent promouvoir la participation » (tiré de G.Dupuy 1991,p106),au Gabon cette méthodologie de travail rencontre des difficultés dû aux mentalités , au coût financier et temporel et au système de pouvoir autoritaire. Beaucoup d’associations de quartier se sont développées en réponse à la crise urbaine à Libreville.L’exemple du quartier d’Avéa est significatif :pour l’évacuation des ordures ménagères les populations ont mis en place deux procédés pour remplacer les services de la ville (la SOVOG) : l’enfouissement des déchets ou l’entassement pour les brûler.Tous les quartiers informels à Libreville s’est implanté sur un relief accidenté ou en zones inondables ce contexte limite les possibilités d’aménagement durable. « En effet, dans les quartiers irréguliers et quelquefois dans les quartiers centraux, ni l’Etat, ni les municipalités ne disposent de ressources et des moyens pour améliorer les conditions de vie des citadins » (tiré de S.Bulle 1999,p 110) mais un grand nombre d’habitants est réticent à combler les carences des devoirs des municipalités (eau, déchets, voiries). Gouvernance politique : La crise urbaine au Gabon touche la gestion des réseaux et des équipements collectifs mais aussi le non-partage du pouvoir central (absence de démocratie locale). Au Gabon les populations sont opposées à toute décentralisation car elles estiment que les collectivités locales sont corrompues. Les ONG ,les associations de développement des quartiers et les agences d’exécution des travaux à haute intensité de main d’œuvre (AGETIP) ont modifié le processus d’aménagement urbain et de sa gestion ces dernières années en Afrique subsaharienne mais pas au Gabon car le pouvoir est centralisé donc la négociation est difficile. « Les logiques associatives obéissent dans le quartier, à quatre mobiles interdépendants :les stratégies, la culture, les structures et les comportements» (F.Allogho-Nkoghe p122) , les actions menées concernent le nettoyage le curage des caniveaux la construction de passerelles et le colmatage des voiries locales.Le tissu associatif est fragile car il repose sur le clan et la famille et sur le rôle central du politique dans tous les domaines. La collusion entre associations et partis politiques au Gabon ne favorise pas la démocratie locale participative.Ce clientélisme électoral se développe dans les quartiers informels « Dans les quartiers les plus mal équipés, l’aménagement peut n’être qu’un sous-produit de l’activité politique,un cadeau concédé à l’occasion d’une campagne électorale ou d’une visite présidentielle, comme une faveur d’un patron à son client »(tiré de J-L Piermay 1993,p147) Conclusion : Ce travail d’enquêtes sur Libreville révèle les limites de l’aménagement durable quand le pouvoir politique est central et autoritaire . Cet ouvrage pose bien les limites d’une approche trop technique et experte.L’auteur met en avant la responsabilité des politiques dans l’aménagement urbain. En effet, l’analyse géopolitique est utilisée dans la compréhension de l’aménagement urbain et des conflits éventuels qu’il peut poser (P.Subra, (2008)L’aménagement une question géopolitique Hérodote Volume 3, Numéro 130. Pages 222-250.).B.Loyer affirme qu’il est pertinent de relier la géopolitique à l’aménagement du territoire car l’aménagement du territoire « est une affaire de pouvoirs, de rapports de forces, de rivalités entre responsables et forces politiques, d’affrontements entre projets concurrents, entre groupes de pression, où s’expriment les intérêts divergents d’acteurs multiples et dont l’enjeu est l’usage, donc le contrôle, du territoire » (B.Loyer (2009) Retours sur les publications de l’équipe d’ Hérodote : Hérodote et l’analyse des problèmes géopolitiques en France, une ambition citoyenne. Hérodote, volume 4, n°135. Pages 198 à 204.2009 : 201). L’auteur fait la promotion de l’intégration et la participation de la société civile pour partager la gouvernance de Libreville. « Il faut repenser l’urbanisme africain à partir des bidonvilles,puisque c’est là que vit la majorité des citadins » (Etat des villes africaines (2014) ONU-Habitat,p43) Une coopération décentralisée entre villes (Libreville et Port-Gentil) dans les domaines économique et de transport et de logement pourrait se développer . A travers les études de cas on voit que les problèmes de fourniture de services collectifs et d’infrastructures de base dominent les débats entre associations d’habitants et bailleurs de fond au détriment d’objectifs plus globaux.Les problèmes matériels et quantitatifs l’emportent sur une vision à long terme. Nous pouvons retenir les propos de Lelo Nzuzi qui résume bien les enjeux soulevés par la croissance urbaine « Lelo Nzuzi propose de formaliser l’informel,d’africaniser la ville (…) au lieu de recourir à de gros projets d’urbanisme que l’Etat est incapable de financer et d’entretenir dans le temps » (F.Allogho-Nkoghe p133),
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