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Tiers-Mondes: l'informel en question?

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(1991)

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    10 years ago
    Tiers-Mondes: l'informel en question? Textes rassemblés par Catherine Coquery-Vidrovitch et Serge Nedelec Introduction Tiers-Mondes: l'informel en question? est un ouvrage collectif résultant de deux années de séminaires de recherche réalisés par l'Université Paris 7 et rassemblés par Catherine Coquery-Vidrovitch et Serge Nedelec. Les deux principaux auteurs respectivement historienne française, spécialiste de l'Afrique, professeur émérite de l'université Paris Diderot (Catherine Coquery-Vidrovitch), et allocataire de recherche à Paris 7 (Serge Nedelec), proposent à travers toute une série de réflexions conceptuelles et de recherches contextuelles de ré-interroger le concept d’informel. Afin de sortir d'une vision eurocentrique qui considère encore trop souvent les sociétés des territoires en développement comme détruites par tout ce qu'elles ont subi (colonisation, capitalisme etc), les auteurs mettent en avant le fait que là où la société et la ville ont été désorganisées, la société se restructure aussitôt, empêchant tout vide social de s'installer. Mais rappelons avant tout le contexte dans lequel l'organisation de ces échanges a été pensé. Cet ouvrage, publié en 1991, intervient 20 ans après l'émergence du concept d'informel qui correspond à cette époque "aux activités non prévues par le contrôle statistique, irrégulières et souvent floues parce qu'illégales". Si, depuis son apparition, le concept semble avoir beaucoup évolué, glissant peu à peu du cadre fonctionnel et économique vers un contenu plus social, il n'en reste pas moins, et cela est aussi vrai pour cet ouvrage, que les recherches se sont trop peu portées sur le dynamisme des rues et des villes africaines crée par les services et commerces informels, mais nous y reviendrons plus longuement dans notre discussion. Cet ouvrage, scindé en deux, regroupe dans une première partie différentes approches conceptuelles proposant un essai de définition de l'informel, et dans une seconde partie, des études de cas démontrant que le concept revêt différentes réalités, différentes formes à différentes époques. Afin d’"y voir un peu plus clair", les auteurs ont organisés leurs recherches selon 3 axes. Le premier, d’ordre épistémologique, dresse une sorte de bilan de l’ensemble des réflexions que les uns et les autres ont apportés à la compréhension du concept. Le second, renvoie à l'étude urbaine et sociale, ou comment et sous quelles formes ces activités prennent place dans les espaces urbains. Enfin, le troisième axe, d'ordre politique rend compte du décalage qu'il existe entre l'intégration urbaine que permet l'informel à ses acteurs et l'exclusion dans laquelle il les maintient. Ont-ils réussi à répondre aux objectifs qu’ils s’étaient fixés au début de leurs recherches? En tout état de cause, ils ne prétendent pas "avoir conclu l'affaire". Tiers-Mondes: l'informel en question ? est un ouvrage dense regroupant 14 travaux de recherche qui ne concernent d'ailleurs pas que le continent africain et l'époque contemporaine. Mais, afin de saisir au mieux, l'interaction entre l'informel et les villes africaines, focalisons nous sur 3 grandes thématiques qui nous permettrons dans le même temps de mieux discuter les propos des différents auteurs. L'informel, perspectives et débats Ce n'est pas peu dire que l'informel fait débats et, afin d'en mesurer toute l'ampleur revenons brièvement sur la genèse de la notion. La découverte de l'informel renvoie à un regard extérieur et décalé sur une réalité parfois ancienne des villes en développement. Au début des années 70, alors que pour Keith Hart, l'inventeur de la notion, l'informel se définit d'abord par son rapport particulier à l'Etat, pour le BIT, le secteur informel correspond aux 7 critères suivants, utilitaristes et économiques, dont l'ambition affichée était de rendre compte d'un mode de création et de développement de petites activités économiques ne relevant pas du secteur "moderne"; facilité d'accès, utilisation de ressources locales, recours à des techniques à forte intensité de main d'œuvre, propriété familiale des entreprises, échelle réduite des opérations, marché de concurrence non réglementé et qualifications acquises hors du système scolaire officiel. Cette définition, qui a fait couler beaucoup d'encre depuis sa parution, reste très marquée par l'omniprésence du capitalisme dont elle apparaît comme le négatif. Pour P.Martinet, "le concept est né de la frustration des économistes à rendre compte des réalités observées à travers une vision dualiste de l'économie (moderne/traditionnel, capitaliste/non capitaliste, structuré/non structuré)". Pour P.Hugon, figure de proue de l'analyse socio-économique du système, ce qui importe c'est la position des activités informelles au sein du secteur économique global et les relations qu'elles entretiennent avec le secteur dit "moderne". Comme le soulignent Henri Coing, Hélène Lamicq, Carlos Maldonado et Christine Meunier, l'informel doit renvoyer "à la globalité de l'économie urbaine" et il ne s'agit plus de s'interroger sur ce qui fait l'originalité de ce secteur, ni sur la façon de le décrire mais bien d'étudier comment il prend place au sein d'un système économique plus vaste et d'un espace commun: la ville. En s'intéressant aux relations entre les activités du secteur informel et les autres secteurs de l'économie, ce type d'approche permet en effet, de mieux saisir les activités du secteur informel dans leur contexte en étant plus à même de nous donner les clés de compréhension nécessaires à l'étude de leur insertion urbaine ou rurale, de leur capacité à s'adapter, à s'approprier la ville, voire même de contribuer à sa construction et à sa gestion. Histoire, formes et lieux de l'informel L'étude du passé récent des villes africaines nous apprend que le secteur informel, tel qu'on l'entend aujourd'hui, pourrait être le fruit de la colonisation qui, en suscitant l'émergence et la croissance de villes noires sans leur donner vraiment les moyens d'exister, a contraint ces sociétés nouvellement citadines à s'organiser et à organiser elles-mêmes leurs propres réseaux d'approvisionnement et commerciaux. "À Nairobi comme à Dakar, on ne se préoccupa pas du logement des africains. D'où la prolifération de l'habitat spontané, en fait précaire où s'agglomérait les laissés pour compte de l'informel". Pour autant, cela ne signifie pas que seul le système colonial fut la cause du phénomène, en effet, habitat précaire et travail informel sont des caractéristiques des pays en développement qu'elles soient ou non héritées d'une ère coloniale. Cela signifie seulement que là où il y a eu colonisation, ces traits sont apparus très tôt, encouragés par un régime coercitif fondé sur l'incompréhension. Principalement hérité de l'urbanisme colonial, l'informel s'inscrirait donc au sein du système urbain. Cependant, pour F.Imbs, si l'informel a été défini à partir de l'emploi urbain, il existe aussi dans les campagnes. A la différence de la ville, les activités informelles n’ont rien d’illégales, ni de clandestin, elles bénéficient même d’une certaine lisibilité sociale. Elles donnent lieu à deux types de travailleurs informels : - des artisans-paysans dans les villages ou les zones d’habitat dispersé - des commerçants dans les bourgs On pourrait croire que le développement des activités informelles dans les campagnes accompagne l’étalement urbain tout en freinant l’afflux des ruraux vers les villes. Mais il n’en est rien, les activités informelles qui se développent en milieu rural et notamment dans les bourgs jouent un rôle de tremplin vers les activités informelles de la ville. Les bourgs constituent en quelque sorte l’antichambre de l’emploi informel urbain. Ainsi, l’emploi informel rural contribue non seulement au processus d’étalement urbain mais aussi à l’afflux des ruraux vers les villes, ce qui n’est pas sans conséquence pour la gestion des ressources. Secteur informel et espace urbain Dans cette dernière partie, il s’agit d’étudier les conséquences de l’emploi informel dans la production de l’espace urbanisé en matière de production des sols et de construction. Pour rendre compte des relations entre les activités formelles et informelles et la production de l’espace urbanisé, Michel Coquery étudie l’économie de la construction à Lomé. De son étude de cas il ressort que d’un point de vue foncier, le qualificatif d’informel n’est pas adéquat car la distribution des terres qui était le fait à l’origine des chefs de terres, l’est toujours. C’est plus l’usage des sols qui change de destination. On passe alors d’un système où le chef de terres attribuait des parcelles agricoles à un système où il distribue désormais des parcelles à bâtir. En ce sens le chef de terres devient un promoteur foncier tout en restant au cœur des pratiques formelles héritées d’une culture ancestrale. Se pose dès lors la question de l’utilisation du concept d’informel pour qualifier les pratiques d’attribution des terres dans les villes africaines. Et si l’informel n’était rien d’autre qu’une construction des européens pour décrire des pratiques coutumières africaines ? Ou encore « l’auxiliaire actif d’une mise en circuit marchand de mieux en mieux organisé de la terre ? » Le processus de construction interroge de la même manière le concept d’informel. L’articulation des secteurs formel et informel est si complexe notamment en termes de main d’œuvre, de matériaux de construction et de concepteurs que l’on en vient à se demander si la notion d’informel a encore un sens. Michel Coquery esquisse à ce propos un début de réponse puisque selon lui « pour les matériaux, c’est le secteur moderne qui en assure la diffusion (notamment ciment), le secteur informel n’intervient qu’en aval dans la fabrication des parpaings. En ce qui concerne les concepteurs, ils sont tous issus du secteur formel, quant à la main d’œuvre, le secteur informel dispose d’une autonomie certaine assurant la production du système ». Et de conclure, que le secteur informel combine aujourd’hui des méthodes de travail liées au secteur formel et des formes d’organisation informelles et que, dans le même temps, le secteur formel de son côté s’adapte à la crise en créant de petites entreprises faisant appel aux logiques du secteur informel. « Mais s’agit-il d’une réaction ponctuelle à la crise économique ou de l’embryon d’un phénomène nouveau appelé à se développer ? » Conclusion : quid de l’approche urbaine du concept d’informel Ainsi, Tiers-Mondes: l'informel en question?, esquisse en filigrane une première analyse des effets du secteur informel sur la production de l’espace urbanisé. L’ouvrage n’apporte cependant que trop peu de réponse quant aux effets positifs engendrés par le développement des activités informelles en milieu urbain, de même qu’à la manière dont l’informel prend pied dans la ville. Cela peut sans doute être imputé à la date de publication de l’ouvrage… Toujours est-il que les activités et les commerces informels produisent une véritable dynamique au sein des villes africaines et plus précisément dans les rues. C’est non seulement le secteur qui occupe la majorité des africains dans les villes mais aussi celui qui produit le plus d’aménités urbaines. Il n’y a qu’à comparer la récente ville nouvelle de Kilamba Kiaxi en Angola, fruit de l’intervention massive des entreprises chinoises dans les infrastructures et l’aménagement urbain des villes africaines, au cœur de Ouagadougou ou de Cottonou pour mesurer combien les activités et les actifs du secteur informel sont indispensables au fonctionnement et au dynamisme des villes africaines. Bibliographie Coquery-Vidrovitch C, Nedelec S, Tiers-Mondes: l'informel en question? L’Harmattan, Paris, 1991 Steck J.-F., 2003, Territoires de l’informel: les petites activités de rue, le politique et la ville à Abidjan. Université de Paris XNanterre, thèse de géographie. Bénazéraf D, avril 2014, « La Chine transforme les villes africaines », Urbanisme, n°392 Bénazéraf D, avril 2014, « Kilamba Kiaxi, une ville nouvelle en Angola », Urbanisme, n°392 Dubresson A, octobre-décembre 1993, « Production et producteurs dans les espaces urbains ». Afrique contemporaine n°168 Lautier B., 1997, « L’État, la ville et l’économie informelle ». Villes en développement Janin P, 2001, « Une géographie sociale de la rue africaine », Politique africaine, n°82
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