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Sécurisation des quartiers et gouvernance locale : Enjeux et défis pour les villes africaines

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(2009)

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    9 years ago
    INTRODUCTION Selon l’ouvrage qui s’intitule «Sécurisation des quartiers et gouvernance locale : Enjeux et défis pour les villes africaines», rédigé conjointement par Bénit-Gbaffou, Fabiyi et Peyroux, paru en 2009, les villes africaines ne font pas exception au phénomène des «communautés fermées», «ensembles résidentiels sécurisés», ou encore «quartiers fermés». En fait, les auteurs du livre veulent savoir pourquoi certains quartiers en Afrique sub-saharienne sont fermés ou surveillés? Plus précisément, comment ce phénomène se manifeste-t-il dans le contexte africain comparativement aux autres continents? Par ailleurs, l’ouvrage a découvert que cette sécurisation des quartiers engendre des changements politiques et sociaux qui se traduisent entre autres par une privatisation de la sécurité, des transformations spatiales des villes et des nouvelles formes de gouvernance territoriale. Ces enjeux socio-politiques et territoriaux amènent donc des défis de taille pour les villes africaines qui doivent réagir et s’adapter afin de maintenir leur vitalité. La présente note de lecture a donc pour but de présenter, d’interpréter et de commenter certains propos du livre, à savoir l’origine et le développement des quartiers fermés , la privatisation de la sécurité et la pratique spatiale, et finalement les enjeux de la gouvernance territoriale. DEVELOPPEMENT Origine et développement des quartiers fermés Le phénomène de communautés fermées devient une question d’actualité majeure des villes contemporaines au cours des dernières années. Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément les tendances sur les origines du phénomène, les auteurs nous révèlent qu’il est plus que certain que celui-ci vient des transformations profondes de la mondialisation des partenariats public-privé et de la néolibéralisation des politiques et des pratiques urbaines. À ce jour, les acteurs privés notamment les agents immobiliers, les firmes internationales et les organisations non gouvernementales jouent un rôle très actif sur la promotion du modèle d’ensembles résidentiels sécurisés afin de façonner le marché foncier et immobilier africain à l’importation de modes de vie de type occidental (Morange et al., 2009). Parallèlement, les gouvernements des pays africains soutiennent cette initiative pour profiter leurs politiques de revitalisation urbaine faute de ressources budgétaires limitées. Cette convergence d’intérêt entre acteurs publics et privés va influencer la planification urbaine et l’aménagement du territoire des pays africains en adoptant la pratique néolibérale de la gestion foncière. Cela entrainera sans doute une augmentation de la valeur marchande des quartiers fermés par rapport au reste du tissu urbain et attirera ensuite les spéculateurs fonciers à promouvoir le développement de ce type d’ensembles résidentiels (Théorie de David Ricardo). On peut faire référence à l’effervescence de ce modèle en Afrique, en prenant le cas des enclosures résidentielles à Johannesburg dans les années 90. Selon l’auteur, celles-ci ont connu un développement, non seulement à cause de l’adoption des projets sécuritaires à l’instar des autres villes internationales mais aussi pour produire une identité sociale et territoriale de certaines classes sociales, par exemple la nostalgie de l’«apartheid» et de la période coloniale. Plusieurs villes africaines se lancent alors à ce type d’ensembles résidentiels pour permettre aux investisseurs étrangers et aux populations aisées de s’installer dans leur territoire. Ce contexte reflète l’une des caractéristiques particulières de l’urbanisation en Afrique qui se distingue par une forte ségrégation (Chenal, 2013). Privatisation de la sécurité et pratique spatiale Tel qu’on vient de voir précédemment, l’adoption des projets sécuritaires est la principale motivation des villes à réaliser ce concept des communautés fermées. En effet, l’insécurité réelle ou perçue dans les grandes villes entraine les citadins de prendre leur propre initiative en construisant des formes d’auto-organisation à l’échelle du quartier. De plus, la plupart des États africains semblent moins résilients pour résoudre ce problème d’insécurité à cause de leurs difficultés organisationnelles liées aux faibles investissements publics (Fabiyi, 2009). Ainsi, les résidents de certains quartiers n’ont plus le choix que de fournir eux-mêmes leur propre sécurité ou engager des compagnies privées plus efficaces en la matière. De telles mesures entrainent une privatisation de la sécurité qui se traduit ensuite au niveau des espaces urbains. En fait, la privatisation de la sécurité non contrôlée par l’État crée des barrières physiques et mentales entre les citadins en limitant par exemple la circulation à l’échelle métropolitaine et l’accessibilité aux quartiers fermés. D’après Quembo (2009), celles-ci deviennent formelles et leur mise en place est encouragée par les autorités locales afin de gérer quotidiennement l’inégalité entre les nouveaux résidants aisés et les habitants des bidonvilles. De plus, cette inégalité est encore très présente en Afrique pour pouvoir garantir un espace commun sans conflit. En ce sens, les pratiques spatiales et les aménagements urbains définis par les villes africaines excluent indirectement les plus pauvres dans les sociétés urbaines. Enjeux de la gouvernance territoriale En regard de ces pratiques spatiales entreprises par les villes africaines, certaines littératures affirment que la privatisation de la sécurité signifie une faiblesse publique et une difficulté de l’État à gouverner. En effet, la fragilité du processus de démocratisation et l’incapacité de l’État à garantir l’accès à la sécurité obligent ce denier à privatiser la sécurité. Cependant, ce partage du pouvoir avec les multiples acteurs met en question la capacité de l’État à contrôler les pratiques sécuritaires quotidiennes. Le cas nigérian illustre bien ce propos qui n’en pose pas moins des questions d’ordre général sur l’autonomie locale des agents sécuritaires qui peut facilement glisser vers un irrespect des droits constitutionnels (Olaniyi, 2009). Cela montre l’absence de contrôle centralisé sur les pratiques de la sécurité qui n’est donc pas favorable à la gouvernance territoriale. La privatisation de la sécurité admet finalement un chevauchement de responsabilités entre le public et le privé. Il s’agit de l’effet de la prise de décision faite par les autorités publiques pour discréditer unilatéralement les initiatives sécuritaires locales qui ne leur conviennent pas ou plus. En fait, l’État peut encore revendiquer son compétence en matière de sécurité si cela pose une menace à la gouvernabilité publique (Didier et Morange, 2009). Par ailleurs, il utilise la privatisation de la sécurité dans les complexes résidentiels comme une stratégie afin d’accéder aux profits de la spéculation immobilière, puisque le foncier demeure propriété de l’État. Bref, la privatisation de la sécurité dans les villes africaines peut s’analyser comme à la fois un instrument public pour asseoir les orientations politiques favorables et une responsabilité privée pour garantir l’accès aux services de base, plus précisément à la sécurité. CONCLUSION Le phénomène des communautés fermées est actuellement très présent en Afrique et partout dans le monde, justement à cause de la mondialisation des partenariats public-privé sur les projets sécuritaires. On sait cependant que l’origine et le développement de ce phénomène prennent une connotation particulière dans les villes africaines, suite à la forte ségrégation du processus d’urbanisation de celles-ci. De ce fait, les pratiques spatiales des villes s’adaptent progressivement à cet environnement en modifiant l’usage des espaces publics à l’échelle de la rue et du quartier. Toutefois, cet aménagement des espaces publics remet en question le système de gouvernance territoriale des villes africaines notamment en matière de sécurité, puisque non seulement les pratiques sécuritaires dans les quartiers fermés deviennent une gestion privée, mais aussi le contrôle de l’État face à cette privatisation de la sécurité est généralement absent. Face à ces constats, il est vite apparu que la sécurisation des quartiers dans les villes africaines revêt certains enjeux particuliers à prendre en compte. Il s’agit d’une rupture entre les populations aisées et pauvres, une privatisation de la sécurité incontrôlée par l’État et une confusion des partenariats public-privé. En apportant certaines nuances, il est difficile de dire que cela est suffisant pour spécifier les défis du phénomène des communautés fermées en Afrique puisqu’il existe d’autres perspectives à considérer telles que le droit aux espaces publics des populations qui vivent à l’extérieur des ensembles résidentiels sécurisés, la réduction de la mobilité des citadins à l’échelle urbaine, le processus de participation publique sur les projets de la revitalisation urbaine, etc. En somme, le phénomène des communautés fermées mérite encore d’être approfondi parce que l’ampleur de ce sujet semble beaucoup plus large que la prévue.
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