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Les villes d'Afrique noire Politiques et opérations d'urbanisme et d'habitat entre 1650 et 1960

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(1989)

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  • @alex_jacot

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  • @alex_jacot
    9 years ago (last updated 9 years ago)
    Ce livre est le résultat d’une étude menée par un collectif d’architectes sur les formes de développement spatial des villes africaines entre 1650 et l’indépendance des colonies. Il est principalement écrit par Mr. Alain Sinou, chargé de recherche à l’ORSTOM et Mme Jacqueline Poinsot, architecte. Ce livre présente chronologiquement l’évolution des villes d’Afrique Noire, depuis la période des comptoirs jusqu’aux années 1960. Il est constitué de cinq parties : une introduction générale, une première partie sur le temps des comptoirs (1650-1880), une seconde partie sur le temps colonial (1880-1946), une troisième partie sur la fin de la colonisation et le début de l’indépendance (1945-1960) avant une conclusion résumant les thèmes principaux traités dans cet ouvrage. Chaque partie du livre est complétée par un nombre élevé d’exemples illustrant le développement des villes africaines durant cette période, ce qui permet de facilement se rendre compte de la manière dont il s’effectuait. Un premier thème est le zonage comme modèle pour dessiner le plan de la ville, le planifier si on veut. Dans ce livre, on apprend que la ville coloniale africaine s’est souvent définie par une opposition entre une ville « blanche » (moderne et construite pour les européens) et une ville « indigène ». Les lieux où on exerce une activité commerciale commencent à occuper des secteurs spécifiques de la ville. Ainsi, on remarque qu’on commence à définir des zones dans la ville qui seront dévolues à certaines catégories de population, tandis que d’autres (souvent moins riches) en seront exclues. Cette logique est encore visible actuellement avec le développement de « gated communities » dévolues aux classes les plus aisées de la société ou les quartiers de « slums ». La volonté de séparer les fonctions dans la ville (définir les quartiers où on habite et ceux où on travaille) est encore visible aujourd’hui. En effet, la plupart des villes (surtout en Afrique) sont caractérisées par une forte différenciation entre le centre d’affaires, le lieu « où on produit des richesses » et la périphérie, lieu de vie. Les habitants se retrouvent alors obligés de se déplacer quotidiennement entre leur lieu d’habitat et leur lieu de travail, souvent en traversant plusieurs communes. Cela engendre de nombreuses nuisances, telles que pollution sonore ou émission de gaz à effet de serre. La tendance actuelle, liée aux préoccupations de développement durable, est plutôt de proposer des quartiers Mixed-Use, des zones où le travail et la vie quotidienne se produisent conjointement. Cela afin de limiter au maximum les déplacements des personnes. Dès lors, on peut se demander quelle est la meilleure manière de planifier la ville : une approche de zoning ou une approche où on mélange les fonctions. Un second thème est l’inadéquation entre le modèle que l’on veut utiliser et le territoire où on souhaite l’implanter. Dans ce livre, on apprend la volonté claire de plusieurs municipalités africaines d’utiliser des modèles français pour concevoir leurs villes et leurs édifices (probablement parce que les dirigeants sont des colons européens). Cela se fait tout d’abord dans un souci de moderniser ces villes en se calquant sur l’Europe développée : on vise à attirer une population de colons, à la faire s’établir dans cette ville, en lui proposant des modes d’habiter et des édifices semblables à ceux qu’elle avait avant d’émigrer. Il en découle souvent une inadéquation entre la forme, le mode de construction des bâtiments et les habitudes et usages locaux. Ce que l’on tente de mettre en place ne correspond pas du tout à ce qui se fait traditionnellement dans cette zone et n’est souvent pas adapté aux caractéristiques du site (climat ou topographie). On tente de simplement réutiliser des modèles qui n’ont pas du tout été pensés pour cette région du monde On peut mettre cette manière de procéder en relation avec l’uniformisation actuelle des villes. On tend de plus en plus à construire le même type de villes ou de bâtiments où que l’on soit dans le monde en perdant les spécificités locales. Les autorités décident de la planification de la ville, qui se fait souvent sans consulter les populations locales, sans prendre en compte leurs besoins et leurs revendications. On peut se demander s’il ne faudrait justement pas plus les impliquer afin de proposer des opérations d’urbanisme ou d’habitat répondant aux besoins spécifiques des futurs usagers de ces quartiers, plutôt que de vouloir construire de belles propositions (pour l’image ou le prestige de la ville) mais souvent inadaptées aux manques de cette population. La capacité financière des populations visées lors de ces opérations est également souvent ignorée, elles se retrouvent alors incapables d’accéder aux nouveaux logements proposés. Le coût devient dans ce cas une question très importante lors de la planification et de la construction de ces opérations, cela est visible dans la volonté de certaines municipalités de favoriser l’usage de matériaux locaux (moins chers) ou l’auto-construction de logements par les habitants. Un troisième thème est la mise en place d’infrastructures. Cette préoccupation est apparue lorsqu’on a souhaité assainir la ville et s’est développée avec les politiques de modernisations de la ville menées après la deuxième guerre mondiale. On procède de plus en plus à l’assainissement de la ville, aussi dans l’optique de la développer en la rendant « moderne et hygiénique ». Il est important de remarquer que les investissements dans ces infrastructures ont souvent été réduits aux capitales des territoires et aux capitales des Fédérations, ce qui s’explique par l’importance économique qu’ont ces villes. Ces préoccupations sont renforcées par l’apparition des lotissements qui déterminent une nouvelle manière de penser la ville africaine, encore utilisée aujourd’hui. Le développement de ces nouveaux quartiers sur des terrains vierges entraine la nécessité de les viabiliser en y instaurant tous les réseaux nécessaires au fonctionnement des futures habitations (électricité, eau, voirie). Ensuite, il est intéressant de mettre en relation ces problématiques avec les problèmes rencontrés lors des opérations de « slum upgrading » où la mise en place d’infrastructures sur les terrains utilisés pour reloger cette population est primordiale afin de leur offrir un cadre de vie convenable et un accès facile au reste de la ville. Lorsqu’on planifie encore aujourd’hui la ville, on se retrouve face à ces mêmes thématiques et aux mêmes nécessités (accès à l’eau, à l’électricité et mise en place des voiries et voies de circulations). Les infrastructures ont une importance prépondérante sur la ville, elles déterminent l’usage qu’il sera possible d’en faire : si on peut circuler ou non, comment on se déplace dans la ville (quel est notre degré de mobilité), quel est le niveau de confort dont on va disposer. Une difficulté supplémentaire dans la mise en place de ces infrastructures est le délai entre la planification des infrastructures dans le plan d’aménagement de la ville et le moment où elles seront effectivement construites. Pour conclure, nous avons vu que cet ouvrage présente de manière chronologique le mode de développement, de planification des villes d’Afrique Noire entre 1650 et 1960. Ce livre enrichit nos réflexions par la prise en compte de plusieurs thématiques qui sont encore aujourd’hui au coeur des préoccupations dans la planification de la ville. Il est donc intéressant de remarquer qu’il ne s’agit pas toujours de thèmes récents mais qu’ils existaient déjà il y a plusieurs années/plusieurs siècles. Cependant, c’est dommage que certains de ces problématiques ne soient pas plus approfondies dans cet ouvrage car nous aurions pu plus profiter de la manière de les traiter à l’époque. La comparaison entre la résolution de ces thèmes à l’époque et la manière de le faire actuellement aurait pu être enrichissante. Bibliographie : ALCOCK A.E.S., "Problèmes d'urbanisme et leur solution en Afrique Tropicale", in Habitation, Construction, Planification, 1961 BLACHERE G, "Considérations sur l'amélioration de l'habitat dans les pays insuffisamment développés", Annales des Ponts et Chaussées, 1952 DRESCH J. "Villes d'Afrique occidentale", in Cahiers d'Outre-mer, 1950
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