Book,

Les métropoles des "Sud"

.
(2000)

Meta data

Tags

Users

  • @chb.saki

Comments and Reviewsshow / hide

  • @chb.saki
    10 years ago (last updated 10 years ago)
    Jean-François Troin est Professeur de Géographie. Ces nombreux postes à l’Université de Rabat (Maroc), à l’Université de Tours (France), au centre URBAMA, au CNRS le poussent à se spécialiser dans l’étude de l’urbanisation du monde arabe. A partir de 1998, les études comparées avec l’Université de Californie (Berkeley) débouchent sur des thèses sur l’urbanisation des pays en développement dont cet ouvrage tente de faire la synthèse. Les pays en développement communément appelés « Villes du Sud » par opposition aux villes industrialisées riches, n’échappent pas au phénomène de croissance urbaine. C’en est même devenu un enjeu crucial de développement. Jean-François Troin définit et distingue d’abord dans son ouvrage, la terminologie qui nous aide à mieux comprendre la croissance des villes. Pour rester généraliste, l’auteur nous livre en premier les principaux points de lecture des villes du Sud avant de plonger dans les études de cas. Ce sont des métropoles, des mégalopoles ou encore des métapoles inscrites dans le réseau des villes du Sud (multiple et différencié) mais aussi dans le concert des grandes villes mondiales. Elles partagent des facteurs géographiques, historiques, socio-économiques ou encore politiques qui participent au modelage de la ville et guident son évolution. Du fait du nombre de plus en plus élevé de ces « villes-têtes » comme il aime à les qualifier, l’auteur sélectionne les métropoles qui, pour lui, ont un intérêt selon des critères démographiques, d’insertion mondiale, de type d’économie, fonctionnalité… Ces métropoles des « Sud » sont inégalement réparties dans le globe. L’Afrique faisant office de continent le moins représenté. Pour parler plus précisément de l’Afrique, Troin scinde son analyse en deux aires géographiques. Les villes du Maghreb et du Moyen Orient partagent une unité de civilisation. Ce sont des « villes-chantiers » en perpétuelle évolution combinant tradition urbaine et modernité. Mais la tendance urbaine générale relevée par Troin est marquée par un ralentissement de la croissance des mégapoles au profit des petites et moyennes villes. Les structures urbaines de cette aire sont divisées entre littoralisation au Maghreb et domination des villes intérieures au Moyen-Orient, avec quelques exceptions (Liban et Syrie). Ces villes sont animées par des particularités et des enjeux : Rythmes de vie ponctuées par la pratique religieuse (la médina), l’approvisionnement difficile en eau, les installations militaires nombreuses inhérentes aux conditions géopolitiques. Parmi les huit grandes métropoles sélectionnées par l’auteur, les études de cas portent sur Casablanca et Le Caire. Pour la première, le potentiel économique fait d’elle une ville dynamique voulue et planifiée par les pouvoirs publics pour concentrer les centres d’affaires, le pôle industriel et commercial du pays. Casablanca (Maroc) est aussi à la tête de la conurbation avec des villes voisines : ils forment ainsi un espace économique et urbain interdépendant. Par ailleurs, le développement de la ville est entravé par les poches de pauvreté qui entourent ses ceintures périphériques. Quant au Caire (Egypte), elle fait figure de ville macrocéphale, « capitale démesurée d’un pays hyper centralisé » qui concentre l’essentiel de l’effectif des fonctionnaires, d’universitaires, et d’industriels. Sur-sollicitée, Le Caire souffre de problèmes de fonctionnement : circulation et pollution ; urbanisation dangereuse et incontrôlable. Toutefois, sa planification originale en « new settlements » permet de créer de nouvelles poches urbaines pour dédensifier le centre de la ville. Dans ces deux modèles de villes, par le poids de la colonisation, l'urbanisation est politique inhérente aux choix des planificateurs. Pour ce qui est des villes africaines, seconde aire urbaine, les villes sud africaines sont un modèle nourri de paradoxes : une population mixte se développe dans un territoire fortement ségrégationniste. Johannesburg locomotive économique du pays s’organise en conglomérat de villes satellites, tandis que Le Cap est une « métropole en re-devenir » par la force de sa reconquête des secteurs économiques. En général, le contraste de la ville africaine tel que développé par Troin semble venir de son schéma de composition. Le développement urbain n’est pas assuré par l’Etat absent et défaillant (absence de régulation). L’urbain se conjugue avec la population lorsque « plasticité, imagination, entraide ont été des atouts de ces nouveaux citadins ». Le cas de Lagos (Nigeria) illustre bien la ville complexe esquissée par la colonisation, mais où l’habitant prend le relai des autorités compétentes dans l’esprit d’un « bouillonnement urbain ». La métropolisation de la ville se fait sur fond d’opportunités économiques, d’illégalité, d’inégalités sociales et de violences. De plus, son expansion tentaculaire incontrôlée multiplie les lacunes de gestion. On peut donc facilement déduire de la lecture de l’analyse des métropoles africaines, que la ville prévue par ses planificateurs échoue à exprimer une unité et une intégration tandis que la mixité des lieux et des usages ne peut être amenée que par les populations. Pour ainsi dire, la ville africaine est une ville sociale par excellence. L'ouvrage donne une grande importance à l'analyse des villes asiatiques, séparées en trois aires urbaines distinctes. L’Asie du Sud, l’Asie du Sud-Est et la Chine sont trois exemples de métropolisations exceptionnelles. Paradoxales, les villes asiatiques affichent le plus faible taux d’urbanisation avec le plus grand nombre de villes millionnaires. Les villes asiatiques partagent l’avantage d’une urbanisation ancestrale et de l’installation d’une culture urbaine très diversifiée. Grâce à la proximité des fleuves et des océans, elles ont développé leur potentiel portuaire. Aussi présentent-elles une grande diversité économique et culturelle. Calcutta ou Delhi présentées par l’auteur font état d’une planification qui échappe aux pouvoirs publics du fait du gonflement continu de l’espace urbain. New Delhi est la capitale politique et économique centrale du pays tandis que Calcutta exerce une influence régionale. La toile de fond brossé par Troin laisse voir des métropoles minées par la pauvreté (« Calcutta, métropole de la misère », « cité du désespoir », « Cancer de l’Inde ») qui trouvent leur salut dans des systèmes de gestion alternatifs tels que les associations d’habitants ou les ONG. Les villes de l'Asie du Sud-Est jouissent d’un multiculturalisme en proie à des crises identitaires: le milieu urbain devient communautaire. Il s’agit donc d’un système métropolitain varié, à plusieurs vitesses comme en témoignent les qualificatifs (Dragons des Nouveaux Pays Industrialisés d’Asie ou les bébés-tigres des pays émergents). L'implication de l’Etat dans la résorption des problèmes de logement à Jakarta montre que la ville se contruit avec la combinaison de tous ses acteurs. D’une « désurbanisation » maoïste sévère, les villes chinoises se libèrent du poids de leur passé et se libéralisent à partir de la décennie 1970. Il en résulte une course effrénée à la métropolisation sur le modèle américain libéral. Malgré l’engouement qu’elles suscitent et les richesses qu’elles produisent, les villes chinoises restent des villes du Sud à cause du fossé entre riches et pauvres, du manque d’infrastructures, de la crise du logement et des écarts de développement entre les métropoles et leurs arrières-pays. Ceci étant, l’auteur met en évidence que la puissance et la prospérité économique de la Chine ne suffisent pas pour qualifier ses villes de villes « riches » (à l’exception de Hong Kong, modèle de réussite et de transparence). Enfin, « l’Amérique, latine par ses villes » est riche de son histoire urbaine ancienne et durable. Une tradition d’occuper les espaces donc, et qui permet de dégager un schéma d’organisation générale de la ville latino-américaine. Elle est comme toute ville bâti sur une forte ségrégation sociale où les riches se « ghettoïsent » et le pauvres habitent les franges urbaines. On retiendra de l’analyse des villes latino-américaines la diversité des modèles et leurs rayonnements à l’échelle régionale. Bien que les études de cas ne se concentrent que sur Mexico et Lima, l’idée générale est celle que le développement économique accompagne le développement urbain. La croissance rapide des villes s’appuie dans ces villes sur le secteur commercial, industriel et agricole. Avec la force de l’âge, les villes latino-américaines sont appelées à se renouveler, parfois à la hâte. Mais cela a le mérite de voir émerger de nouvelles formes de gouvernances urbaines. Même si J-F Troin semble dresser un tableau pessimiste des métropoles du Sud, il souligne les efforts faits par ces métropoles pour se hisser au rang de villes internationales. En parallèle, il rappelle les défis majeurs que ces métropoles du Sud doivent relever : difficultés économiques, clivages sociaux, recours massif à l’informel, violences urbaines, instabilité politique, dégradation de l’environnement… Autant de menaces qui peuvent conduire à l’éclatement et l’explosion de l’urbain. La lecture de cet ouvrage permet de comprendre le fonctionnement de quelques métropoles du Sud, par résumé succinct, ce qui a pour avantage de ne pas alourdir l’étude et de retenir l’essentiel. La compréhension des systèmes urbains est rendue aisée par les schémas mais on déplore néanmoins le manque – voire l’absence – de support photographique. L’auteur présente dans sa conclusion des références de thèses sur la nature du développement urbain pour les pays du Sud pour asseoir ses prévisions sur une base théorique. Il laisse donc la porte ouverte pour de nouvelles perspectives et divers scénarii. L'auteur, dans son désir de rester général ne propose pas de solutions pour les villes du Sud. Le lecteur s'attend à ce qu'il y ait un parallèle entre les villes développées et les villes du Sud. Les métropoles des « Sud », Jean-François Troin, Éditions Ellipses, 2000.
Please log in to take part in the discussion (add own reviews or comments).