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Voyage en Afrique Urbaine

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(2009)

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  • @bubu05
  • @alex.yonchev

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  • @noemiromano
    7 years ago (last updated 7 years ago)
    GRAS, Pierre. Voyage en Afrique urbaine Cet ouvrage offre une nouvelle perspective sur l’urbanisation rapide qui prend place sur le continent Africain. Plusieurs exemples de développement urbain et sociétal sont présentés dans le but de déceler les nouvelles opportunités qui se présentent au continent et les problématiques que cette rapidité pourrait engendrer. Afrique urbaine et moderne sont les thèmes principaux de cet ouvrage et qui généralement ne sont pas pris en compte ou bien restent marginaux et limités. Livre dirigé par Pierre Gras, journaliste et écrivain français, avec la contribution d’autres experts qui présentent des thématiques clés et concrètes du développement urbain et de la modernité africaine. Cette rédaction a pour but de mettre en évidence l’influence que l’essor démographique des dernières décennies a eu sur le développement urbain en Afrique, particulièrement sur la question du foncier et l’augmentation d’espaces informels dans les villes. Après les années 60, période d’indépendance de la plupart des pays africains, « l’Afrique a connu des mutations considérables liés à la mondialisation des échanges et de modes de vie qui sont toujours présentes ». Pierre Gras cite qu’ «une des caractéristiques majeures de cet essor démographique est l’urbanisation massive» causée surtout par l’exode rurale suite à la progression de la déforestation, aux difficultés de l’agriculture, aux troubles civils dans certains pays et pour le niveau d’accès aux services urbains. Ce grand afflux de gens qui « s’urbanise » implique ainsi une question très délicate à propos du foncier : comment cette progression importante va-t-elle être gérée du point de vue de l’organisation de la ville ? L’insécurité foncière et sociale reste une problématique importante puisque près de la moitié de la population urbaine est installée sur des « terrains illégaux par nature (risques de catastrophe) ou par réglementation ». Bezounesh Tamru présente le cas de Addis-Abeba, capitale de l’Ethiopie qui a connu plusieurs systèmes fonciers officiels mais qui ont été difficilement mis en place produisant « un accroissement de l’habitat informel et la multiplication des acteurs ». A partir de 1975, les militaires du Därg, successeurs de l’Empire, instaurèrent la propriété étatique sur tous les sols urbains. L’Etat assigna 500 m2 de terre urbaine à tout citadin éthiopien pour son logement en tant que résidence unique. Ceci causa l’exclusion de deux classes : les gens qui avaient déjà un logement et les démunis. Les premiers trouvèrent par des prête-noms une solution pour avoir un deuxième terrain alors que les plus pauvres furent exclus en permanence car « ils ne pouvaient pas subvenir au moindre frais de construction ». Des constructions informelles sont donc apparues en périphérie. A partir de 1993, une nouvelle loi a été mise en place qui a permis comme unique possibilité légale d’appropriation la location avec bail en libéralisant donc le marché. Autres évolutions foncières ont eu lieu comme la loi sur la copropriété (condominium) qui encourage l’habitat en hauteur mais qui rarement a été appliquée (2003). Le pouvoir actuel encourage donc la construction d’habitats collectifs destinés à la location-vente subventionnée. Malgré cet effort, encore une grande partie de la population ne possède pas les moyens pour accéder à cette offre légale et l’informel résulte comme unique solution. S'en suit l'installation d'une part importante de la population dans des zones non constructibles qui n’ont pas forcément accès aux services primaires urbains (eau, électricité) et souvent pas viabilisés, caractérisées donc par pauvreté, marginalité et autres formes d'exclusion. Aurore Mansion et Virginie Rachmuhl présentent un autre exemple où l’informel a été l’unique solution pour les moins aisés : de même qu’à Addis-Abeba, ces quartiers informels se sont instaurés à Nouakchott à partir des années 70 suite à l’immigration causée par la sécheresse. Les populations qui ont fui la sécheresse pensaient que leur séjour informel était provisoire mais qui finalement s’est révélé définitif. Plusieurs quartiers précaires se sont donc formés et l’Etat mauritanien n’a pas réussi à maitriser cette urbanisation rapide. Depuis les années 90, l’Etat mauritanien avec l’aide d’ONG et d'experts internationaux essayent d’améliorer les conditions de vie et l’habitat de ces quartiers précaires dans cette « ville récente » par la régularisation foncière et l’introduction d’équipements et infrastructures. Un essai concret a été tenté pour un quartier précaire de Nouakchot (kebbé), où une réorganisation complète du quartier, avec l’ouverture et l’aménagement des rues, l’installation des services d’eau et d’électricité et régularisation foncière étaient les actions principales de cette amélioration. Le projet a marché partiellement car ils n’ont pu réaménager qu’une partie de ces logements et l'installation des infrastructures ne sont pas encore terminées. Des activités commerciales se sont installées dans ces quartiers en donnant un nouveau dynamisme aux rues. Pourtant les habitants n’ont pas encore reçu de papier qui certifie qu’ils habitent formellement à cet endroit et la question d’insécurité foncière persiste. Une autre question qui se présente est le financement de ces projets : jusqu’à maintenant ce sont les experts internationaux et la Banque Mondiale qui ont financé, est-ce que l’Etat pourra avoir les mêmes ressources financières et le faire indépendamment de l’aide occidentale ? L’augmentation exponentielle de la population urbaine a donc une influence importante sur le développement de la ville surtout sur les quartiers précaires et informels qui se forment dans les périphéries. Un vrai étalement urbain qui éloigne toujours plus ces populations des centres d’intérêts et des infrastructures et équipements primaires. Des villes qui prennent toujours les traits de ville ségréguée et qui rendent l’accès aux services très limité aux moins aisés. Nous voyons donc un développement urbain sans développement économique et l’Etat qui n’arrive pas à maîtriser cette incontrôlable croissance démographique car le pouvoir est trop centralisé et les décisions ne sont pas forcément en faveur des moins aisés. Cet ouvrage offre une nouvelle perspective de l’influence de cette croissance démographique sur la structure urbaine. Une mise en contexte historique est toujours présente afin que le lecteur comprenne les causes de ces immigrations massives et les conséquences liées à ces dernières. Les auteurs proposent une vision optimiste et progressiste et prennent toujours en compte les coutumes et les habitudes africaines. Mais les modes de vie africains sont-il compatibles avec la formalisation "occidentale"? Si oui, à quelles conditions?
  • @remi.algis
    9 years ago (last updated 9 years ago)
    GRAS, Pierre (dir.), Voyage en Afrique urbaine: Urbanisation, modernité et société, 2009, L’Harmattan, Paris, 155 p. A - Cet ouvrage collectif a été imaginé et dirigé par le journaliste, écrivain et consultant Pierre Gras, spécialisé dans les questions urbaines. Il s’intégre à la nouvelle série de la collection « carnets de ville » consacrées à l’Afrique, qui comporte déjà deux ouvrages sur Madagascar et le Tchad. L’ouvrage résumé ici propose de « déceler les mutations de l’Afrique tant sous l’angle urbain que sous l’angle sociétal ». Partant du constat du considérable essor démographique de l’Afrique, de sa consommation effrénée d’espaces et de ressources, mais aussi d’une Afrique multiple et jeune, dessinant les contours d’une modernité africaine, cet ouvrage tente d’aborder l’extraordinaire développement urbain en cours, en mettant en exergue certains grands thèmes communs à l’ensemble du continent. Ce « voyage en Afrique urbaine » rassemble ainsi une diversité d’éclairage, les contributions proviennent d’architectes, d’ingénieurs, de journalistes, de professeurs, d’urbanistes ou de sociologues; une diversité de sujet : l’architecture, la communication, l’eau et l’assainissement, la question foncière, l’habitat précaire, le téléphone portable, le tourisme ou encore les transports; une diversité d’auteurs de nationalités variées avec une forte proportion d’Africains et une diversité de situations urbaines : Addis-Abeba, Durban, Nouakchott, Port-Novo, Tanger ou les villes du Cameroun. B - Les différents témoignages sectoriels de cet ouvrage permettent de faire émerger plusieurs thèmes transversaux, dont les suivants : La sécurisation du foncier, un enjeu primordial pour les habitants des villes africaines. L’exemple d’Addis-Abeba : La sécurisation du foncier est un moyen d’intégration urbaine pour la majorité en offrant « une importante source de revenus à la fois matériels » (se constituer un capital) « et symboliques » (se sentir citoyen de plein droit). Le contributeur, Bezounesh Tamru, aborde cette question par l’analyse de l’évolution du droit foncier à Addis-Abeba, soit : - la généralisation du droit dit « moderne » hérité des périodes coloniales et communs à de nombreux pays d’Afrique, impliquant la promotion d’une ville chère et peu accessible, - les confiscations des terres dans les années 80, propres à l’Éthiopie, jusqu’à leurs actuelles continuités dans une forme plus libérale, mesures qui « ont permis au début une redistribution foncière très favorable aux citadins tout en autorisant une subvention sans effort financier pour l’état ». - le développement exceptionnel des quartiers informels, liés à l’arrivée massive de populations démunies exclues de ces différents dispositifs. Face à la pénurie de terrain, le renchérissement des prix, la corruption et le clientélisme, le recours à l’informel demeure en effet pour une grande marge de la population une solution plus souple d’accès au logement et au sol urbain. Dans ce contexte, la sécurisation foncière par l’immatriculation des parcelles reste très compliquée à mettre en oeuvre. Une solution pourrait se trouver, pour les pays d’Afrique de l’Ouest, dans la priorisation de la collecte de l’impôt foncier, valant légitimité à défaut de légalité pour cette population pauvre, et offrant des retombées économiques favorable à la collectivité. La sécurisation du foncier prend néanmoins une couleur éminemment politique en Éthiopie ou la main mise de l’état sur le foncier et sa sécurisation dépouillerait ce dernier d’un levier efficace de contrôle social sur la longue durée. La maîtrise des enjeux environnementaux comme fondement du développement urbain africain. L’exemple de l’eau en milieu urbain : Les villes africaines cumulent certains problèmes environnementaux à des échelles inédites. L’environnement et la protection de l’eau en particulier, minimisés voir ignorés, sont pourtant connexes à l’accès aux besoins de première nécessité. Devant les difficultés structurelles, décisionnelles, financières et techniques des autorités à offrir les services de base, des initiatives privées ou volontaristes permettent un approvisionnement en eau au plus grand nombre (porteurs d’eau, construction et gestion de forages, etc.). Les quartiers informels restent cependant très vulnérables à l’importante pollution des nappes phréatiques, faute d’assainissement ou de gestion des déchets ménagers industriels. Dans ce contexte, la refonte des moyens structurels et organisationnels des autorités est urgente pour concevoir des solutions adaptées aux pays d’Afrique, autant du point de vue de la distribution de l’eau potable, de l’assainissement que de la protection et le contrôle de l’environnement. Les contributeurs, René Nganou Koutouzi et Abdoulaye Coumaré, proposent ainsi la création « d’agences de l’eau reposant sur un partage des pays en bassins hydrographiques ». Ces dispositifs, adaptés du modèle français, nécessitent une juste répartition des responsabilités faisant défaut aujourd’hui, de l’état aux utilisateurs. Ces agences s’appuyeraient sur la base des moyens disponibles et pourraient fonctionner comme des mutuelles, selon le principe « l’eau paie l’eau ». Elles devraient enfin accompagner la reconnaissance des acteurs du secteur informel, maillons aujourd’hui indispensables à l’approvisionnement en eau. Une modernité africaine. L’exemple du téléphone portable : La demande africaine en téléphone portable est exponentielle, autant à la ville qu’à la campagne (un Africain sur deux dispose d’un téléphone portable en 2010). Cet outil de communication peu cher, peu gourmand en énergie et adapté au continent africain constitue une alternative bienheureuse aux faibles déploiements du téléphone fixe et de l’internet. Le téléphone portable répond ainsi à une véritable demande : consulter les cours des matières premières pour les pêcheurs, contacter les fournisseurs et les clients pour les commerçants, etc. Les opérateurs et les usagers ont su, avec beaucoup d’ingéniosité, adapter cet outil à leurs moyens : partage des téléphones pour les plus démunis dans les « villages phones », vente de modèles robustes, antipoussières ou munis de torche pour pallier les coupures d’électricité, ou de manière plus inattendue, généralisation du transfert de crédits téléphoniques par mobile comme nouvelle monnaie d’échange, dans des pays comme l’Ouganda ou peu de personnes on un compte en banque. Au-delà de son formidable caractère à révolutionner la vie des habitants et améliorer leur productivité, les pays africains bénéficient aussi des effets induits de la prospérité des opérateurs, souvent premiers contributeurs de ressources fiscales et redistributeurs de richesse. Le téléphone portable favorisera -t-il la réalisation des objectifs 2015 du « millénaire pour le développement » de l’ONU : réduire la pauvreté de moitié et éradiquer l’analphabétisme ? C - L’apparition d’une nouvelle modernité africaine Ce « voyage en Afrique urbaine », illustré d’une multitude de témoignages et courtes analyses sectorielles chiffrés, vivante et très ouverte, permet de prendre conscience de l’émergence de « l’Afrique des villes », loin des habituelles et caricaturales couvertures médiatiques. Les enjeux souvent considérés comme annexe, l’environnement, une forme de modernité, prennent ici tout leur poids et leurs sens. Loin d’être exhaustif, cet ouvrage constitue une première étape vers la compréhension des multiples enjeux urbains du continent africain. Références web de l’ouvrage : ADP – ville en développement : www.ville-developpement.org Africités : africites.org Africuktures (site d’informations culturelles) : www.africultures.com Afrik.com (site d’information) : www.afrik.com Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique : www.afrique-gouvernance.net Association africaine de l’eau : www.afwa-hq.org Cités Unies / GCLU : www.cites-unies-France.org / en Afrique : www.eurafric.org Forum Eurafric (eau et énergie en Afrique) : www.eurafric.org Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET) : www.gret.fr Magazine Jeune Afrique : www.jeuneafrique.com Nations Unies (Objectifs du Millénaire sur le développement) : www.undp.org/french/mdg
  • @alex.yonchev
    10 years ago
    Fiche de lecture Voyage en Afrique urbaine – Pierre Gras Le livre recueille huit textes qui traitent des questions liées à l'urbanisme en Afrique, à travers d'exemples de domaines différents et des cas d'étude dans plusieurs pays. Publiés sous le patronage du journaliste Pierre Gras, ces textes ont été écrits par des spécialistes de métiers différents mais complémentaires pour l'urbanisme : urbanistes, architectes, chimistes, sociologues, anthropologues et journalistes. Parmi les thèmes évoqués on trouve l'approche urbaine et la politique de développement des villes en croissance, le développement durable à travers le tourisme, la question de l'architecture contemporaine dans le contexte historique, la question de l'environnement à travers l'eau, la sécurité foncière, les quartiers précaires, l'importance des télécommunications, la mixité culturelle, et le symbole et l'importance des taxis. Ces thèmes, allant de la très grande échelle à la plus petite, sont à chaque fois inscrits dans un contexte concret faisant ainsi un panorama des villes africaines. On y retrouve des pays comme le Bénin, le Cameroun, l'Ethiopie, la Mauritanie, l'Ouganda, l'Afrique du Sud, le Maroc, et d'autres. De cette manière, chaque texte est indépendant et semble n'avoir aucun lien avec les autres au premier regard, jusqu'au moment où le lecteur tisse les liens subtiles qui existent entre tous les chapitres. La question de l'architecture contemporaine par exemple, développée dans le chapitre de Nmamdi Eleh, professeur d'architecture, trouve son écho dans le chapitre de Christian Sozzi, destiné au tourisme durable. Tout au long du livre le lecteur prend conscience du fait que ces problématiques se croisent et sont présentes à des degrés différents dans la majorité des villes africaines. Comment se dessine la nouvelle architecture africaine ? En voici une question à laquelle Nmamdi Eleh essaie d'apporter une réponse, ou du moins, quelques réflexions. Partant de l'héritage architectural, l'auteur démontre que les africains ont toujours été influencés par des cultures étrangères, ce qui fait qu'aujourd'hui ils n'arrivent pas à saisir quelle est leur propre architecture contemporaine : « Les expériences de la modernité et les pratiques architecturales en Afrique sont tellement incomprises que, bien souvent, une structure prenant la forme d'une hutte ou faite de matériaux empruntés localement comme la paille, le pisé, les planches ou les feuilles de raphia est automatiquement classée comme « structure traditionnelle », sans provoquer un examen plus approfondi du contexte et de l'expérience sociale qui sont à l'origine de cette production. ». On pourrait se demander : faut-il laisser l'architecture africaine dans les mains des architectes européens qui viennent planter leurs bâtiments sans aucune connaissance du contexte historique, social et climatique ? Probablement non. Mais d'autre part, l'étude de Nmamdi Eleh démontre que l'architecture occidentale dite « moderne » est très appréciée et considérée de meilleure qualité, parce que c'est l'architecture des riches en Afrique. Il existe alors un paradoxe qui renvoie à un problème social d'identité qui doit être résolu. Le problème d'identité consiste à valoriser ses propres qualités et potentiels, et non pas à suivre l'exemple des autres. Le chapitre consacré au « tourisme durable » de Porto-Novo au Bénin, écrit par l'urbaniste Christian Sozzi, donne un tel exemple. Il existe là-bas une prise de conscience sur la vraie richesse de cette ville et de ses alentours : la nature, l'environnement et les écosystèmes, dont les « bois sacrés » font partie. Un contexte unique qui cache en soi un grand potentiel de développement économique sur la base du tourisme. Le problème cette fois-ci est le manque d'organisation et de gestion globales. Le système existant ne fonctionne pas, ou fonctionne mal, tout étant chaotique et sans une stratégie claire et ainsi auto-détruise le potentiel de Porto-Novo. L'auteur pose une question pertinente : « ...le tourisme durable, est-il possible dans un seul territoire sans une stratégie nationale de développement et de protection de l'environnement dans laquelle le tourisme s'inscrit parmi d'autres secteurs d’activités ? » Evidemment non. Qui dit durable, dit aussi respect pour l'environnement et pour le rapport homme-nature. Or, ce respect n'existe que très rarement. Si on prend l'exemple de l'eau, traité dans le chapitre de René Nganou Koutouzi et Abdoulaye Coumaré, on s'aperçoit que dans la majorité des cas, les riches exclus, les africains rejètent l'eau usée directement dans la nature. La pollution engendrée par l'industrie, les ménages, le manque d'organisation et de contrôle sur les produits alimentaires tue annuellement 4 millions d'enfants en Afrique subsaharienne. « Il faut préserver à la fois l'industrie qui nous fait vivre et l'environnement qui nous permet de vivre » dit Hubert Reeves cité par les auteurs. Et si la consommation de l'eau est réduite au minimum, ce n'est guère à cause d'une volonté consciente basée sur un discours durable : « Pour l'Afrique subsaharienne, l'accès à l'eau potable (…), soit vingt litres d'eau par jour et par personne, disponible à moins d'un kilomètre – ne pourra être atteint qu'en 2040. » Il faudra sans doute chercher de l'aide depuis l'extérieur, puisque ce problème majeur d'accès et d'assainissement de l'eau est beaucoup trop cher et trop complexe à résoudre uniquement à l'intérieur du pays. Autre problème, c'est l'insécurité foncière étudiée par Bezounesh Tamrou, maître de conférences HDR à l'Université Lyon 2. Il existe une énorme inégalité sociale qui en résulte. L'accès à un terrain est certes facile pour les riches, mais les pauvres qui constituent la majorité, n'y arrivent pas. Malgré les différentes stratégies qui ont été essayées, comme le droit à une surface fixe par personne (le cas de l'Ethiopie à partir de 1975), ou encore des projets de copropriété et de construction en hauteur, jusqu'à la fixation de plafonds des prix au mètre carré, la difficulté d'accès pour les pauvres persiste. L'informel en résulte comme le seul moyen d'avoir un toit pour la plupart. C'est un phénomène assez naturel, qui démontre que la croissance de la ville va plus vite que la gestion politique et administrative de celle-ci. De nombreuses opérations comme les ventes, locations, sous-locations etc. se font, dans le but de chacun d'améliorer sa situation comme il peut. Le cadastre n'offre plus une sécurité foncière puisqu'il n'arrive pas à suivre tous ces mouvements. Ainsi « cette réalité concourt à un quasi status quo officiel sur la question foncière, rendant le choix de l'occupation informelle de plus en plus attractif ». On pourrait se demander si lutter contre l'informel a vraiment du sens, et si c'est gérable ? Est-ce qu'il ne serait pas plus intelligent de l'intégrer dans un système de raisonnement neuf et adapté à la situation africaine ? Les quartiers précaires sont au cœur de ce problème. En prenant l'exemple de Nouakchott Aurore Mansion et Virginie Rachmuhl retracent le parcours du développement de la ville qui a généré ces quartiers. Les « kebbé » et les « gazra », comme on les appelle sont habités par des personnes qui vivent pour la plupart dans une extrême pauvreté. Bien que les « gazra » sont plus développés et plus « riches », ils n'arrivent pas à offrir une qualité de vie acceptable. Plusieurs fois l'Etat a essayé de reprendre ces terrains par « déguerpissement » mais sans succès. Finalement un grand projet de construction financé par la Banque mondiale a permis de restructurer la « kebbé » d'El Mina, par l'ouverture des rues, leur aménagement, la distribution formelle et organisée des parcelles, l'installation d'eau et d'électricité, et d'équipements publiques. Certains habitants ont pu bénéficier d'une nouvelle et meilleure situation, tandis que d'autres ont dû se déplacer en périphérie en attendant leur tour. Cet exemple prouve que même une grande opération avec un financement important de la Banque mondiale, n'arrive pas à satisfaire à 100% les besoins d'un seul quartier précaire dans une seule ville en Afrique. Et si on faisait le calcul du nombre de quartiers à reconstruire dans chaque ville africaine ? Prenons l'exemple de la « Multiplicity » de Durban, comme l'ont fait dans leur chapitre les architectes Dennis Claude et Laura Hunt. Une ville composée de mixités culturelles et sociales, dont le but est d'offrir la meilleure qualité de vie en Afrique d'ici 2020. Cette ville doit faire face à la forte urbanisation récente qui se transcrit dans la construction de quelques 200 000 maisons, sans aucune intervention d'architecte, et faites de manière primitive sans eau et sans sanitaires, souvent surpeuplées et informelles, bordantes les routes en périphérie et à proximité des quartiers formels. Comment peut-on améliorer la qualité dans une telle situation ? La municipalité a essayé de résoudre le problème par la construction de 140 000 logements de petite taille mais hélas le résultat n'était pas positif, car ils coûtaient plus cher et même au niveau socio-culturel ils créaient de la ségrégation et d'inégalité. Mais on peut observer, à travers de programmes financés par la municipalité d'eThekwini, des efforts d'aider les habitants informels : des appels aux architectes ont été faits pour la construction de logements modestes à des coûts accessibles. Le « Warwick Junction Project », un projet de redynamisation de tout un quartier commerçant a été rendu par la suite disponible aux vendeurs informels. Des preuves que l'informel traité comme une partie inhérente de l'urbanisation de la ville peut donner de bons résultats. Une piste sans doute à approfondir dans les années à venir. Le livre « Voyage en Afrique urbaine » propose des lectures à des échelles différentes et des réflexions sur des thèmes qui se croisent. Ce n'est pas un livre qui raconte de manière académique les questions de l'urbanisme. Les cas d'étude pourraient être différents, mais au delà des connaissances concrètes qu'ils offrent, une prise de conscience sur les problèmes majeurs en Afrique se crée. Le croisement de points de vue de différents spécialistes est riche parce qu'ils sont complémentaires, et établissent ainsi un savoir et une critique générales. On s'aperçoit que même une lecture sur le téléphone portable ou les taxis, thèmes étudiés dans d'autres chapitres du livre, peut apporter de nombreuses précisions et provoquer des réflexions sur la façon dont la ville fonctionne. C'est ainsi que l'on prend conscience que l'urbanisme ne se limite pas au contexte bâti, mais que ce sont les dynamiques non matérielles et la multitude d'actions qui rendent la ville telle qu'on la perçoit. C'est finalement l'analyse de ces dynamiques qui permettra de comprendre comment construire les villes africaines de demain.
  • @bubu05
    @bubu05 10 years ago
    FICHE DE LECTURE : VOYAGE en AFRIQUE URBAINE : Urbanisation-Modernité-Société. Collectif sous la direction de Pierre GRAS, 2009, Paris, Carnets de ville, l’Harmattan A) Le continent africain vit une mutation urbaine accélérée. Elle doit faire face à de grands changements et défis. Le titre de l’ouvrage « Urbanisation-Modernité-Société », dirigé par Pierre GRAS, résume cette situation. Cet ouvrage collectif, présente quelques-uns des thèmes auxquels se trouve confrontée l’ensemble du continent pour faire face à cette mutation urbaine. VOYAGE en AFRIQUE URBAINE est un ouvrage collectif. Il s'intègre à une nouvelle série de la collection "Carnets de ville " consacrée à l'Afrique. Comme le met en évidence le sous- titre « Urbanisation-Modernité-Société », il aborde les dynamiques entre développement urbain, modernité (architecture, technologies) et comportements sociaux. L’intérêt de cet ouvrage est sa diversité : Diversité des intervenants : - Pierre Gras, journaliste - Christian Sozzi , urbaniste - Nmamdi Eleh, professeur associé, maître de conférences en architecture à l’université de Cincinnati, USA - René Nganou Koutouzi , consultant en chimie environnement et enseignant et Abdoulaye Coumaré , Docteur ingénieur en chimie et enseignant - Bezounesh Tamru, maître de conférencesHDR à l’Université de Lyon 2 - Gaëlle Macke, journaliste - Aurore Mansion, socio-anthropologue et Virginie Rachmuhl, sociologue urbaniste, chercheur à l’ONG Gret - Gaëlle Macke, journaliste Diversité des sujets abordés - Le tourisme durable - L’architecture, sa « modernité » entre tradition et créativité - L’eau adduction et évacuation - Insécurité foncière - Nouakchott, quartiers précaires « informels » - Le téléphone portable - La « MultiliCity » de Durban - Les Taxis à Tanger Diversité des villes, pays sélectionnées comme exemples : Porto-Novo, le Cameroun, Addis-Abeda, Nouakchott, Durban, Tanger Tous les sujets de ce livre portent à la réflexion et à la discussion. B) Premier sujet: L’architecture, sa « modernité » entre tradition et créativité Beaucoup de questions autour de ce thème : Entre Tradition et créativité ? «Si la signification d’une architecture peut être mesurée à l’originalité de son apport formel, à son potentiel d’invention de nouvelles formes, elle l’est également à la richesse de ses filiations fécondantes ; nul n’ignore qu’en Histoire de l’art, jamais aucun style n’est apparu spontanément. Ce qu’une architecture de la civilisation négro-africaine moderne peut le mieux exprimer, c’est justement le tissu des filiations, des influences, en bref des métissages, qui font une Société donnée à un instant donné. » LES FILIATIONS D’UNE ARCHITECTURE SENEGALAISE (Thierry Melot) A quels objectifs doit répondre une architecture moderne africaine ? - S'adapter aux réalités (climatiques, économiques, environnementales...) du terrain. Améliorer les constructions locales en créant des structures pourvues de systèmes de ventilation naturelle, et donc plus adaptées aux conditions climatiques de leur environnement - Tenir compte des différences culturelles. Au lieu de suivre les courants dominants, rechercher des solutions adaptées et “ancrées dans la culture du peuple Le savoir-faire, s’appuyer sur la communauté locale - Améliorer les constructions locales en créant des structures pourvues de systèmes de ventilation naturelle, et donc plus adaptées aux conditions climatiques de leur environnement - Créer des bâtiments modernes, esthétiques et peu coûteux en utilisant les matériaux trouvés sur place Quelques exemples : L'école flottante de Makoko à Lagos de l’architecte nigérian Kunlé Adeyemi École primaire du village de Gando Diébédo Francis KéréD’autres exemples sur le site http://archicaine.org/category/architecture/architecture-africaine-traditionnelle/ Quelle est la responsabilité des architectes ? Ce qui suit est fait référence à l’article (Publié sur All Ghana News le 22 mars 2012), signé par la GNA (Ghana News Agency) qui rend compte des principaux propos tenus lors de la session d’introduction de l’assemblée annuelle de l’Institut des Architectes du Ghana. Des membres du gouvernement ont rappelé à l’ordre les architectes (et autres praticiens chargés du développement de l’environnement bâti) - « appelle les architectes à adopter des techniques de construction «adaptées» pour remédier aux destructions issues de catastrophe naturelles ». -« la nécessité pour les architectes de s’efforcer à utiliser des matériaux de construction locaux » -« Davantage d’attention quant à l’aménagement du territoire afin de «sauver des vies autant que des biens». Ou quand un simple compte-rendu témoigne de l’enjeu politique qu’est l’architecture » -« La plupart des logements se transformaient en bidonvilles en raison de techniques de construction hasardeuses « -« Les sérieux problèmes auxquels étaient confrontés les bidonvilles et la détérioration continue du pays étaient imputables aux praticiens spécialisés dans le développement de l’environnement bâti, c’est-à-dire les urbanistes, les architectes, les ingénieurs et les experts environnementaux comme sociaux. » Ce compte rendu est bien évidemment très sévère, et prête à beaucoup de discussions. Néanmoins, lorsqu’on aborde la thématique d’une architecture moderne, il me parait important de rappeler la responsabilité de l’architecte dans un développement urbain durable. Deuxième sujet : Les Taxis à Tanger, ou le taxi semble jouer le rôle d’intégrateur social pour une population d’immigrés. Tanger est une région d’attraction non seulement pour les migrations internes et les migrants internationaux mais aussi pour les Africains, candidats à l’émigration vers l’Europe (Marocains, Subsahariens …). Or, Tanger n’est pas capable d’absorber tous ces flux et les espaces urbains où se concentrent ces nouvelles populations ce qui favorise le développement de l’habitat illégal.. Non maîtrisée, elle pourrait générer non seulement des problèmes urbains mais aussi des conflits interculturels, des incompréhensions, des formes de rejet. La problématique de l’intégration des immigrés n’est pas spécifique à Tanger ou au continent Africain. Elle concerne tous les continents. L’auteur de ce dernier chapitre me semble trop optimiste au vue des récents événements : « À Tanger, des Noirs africains attaqués à la machette » Des attaques sanglantes à l’arme blanche ont eu lieu dans le quartier Boukhalef à Tanger, où vivent majoritairement des Noirs subsahariens sans-papiers, candidats à l’immigration en Europe. Témoignages de migrants sous le choc… Des attaques sanglantes à l’arme blanche ont eu lieu dans le quartier Boukhalef à Tanger, où vivent majoritairement des Noirs subsahariens sans-papiers, candidats à l’immigration en Europe. Témoignages de migrants sous le choc… France 24 01/09/2014 / MAROC Tanger de nouvelles tensions racistes au quartier Boukhalef H24info.ma du 23/06/2014 Pour terminer le débat, le chapitre choisit est « Porto-Novo vers un tourisme durable. Bien que chronologiquement le premier du livre c’est celui que j’ai choisi pour terminer cette note de lecture. Le thème transverse de ce livre est l’essor démographique urbain. Cette progression est mal maitrisée. Les effets négatifs, insécurité foncière, l’accès à l’eau, habitat précaire, environnement dégradé, hygiène défaillant.., sont les priorités à traiter. Le Bénin rencontre le même problème, celui d’une croissance urbaine accélérée. Le projet d’un tourisme durable, comme son nom l’indique est sur la durée, l’avenir. Malgré des défis à relever il porte en lui les atouts du continent africain (la modernité comme dirait l’auteur). - La richesse de son patrimoine historique, architectural (vernaculaire, colonial, afro-brésilien et moderne). - L’héritage et ses diversités culturels - Le respect de ses traditions - Son environnement naturel - La créativité de ses artistes… A tords ou raison L’image, le logo à l’international de Porto-Novo, est une image positive. Celle de l’éco-tourisme, du commerce équitable (Recherche rapide sur le net). C) En conclusion les paroles de Pierre Gras lors du Dîner débat du 18 février 2010, au Procope, « Retour d'Africités » et autour de l’ouvrage « Voyage en Afrique urbaine » : « le livre se veut être une « porte d’entrée au débat » et non un savoir tout prêt » …. » Ce livre pourrait éventuellement connaître une suite, afin de traiter d’aspects ignorés par le premier volume comme le transport, la santé, les déchets ou même la musique et la danse ». De même que Pierre Gras, il a été difficile de faire des choix sur les thèmes abordés. Le livre laisse la porte ouverte à beaucoup de questionnements. http://ethiopiques.refer.sn/spip.php?article468 http://www.lecourrierdelarchitecte.com http://www.jeuneafrique.com http://archicaine.org/category/architecture/architecture-africaine-traditionnelle/ http://archicaine.org/benin-porto-novo-heritage-culturels-sites-touristiques-abessan-kpakliyaou-par-design7/ http://www.ecobenin.org Organisation internationale pour les migrations :LE BIEN-ETRE DES MIGRANTS EN AFRIQUE DE L’OUEST :ETUDE DE CAS DE QUATRE PAYS D’ACCUEIL DANS LA REGION Dîner débat du 18 février 2010, au Procope, « Retour d'Africités » et autour de l’ouvrage « Voyage en Afrique urbaine » http://www.reseau-ipam.org http://www.nsl.ethz.ch/index.php/en/content/view/full/1706 http://www.persee.fr/web/guest/home Durban, une très grande ville d'Afrique par Hélène Mainet-Valleix La recomposition des marginalités à Durban (The evolution ofmarginalities in Durban) Stéphane Vermeulin In: Bulletin de l'Association de géographes français, 84e année, 2007-3 ( septembre). Géographie et littérature /Marginalités spatiales et sociales NOUAKCHOTT : LE DESTIN LIÉ DE LA VILLE ET DES QUARTIERS PRÉCAIRES* PAR AURORE MANSION, SOCIO-ANTHROPOLOGUE,ET VIRGINIE RACHMUHL, SOCIOLOGUE-URBANISTE,CHARGEES DE MISSION AU GRET Armelle Choplin, Nouakchott. Au carrefour de la Mauritanie et du monde DIAGNOSTIC DU TOURISME BENINOIS A TRAVERS UNE ANALYSE SWOT ET STRATEGIE DE RELANCE, Présenté par : Master Economie du Tourisme International, Yaya MORA BROUTANI, Toulouse, mars 2005 Mme Sylvy Jag Villes disloquées? Ségrégations et fragmentation urbaine en Afrique australe//Broken-up cities: ségrégation and urban fragmentation in Southern Africa In: Annales de Géographie. 2001 Essai de caractérisation de la question foncière urbaine en Afrique sud saharienne Par TRIBILLON Jean-François, le novembre 2002 Quelles réponses à l’illégalité des quartiers dans les villes en développement Par Alain Durand-Lasserve, TRIBILLON Jean-François, le 20 novembre 2000 Quelles réponses à l’illégalité des quartiers dans les villes en développement Par Alain Durand-Lasserve, TRIBILLON Jean-François, le 20 novembre 2000
  • @bubu05
    10 years ago
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