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Petits métiers pour grands services dans la ville africaine

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(2011)

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  • @claire82
    11 years ago
    A/ Contexte Bernard Gourmelen est né en Bretagne en 1950. Tout comme Jean-Michel Le Roux, il exerce le métier de formateur en formation professionnelle des adultes. Ils sont les auteurs de l’ouvrage « Petits métiers pour grands services dans une ville africaine » paru en 2011 aux éditions L’Harmattan. Ce livre traite de l’économie informelle qui permet à des hommes et des femmes de survivre dans les rues d’Abidjan. L’informalité de l’espace urbain Africain place le modèle privé de l’intérêt général avant les bonnes gouvernances de gestion publique : tous les types d’infrastructures sont remis au même niveau, tous les corps de métier prennent possession de la rue. Les acteurs de l’économie informelle apportent des réponses populaires à l’urbanisation accélérée. Les auteurs de cet ouvrage sont allés à leur rencontre pour tenter de les comprendre. La première partie du livre donne la parole à une cinquantaine d’hommes et de femmes qui exercent ces petits métiers. La seconde partie tire quelques enseignements de ces entretiens et replace l’économie informelle dans son contexte économique général. Dans la suite de notre propos, nous allons développer les trois points suivants : qui sont les acteurs de l’économie informelle ? Quels sont les services rendus ? Quelle est la place de l’économie informelle dans la société urbaine Africaine ? Celle-ci doit-elle demeurer un facteur d’exclusion sociale en marge du développement, ou bien peut-elle être vue comme un facteur d’intégration et devenir une des clés d’un développement urbain durable? B/Développement 1/ Qui sont les acteurs de l’économie informelle ? Une cinquantaine de personnes exerçant des petits métiers ont été interrogées dans les rues d’Abidjan. Parmi elles, plus de trente se sont déclarées issues de l’immigration, c’est-à-dire venant des pays voisins d’Afrique de l’Ouest comme le Mali, le Sénégal, la Guinée, etc. Bien que la Côte d’Ivoire ait traversé des crises économiques et politiques ces trente dernières années, elle demeure attractive pour les pays voisins et la ville d’Abidjan a connu un essor démographique très important, elle compte aujourd’hui 4 millions d’habitants. Cette expansion s’est réalisée sans la construction d’infrastructures indispensables, en particulier dans l’assainissement et le traitement des déchets. L’habitat est souvent précaire et fait de dangereux branchements électriques informels, le dépôt de déchets dans les lagunes encourage le développement du paludisme, et le terrain est propice aux agressions. Pays d’accueil, la Côte d’Ivoire est une mosaïque culturelle en mal d’identité nationale. Beaucoup de migrants sont venus à Abidjan en vue de gagner plus d’argent pour l’envoyer au pays. Ils forment donc une grande des acteurs de l’économie informelle à Abidjan. Mais ce ne sont pas les seuls : les femmes sont sur représentées dans ce secteur. Elles sont discriminée par le modèle traditionnel cantonnées dans leur rôle de femme d’intérieur, à s’occuper de la maison et des enfants. Pourtant, elles jouent un rôle majeur dans la confection et la distribution. Tous les acteurs interrogés disent qu’ils sont « venus se chercher ». Ils sont là pour survivre, gagner de l’argent et éventuellement l’envoyer à leur famille restée au pays. Ils ont d’autres ambitions, n’hésiteraient pas à changer d’activité s’ils pouvaient gagner plus d’argent. Mais ils aiment malgré tout ce qu’ils font, puisque c’est leur moyen d’exister. Ils sont tous dans des conditions de précarité extrême, n’ont pas la possibilité d’épargner pour accéder à cette vie meilleure qu’ils désirent, et ne bénéficient pas de protection sociale. 2/ Quels sont les services rendus ? Les services rendus par l’économie informelle peuvent être classés en plusieurs catégories. Il y a ceux qui facilitent les déplacements : piroguiers-passeurs, chargeurs de taxi, vendeurs de tickets, régulateurs de la circulation. Il y a ceux qui vendent : des fruits et légumes, du charbon, des livres, des produits de toilette, de l’eau en sachet, des briques. Il y a ceux qui assurent les services téléphoniques, proposant des communications à partir de leur propre crédit téléphonique. Il y a ceux qui assurent la surveillance : gardiens d’immeubles, assistants maître-nageur. Il y a ceux qui assurent la restauration : restaurateurs, broyeurs au moulin. Il y ceux qui assurent l’hygiène en ramassant les ordures. Il y a ceux qui rendent service aux personnes : coupeur d’ongle, laveur de bijoux, cordonnier, couturier, laveur d’habits. Enfin, il y a ceux qui récupèrent, réhabilitent et recyclent, par exemple les chaussures, le caoutchouc, le fer, les vêtements. Mais il y a une dernière catégorie de personnes qui contribuent au secteur informel d’Abidjan : les brouteurs. Ceux-ci sont les voyous qui pratiquent l’arnaque à la carte de crédit sur Internet. La cybercriminalité est devenue une affaire d’État qui empiètent sur les marchés nationaux, un phénomène culturel qui sert de modèle aux jeunes qui ne voient plus dans le système actuel qu’un système qui leur offre le chômage. Cette dernière activité menace le développement social du pays, et menace aussi son développement économique en mettant en péril les investissements. Les services rendus par les métiers de l’informalité sont donc pour la plus part de grands services. C’est un secteur fort créatif duquel trois qualités se dégagent : service de proximité, échange flexible, capacité d’entreprendre. Mais pourquoi ces grands services se développent-t-ils dans l’informalité, au dépend de la volonté de l’État à répondre aux besoins fondamentaux de la population ? 3/ Quelle place pour l’économie informelle dans le développement urbain ? L’économie informelle tient une place majeure dans l’économie du pays, puisqu’elle pourrait représenter jusqu’à 60% de son PIB. Mais elle échappe à la comptabilisation et aux statistiques de l’État. En fait, c’est l’incapacité de l’État à répondre aux besoins fondamentaux de la population dans les domaines de l’emploi, de la santé, du logement et de l’éducation qui est à l’origine du foisonnement du secteur informel. Il est le principal moteur de la construction des villes et de l’animation de la vie urbaine. L’économie informelle est concomitante au développement du chômage urbain. Celui-ci attendrait 45% de la population totale à Abidjan, et le nombre de pauvres aurait été multiplié par 10 en une génération. Est-il raisonnable de rendre l’informel formel en économie ? Comment intégrer ce qui est invisible mais peut représenter jusqu’à 60% du PIB ? Selon Darwin, « Grande est notre faute si la misère de nos pauvres découle non pas des lois naturelles mais de nos institutions ». L’économie informelle produit des biens et des services en vue de créer des revenus et des emplois pour les personnes concernées. C’est une économie fondée sur la « démocratie » des savoir-faire et c’est aussi une bonne école de la créativité. Elle s’inscrit comme un palliatif à la pauvreté. Dans la planification urbaine des villes africaines, doit-on laisser l’économie informelle comme une économie de survie, ou doit-on la considérer comme un facteur de développement ? Les gouvernements pourraient prendre toutes sortes d’initiatives pour sortir de la pauvreté. Par exemple, encourager toutes les formes d’organisations communautaires pour rompre avec les lois du marché qui ne font qu’encourager le chômage dans les villes africaines. On pourrait permettre la mise en place de régies de quartier pour rendre des services liés à l’habitat, à la gestion de l’eau, à l’environnement, qui soit gérées et financées par les usagers. On pourrait permettre l’installation de groupements d’intérêts publics en agréant des coopératives de production ou de réparation. On pourrait également reconsidérer l’éduction et la formation pour donner de véritables professionnelles aux travailleurs. Ce sont autant de mesures qui permettraient au gouvernement de reprendre le contrôle de l’économie informelle dans les villes africaines, sans laisser de côté les hommes et les femmes (pauvres) qui habitent et font vivre ces villes, tout en permettant un développement urbain durable. C/ Conclusion Dans « Petits métiers pour grands services dans la ville africaine », les auteurs sont allés à la rencontre de dizaines de personnes qui vivent dans les rues d’Abidjan en proposant des services de bases à la population. Ce sont toutes des personnes pauvres, souvent issues de l’immigration, et qui ne parviennent pas à s’insérer dans le système économique traditionnel. Dans les villes africaines, le développement démographique s’accompagne du développement de l’économie informelle, au détriment du développement urbain durable. L’économie informelle présente à mes yeux deux avantages qui doivent être pris en compte dans la planification urbaine. Premièrement, elle permet à la majeure partie de la population, celle des pauvres, de subsister tout en faisant preuve d’innovation et de créativité, d’être à l’écoute des besoins de la population, et non à l’écoute des lois du marché. Deuxièmement, c’est une économie durable qui rejoint le principe de l’économie circulaire : les africains pratiquent depuis longtemps, contraints et forcés, les 3R (réduction, réutilisation, recyclage) qui fondent une économie écologique (Sylvie Brunel). Le livre présente des pistes intéressantes qui pourraient permettre de structurer cette économie informelle, par la mise en place d’organisations agrées par le gouvernement qui pourraient réduire le chômage, augmenter le niveau de vie de la population et la gestion environnementale de la ville. Tout ceci ne peut se faire sans réelle volonté des pouvoirs publics. Bibliographie Brunel Sylvie (2009). African Business. N°2 janvier-février 2009, p54-56.
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