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Vivre à Tananarive : Géographie du changement dans la capitale malgache

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(2007)

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  • @mabe44
    10 years ago
    A-) Eléments de contexte : La capitale malgache et ses habitants ont été le sujet d'études de la thèse de doctorat de Mme Catherine FOURNET GUERIN soutenue en 2002 et publiée en 2007 aux éditions Karthala sous le titre « Vivre à Tananarive. Géographie du changement dans la capitale malgache. » Née en 1972, Mme FOURNET GUERIN, ancienne élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, est agrégée de géographie en 1996. Elle est maître de conférences en Géographie à l’Université de Reims-Champagne-Ardenne depuis 2003. Elle mène depuis plusieurs années des recherches consacrées à Madagascar sur les thèmes de la ville, des identités ou des mutations économiques d'un pays pauvre de plus en plus inséré dans l'économie mondiale. Elle a récemment élargi ses travaux aux grandes villes d'Afrique subsaharienne dans une perspective comparatiste. Ses travaux récents sont plus particulièrement centrés sur l’étude des mutations des identités socio-spatiales des sociétés citadines dans les pays en développement. Dans ce livre, « Vivre à Tananarive. Géographie du changement dans la capitale malgache. » Catherine FOURNET GUERIN nous dresse un tableau actuel et vivant de la vie quotidienne des Tananariviens, de la ville aux quartiers, de la rue aux demeures d’une ville mal aimée, capitale d’un pays présenté avant tout comme rural et nous interroge : - Que signifie « vivre à Tananarive », d’une capitale précoloniale au contexte de crise urbaine, économique mais aussi politique, du milieu des années 1970 au début du XXIème siècle ? - À quelle « géographie du changement » sont confrontés les citadins, dans leur vie quotidienne, leurs aspirations et leurs représentations ? Pour nous faire comprendre une réalité floue et contradictoire, changeante, ambiguë et paradoxale – maîtres mots du livre –, l’auteur pratique une approche combinant géographie culturelle et sociale. - Quel « vivre ensemble aujourd’hui » à partir des mutations récentes de la citadinité, à travers les transformations paysagères de la ville (embellissement, modernisation) et les crispations identitaires dont sont victimes tant les populations minoritaires (diasporas indiennes et chinoises) que les castes inférieures ? B-) Discussion : La thèse développée dans la première partie va chercher les origines du malaise citadin actuel dans le passé et les valeurs qui s’y attachent. Antananarivo est une ville précoloniale, dont le statut de capitale a été maintenu sous la colonisation française. Elle s’est bâtie suivant un modèle paysager, social et cosmologique merina, opposant d’un côté, en hauteur, la ville noble avec le palais royal du Rova, le marché-agora du Zoma, les grandes maisons traditionnelles, … à une ceinture de rizières dans la plaine nourricière de l’autre. Mais cette ville mythifiée concilie difficilement son statut de ville merina et de capitale moderne. Il est intéressant de voir comment les choix architecturaux traditionnels des Merinas ont été repris dans l’édification de la capitale et cherchent encore à se maintenir dans l’imaginaire collectif (p.33 : « organisation linéaire nord sud du village : la plupart des habitations sont orientées de la même manière en vertu de directions connotées positivement ou négativement : rejet du sud, maisons ouvertes à l’ouest » … « répartition dans le village en fonction du statut de chacun : les lignages les plus prestigieux occupent les emplacements les plus valorisés dans l’astrologie merina »). Cet ancrage dans la tradition, y compris dans le lien conservé avec le village où le corps sera enterré, est une caractéristique de la population tananarivienne. L’arrivée de la modernité avec son cortège de crises économiques qui l’a accompagnée depuis les années 1970, bouscule ces valeurs et les liens traditionnels. La ville se dégrade et l’accroissement de la population conduit à urbaniser des zones qui autrefois étaient des rizières. Comment conserver cette agriculture en ville quand l’assainissement n’est pas assuré ? La géographie du quotidien, développée en seconde partie, fait apparaître d’autres failles dans cette citadinité traditionnellement imprégnée du monde rural envers lequel on entretient des relations profondément ambiguës : le citadin tire son identité de la terre des ancêtres, mais méprise les « ploucs ». Le système des castes encore très présent va se retrouver dans une ségrégation spatiale au niveau du quartier. L’auteur met à jour la topographie sociale qui informe sur les pratiques urbaines et montre comment le quartier se cloisonne. Les clichés attachés au quartier (image du village idéalisé) comme lieu de sociabilité et de solidarité sont démentis : une des forces et des originalités de l’ouvrage est d’analyser non seulement les tensions engendrées par la crise au niveau du quartier, mais aussi celles créées par les stratégies de survie élaborées pour y répondre. À quel prix peut-on conserver son identité tananarivienne ? Quels choix les individus doivent-ils faire, et en quoi la citadinité s’en ressent-elle ? Faut-il renoncer à un confort très basique (eau, électricité, nourriture) pour conserver un minimum de « paraitre » ? La troisième partie met en évidence les crispations identitaires qui se font de plus en plus fortes au fur et à mesure de la croissance de la population et de l’entrée mal acceptée dans la modernité, entre les « étrangers », qu’ils soient européens, indiens ou chinois, les malgaches de castes ou de régions défavorisés (côtiers, descendants d’esclaves, ..) et la caste noble qui se replie sur elle-même dans une quête identitaire. (p.360 : «Il semble bien que la question des castes constitue en dernier ressort la clef pour appréhender les citadinités tananariviennes »). La victoire du modèle urbain occidental sur l’identité mérina, la crainte d’une banalisation de la ville conduit aux radicalisations actuelles et contribue au mal être des tananariviens. (p.398 : « le monde des tananariviens change, sans doute plus rapidement qu’ils ne sont prêts à l’accepter ») C-) Conclusion : « Vivre à Tananarive, c’est vivre dans un monde profondément déstabilisé, et dans une société divisée et crispée » conclut l’auteur (p. 393). L’identité contemporaine d’Antananarivo peine à se mettre en place. Sur un plan symbolique, deux incarnations majeures de la ville précoloniale, le Rova et le Zoma, ont disparu au milieu des années 1990, l’un victime d’un incendie criminel, l’autre de la réhabilitation urbaine voulue par un maire hygiéniste. Cet ouvrage nous permet de rechercher dans l’histoire et la sociologie les causes de ce mal être en laissant le lecteur dégager lui-même des pistes pour un futur apaisé. S’il est possible de considérer que la capitale malgache subit à un degré moindre que les grandes métropoles africaines les conséquences de la globalisation, la démarche adaptée par l’auteur de rechercher à travers l’identité profonde de la ville les pistes pour un meilleur développement est à plus d’un titre intéressante. Peut-on passer sur l’identité des Merinas pour construire autrement ? Semblable au FengShui, la cosmologie malagasy conseille d’ouvrir les portes à l’Ouest et de ne pas construire au Sud. Comment les identités traditionnelles doivent à la fois évoluer pour s’adapter au monde moderne mais également être respectées pour justement rendre ce monde moderne meilleur et adapté au contexte de la ville et en particulier à son histoire pré-coloniale ? Le cas malgache pourrait en ce sens être généralisé à d’autres villes africaines. Je retiendrai en exemple "Le paradis tabou, Autopsie d´une culture assassinée", dans lequel EBELE WEI démontre que le nom de « Douala » tire son origine du 16è siècle, date à laquelle le clan Ewale s´installe dans l´estuaire du wuri, nonobstant l´attribution du nom le 1° janvier 1901 par un décret du gouverneur allemand Von Sonday. Bibliographie : « La cité des mille : Antananarivo : histoire, architecture, urbanisme » ouvrage collectif publié en 1998 aux éditions du CITE (Madagascar) - 181 pages « Le paradis tabou: autopsie d'une culture assassinée » Ebele WEI 1999 Editions CERAC (Cameroun) - 244 pages
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