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Ni compétitives ni justes alors quoi? Métropoles Ouest-Africaines et circulation mondialisée de modèles urbains.

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(2011)

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    10 years ago
    Ce texte a été publié par Monique Bertrand (directrice de recherche à l’IRD), suite à un colloque «La ville compétitive à quel prix?» à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense en 2011. Monique Bertrand est l’auteure d’un ouvrage intitulé «De Bamako à Accra, Mobilités urbaines et ancrages locaux en Afrique de l’Ouest» après avoir passé vingt ans en Afrique. Ce texte nous conduit De Bamako à Accra et invite à réfléchir sur les mobilités urbaines et ancrages locaux. Il s’agit tout d’abord d’une réflexion menée sur la ville en général et deux métropoles africaines en particulier. Le foncier urbain est au cœur du propos, de même que les questions de mobilités intra-urbaines et résidentielles ou encore celles de gouvernance urbaine. Ses analyses rendent compte de la difficulté à mettre en place la décentralisation ou encore de l’exclusion et de la mise en concurrence des plus pauvres. Monique Bertrand a décidé de choisir ces deux villes en raison de la croissance démographique élevée pour ce genre d’agglomération et de leur héritage colonial français et britannique qui ont eu leur rôle à jouer dans la fabrique de la ville. Elle expose dans un premier temps les différentes politiques urbaines menées dans ces villes depuis les années 1990. Dans un deuxième temps elle développe les politiques de logement et énonce les différents programmes intervenants dans l’urbanisation des bidonvilles. Puis dans sa dernière partie elle étudie les conséquences de la décentralisation sur le développement urbain. L’auteure nous rappelle que l’Afrique n’a pas échappé aux crises financières et à la mondialisation. Après «la décennie perdue pour le développement», les années 90 marquent une période d’ajustement social. Un ajustement structurel impose un modèle de récupération de coûts et financements et de développement de services et infrastructures. Les populations sont alors ciblées afin de participer à ce réajustement où chacun participerait selon ses moyens. La politique d’ajustement sociale met en place une stratégie d’intégration de la classe pauvre dans le marché au travers de l’installation de services essentiels et d’accès au logement. Mais dans les mégalopoles l’économie de service qui se renforce est alimentée majoritairement par le secteur informel qui ne peut pas payer les taxes et donc contribuer à la mise en place des infrastructures tels que le système de voirie. Le développement urbain se fait seulement le long du réseau primaire et aux nœuds stratégiques. Des problèmes majeurs de volonté et de détermination à prioriser les interventions urbaines rendent difficile la mise en place des politiques publiques. Le développement du réseau secondaire ne peut se réaliser alors qu’au travers de coopérations bilatérales et de bailleurs multilatéraux. L’auteure s’attache à décrire le reformatage du développement urbain qui a eu lieu au sein de ces villes et du «recyclage de deux credo néolibéraux de la croissance urbaine auprès des entrepreneurs et des usagers locaux». La gestion des villes est passée en trente ans d’une logique de subvention et de pénurie de moyen au principe de récupération des coûts afin d’ajuster l’offre et la demande afin de rembourser une dette d’investissement et permettre le fonctionnement des services urbains mêmes dans les «extrémités» du réseau. Cependant, les opérations d’infrastructures de rattrapage et les opérations urbaines délaissent la majeure partie de l’espace urbain faisant passer les métropoles d’une logique de trame à une logique de corridor. La gestion des villes découlait jusque là de la décision présidentielle, avantageant essentiellement les métropoles et délaissant les parties rurales. A partir de 1990 de grandes réformes de décentralisation ont lieu afin de répartir la prise de décision dans l’urbanisme du territoire. Mais les budgets ne suivent pas et les communes n’arrivent pas à assumer cette nouvelle décharge et n’arrivent pas à se maintenir au niveau métropolitain. La multiplication des projets urbains et leur manque de financement et de crédits rendent leur application difficile. L’implication de directives internationales dites durables ajoute un désordre d’orientation, et les pays africains doivent se plier aux implications financières découlant du changement climatique. La multiplication des diagnostiques, des partenariats et expertise créent des trous dans le territoire, les bailleurs n’ayant aucune considération pour l’espace public; l’ensemble des projets finit par manquer de continuité. Les villes africaines n’arrivent pas à produire une attractivité pour les investisseurs privés. Des combats des dernières décennies visant une intégration des pauvres aux marchés urbains, régulation sociale surgit surtout une réclamation de droit à la ville. Des mouvements et des organisations surgissent afin de défendre les habitats des plus pauvres et les accompagner socialement. Différents programmes comme «ville sans bidonvilles» et UN-Habitat au travers de leur action agissent par ricochet dans l’espace urbain afin de compenser les politiques de logements catastrophiques du Mali et du Ghana. La politique de logement du Mali dans les années 1990 consistait essentiellement en une récupération de logements subventionnés mais ces habitats profitaient avant tout à une classe basse plutôt qu’aux issus des bidonvilles, et seulement 11% des demandes ont été satisfaites. Selon Monique Bertrand le problème de développement de Bamako réside entre une volonté présidentielle à intégrer les bidonvilles et une réticence des élus municipaux à ces constructions informelles. Les habitants luttent contre les évictions, la spéculation et la spoliation foncière. Malgré les réformes la ville n’a pas su changé au profit de l’habitant et les dits «déguerpis du Mali» s’indignent. Après la régularisation de quartiers spontanés, les morcellements irréguliers se reportent sur les régions voisines et les zones pour reloger les déguerpis sont allouées à d’autres classes sociales pour complaire aux classes électives. La politique de Accra consiste plutôt à une production de nouveaux logements qu’à une récupération des bidonvilles. De plus la ville est passé par deux générations de projet la poussant à mener des actions contradictoires; tout d’abord une phase de financement des deprived communities puis à leur propre éviction. Des programmes sont crées pour la réhabilitation des quartiers déshérités, mais leur objectifs passent à côté des vrais priorités. Le programme «ville sans bidonville» perd de sa pertinence dans une ville telle que Accra puisque la plupart des concernés sont en régularité foncière. Ce programme vise surtout à agir sur les problèmes d’infrastructures (voirie et assainissement) alors que le réel problème est la qualité de l’habitat puisque la majorité des logements sont constitués de seulement une pièce. Depuis 2000, le gouvernement mise avant tout sur les réhabilitations et les évictions alors que les habitants demandent avant tout une légitimité. Pour faire face aux évictions les habitant se soulèvent et d’importants mouvements d’indignation ont lieu de telle sorte que le Ghana finit seulement par être assimilé à ces combats sur la scène internationale. Amnesty International finit alors par exiger la fin des évictions forcées. En 2011, UN Habitat retient le Ghana pour un Pilot Slum Upgrading Facility Project où des partenaires institutionnels, associatifs, locaux, nationaux et internationaux s’associent dans leur action. L’auteure pose alors l’idée d’une contradiction dans les économie d’échelle de la gestion urbaine et s’interroge sur ce qui peut faire tenir la ville africaine. Après être arrivé à la conclusion que la ville africaine n’a ni compétitivité économique ni politique sociale, elle se demande si la compétition politique tiendrait mieux les villes dans la durée mettant en place des perspectives de coordination territoriale et de maitrise de l’étalement urbain. Elle propose alors de mieux étudier les actions politiques qui ont lieu à Bamako et Accra pour en comprendre les inconvénients et les avantages. Le processus de décentralisation des années 1990 a permis un renouvellement des élites municipales. Motivées par des ambitions électorales, celles-ci s’inscrivent mieux dans les initiatives nationales et les réseaux internationaux voués à la consolidation de gouvernements locaux. Mais seulement vingt ans après la décentralisation on assiste déjà à un besoin de remaniement des collectivités à Accra et Bamako. L’organisation de Bamako en six districts montre des problèmes de relation pour les espaces publics, les lotissements et le recasement des déguerpis. Les frontières administratives ne sont pas bien définies, et dépassée dans la vie courante par les pratiques d’habitat et de mobilité. Hors de Bamako, les communes s’allient au contraire pour résoudre leurs problèmes et notamment exiger de la métropole des réparations pour les déchets et les pollutions émanant de la ville. La volonté présidentielle d’annexer ses zones rurales se heurte au refus des élus municipaux. La double administration de la ville Gouvernorat/Mairie du District multiplie les conflits et nuit à la crédibilité économique de Bamako en plus de son découpage administratif. La ville a besoin de rattraper son manque d’infrastructures et de services essentiels afin d’attirer les investisseurs privés. Le problème de changement politique à Accra en 2000 amène un double remaniement du système politique. L’aire urbaine du grand Accra passe de 3 à 8 assemblées alors que les périphéries régionales ne sont pas remaniées. La ville passe également de 110 à 169 districts affectant de nouveau les périphéries. Cette coïncidence de remaniement des districts avec les élections montre une mise à profit de la décentralisation par les politiques. La sous-division de la ville en assemblées engendre des problèmes d’enclavement, d’inégalité démographique, ..., et de problèmes de limites surtout entre les quartiers riches et pauvres. Mais l’auteure souligne que malgré ces points négatifs on peut noter que globalement les membres des assemblés constituent malgré tout des acteurs croissants pour l’intervention urbaine. Dans ce combat de territoire les habitants préfèrent alors allouer certaines terres à des bailleurs privés plutôt que de se les faire réquisitionner par l’État les détournant alors de leur utilité publique. L’auteure finir par conclure que les villes africaines ont besoin d’avant tout d’équipements structurants et d’activités génératrices de revenus. La recherche de profits privés empêche une continuité politique et souligne un manque de volonté pour la mise en place d’une métropole. Cette compétitivité politique à différentes échelles crée divers problèmes d’articulations rendant l’espace urbain chaotique et conflictuel au lieu de lui donner sa logique afin que chacun y trouve sa place. Si le texte dévoile le retard urbain des métropoles africaines il souligne surtout les difficultés du gouvernement à mettre en place une politique urbaine. Cette politique semble avoir des difficultés de par la multiplicité de ses acteurs mais surtout de par leur manque de collaboration pour servir le même but. La division du pouvoir politique multiplie également les conflits d’intérêts entre les politiques du «haut» et les politiques du «bas». Leur manque de collaboration paralyse les projets et nuis au développement durable de la ville. Si la décentralisation vise à servir plus justement chaque population, les sans abris et les classes pauvres sont toujours laissés sur la touche. Ceux-ci s’assemblent en association multilatérale excluant le pouvoir public afin de pouvoir développer leur propre territoire, si bien que celui-ci apparait comme en marge de la société et de la ville dite «légale». Le gouvernement ne les intègre pas dans les plans d’urbanisme ou les politiques de logements ou les menace même d’expulsions. Les opérations d’assainissement des bidonvilles sont souvent une couverture afin de déloger les plus pauvres au profit des autres classes ou du privé. Seules les organisations humanitaires répondent à leur secours mais malgré leur action, sans l’appui et la collaboration des pouvoirs publiques leur action est assez ponctuelle et n’as pas le pouvoir de modifier durablement la ville.
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