Book,

Quelles villes pour le 21ème siècle

.
(2012)

Meta data

Tags

Users

  • @worldofgrem68

Comments and Reviewsshow / hide

  • @worldofgrem68
    11 years ago (last updated 11 years ago)
    INTRODUCTION Les 438 pages du livre “Quelles villes pour le 21ème siècle” ont été publiées en août 2012 aux editions Infolio. Il s’agit d’un livre collectif, un travail collegial de onze auteurs, dirigé pincipalement par Françoise Lieberherr-Gardiol, anthropologue et sociologue, qui a enseigné à l'école Polytechnique Fédérale de Lausanne et dirigé le secteur développement urbain à la Direction du Développement et Coopération au ministère des Affaires étrangères de Berne. L’objectif du livre est “de nous aider à mieux comprendre et à rendre compte des transformations qui s’opèrent dans les villes”, et cela, à travers une vision pluridisciplinaire croisant les points de vue analytiques, conceptuels et critiques des onze auteurs, tous reconnus dans leurs domaines. Il en résulte la construction collective d’une problématique et de ses enjeux, tout en préservant une reflexion individuelle dans les domaines propres aux auteurs. Le livre est structuré en trois parties distinctes. La première partie, intitulée “Perspectives historiques”, aborde l’évolution urbaine de ces trente dernières années à travers la coopération internationale et les mouvements sociaux. La seconde partie, “Mondialistion et modes de regulations”, traite des questions de gouvernance, de démocratie participative et de développement durable, notamment au travers d’un exemple de décentralisation, d’apprentissage municipal et de gouvernance croisées au Burkina Fasso. La troisieme et dernière partie, “Politiques urbaines émergantes”, présente les réponses aux défis urbains dans des contextes géopolitiques contrastés, avec un accent particulier sur les pays du Sud (dont des pays africains) et un regard transdisciplinaire. Enfin la conclusion nous amène à nous questioner sur les grands enjeux de l’avenir. Dans sa portée globale, le livre s’oriente donc sur la vision d’un monde multipolaire et non centré sur l’Occident. DEVELOPPEMENT Il me semble important de comprendre que les articles de ce livre présentent les conditions stratégiques à prendre en compte pour promouvoir une urbanisation de qualité. La première de ces conditions se veut d’ordre paradigmatique. Trois auteurs donnent leur vision complète et critiques sur l’urbanisation durable liée à l’environnement et au développement comme nouveau paradigme qui intègre les dimensions à la fois économiques, sociales et écologiques du development urbain. Je trouve que cette notion est essentielle et je rejoins l’idée qu’il faudrait expérimenter une urbanisation qui ménage les rapports entre les Hommes et la nature et entre les Hommes eux-mêmes. Et celà, par exemple en imaginant des experimentations qui pourraient faire appel aux questions de la résilience, de l’incrémentalisme, de la mutabilité choisie, de l’écologie des territoires ou par exemple encore des temporalités. L'exemple subsaharien présenté dans le llvre, d'un contexte de croissance urbaine sans développement économique, associe la constitution de capacités locales à des réformes de politiques urbaine, afin d'orienter et de gérer efficacement le processus d'urbanisation et de "transformer les risques urbains en opportunité." Les villes qui ont su relever ce défi existent par exemple en Afrique du Sud. Le second principe se veut normatif, resultant de la lute menée depuis des années pour la reconnaissance d’un nouveau droit humain, le droit à la ville, officialisé dans la declaration d’Istambul en 1996, inspiré par les revendications des citoyens et centrées principalement sur le droit au logement. En lien avec ce principe, j'ai été particulièrement sensible aux questions abordées sur les quartiers informels, car si l'existence des bidonvilles est toujours le reflet de la pauvreté urbaine, l'intensité de la pénurie de logement, particulièrement en Afrique, est souvent le reflet des inégalités sociales et spaciales. On apprend par exemple, que Nairobi est plus riche que Kinshasa mais que plus de 50% de sa population vit dans des bidonvilles, soit un peu plus qu'a Kinshasa. En outre, les bidonvilles de Nairobi offrent des conditions de vie pires qu'à Kinshasa, parce que Nairobi est plus inéquitable que la capitale congolaise. c'est ainsi que les habitants des bidonvilles de Nairobi vivent entassés sur seulement 5% de la surface totale de la ville. Le plus grand bidonville, Kibera, occupe moins de 1% de la superficie de la ville mais regroupe près de 20% de la population urbaine. Sa densité atteint dans certains îlots 3000 personnes par hectare. On peut s'intéroger sur la notion de droit à la ville quand il se manifeste par une telle injustice sociale, qui exclut les pauvres des bénéfices de la vie urbaine. Malgré tout, les pauvres des bidonvilles et des quartiers informels sont des acteurs de la ville. Ces quartiers démontrent au quotidien comment ils inovent, comment ils trouvent des ressources et de l'énergie, comment ils créent leurs propres opportunités d'emploi et transforment leur environnement. Dans certaines villes, les citadins pauvres se rassemblent en groupes communautaires pour défendre leurs intérêts. Les habitants des bidonvilles pourraient donc être considérés comme les "entrepreneurs les plus dynamiques" de notre époque, en tout cas comme des acteurs importants du secteur privé. Mais s'ils sont doués pour les stratégies de survies, les habitants des bidonvilles atteignent rarement le stade de l'épargne et du développement. Ils ont alors besoin au mieux de soutien, et au minimum d'une non-aggression de la part des autorités publiques, qui voient les bidonvilles d'un mauvais oeil et cherchent souvent à les éradiquer. En tout cas, la vie dans les bidonvilles telle qu'elle est présentée dans le livre, montre que la concentration de personnes dans les villes est en soi un facteur de développement positif, tout simplement parce que cette concentration implique plus d'échanges, plus de transactions, plus de possibilités et davantage de risques. Ainsi, les bidonvilles pourraient être considérés comme une manifestation de la résilience humaine, le reflet des dynamiques sociales, de l'incroyable énergie humaine. Parfois ils sont des lieux de solidarités, souvent de violences, mais toujours des lieux de vie urbaine, de luttes multiples pour la survie et la dignité humaine. On ne peut en tout cas pas les ignorer dans les choix urbains futurs et ils amènent à une série de questionnement que nous devons prendre en compte. La troisième condition stratégique a comme fondement les valeurs essentielles de la démocratie moderne et touche le champ vaste et ambigu de la gouvernance démocratique. Aujourd'hui, les questions sociales, urbaines et environnementales s'aditionnent et les réponses qu'elles attendent sont des mixtes de solutions locales et de contributions universelles, ce qui les rend très délicates à formuler et actionner. Le dosage entre ces questions diffèrent selon les situations, et aucun cas n'est semblable à un autre, malgré les airs de ressemblance... C'est à la fois ce qui rend le développement urbain complexe, mais avant tout ce qui est une grande chance pour ne pas vivre dans un monde uniforme et monotone. Toute intervention urbanistique ne peut être qu'unique car adaptée à un seul cas, contrairement à l'uniformalisation architecturale-urbaine produite et entretenue par la globalisation des procédures juridico-administratives, du secteur industriel de la construction, des grandes agences d'architectures, des cabinets d'expertise et des "modèles" diffusés par les revues spécialisées. Pour contrer celà, c'est à nous de trouver la sensibilité nécéssaire à chaque projet. CONCLUSION C'est donc dans des contextes géopolitiques contrastés, avec un accent particulier sur les pays africains et du Sud, et un regard transdisciplinaire, que ce livre offre une excellente introduction à la problématique des villes d’aujourd’hui. Trois angles de lecture développés par les auteurs me semblent particulièrement importants. Le premier est celui des phénomènes d’urbanisation comme processus historique et comme manifestation des transformations sociales en cours, le second approche les différents champs de l’urbain, et le dernier se concentre sur les pratiques concrètes dans des contextes géopolitiques et socioculturels diversifiés, notamment au Kenya et en Afrique du Sud. Le point fort du livre est de nous détacher complètement d'une vision occidentale sur l'urbain et sur le développement de projets urbains. Ainsi nous pouvons envisager de nouvelles réflexions et de nouveaux processus de création, qui éviteront peut-être de commettre les erreurs déjà réalisées dans des pays plus urbanisés. Je fais directement le parrallèle avec l’architecte engagée sud-africaine Carine Smets, que j'ai eu la chance de rencontrer l'an dernier, lors d'une conférence à Strasbourg. Elle intègre les dimensions humaines et collaboratives dans ses projets, en organisant ses chantiers sous forme d’ateliers de formation ou de réinsertion, au prix d’une implication permanente de l’agence, et en faisant intervenir les artistes des townships ou les peintres traditionnels ruraux. Elle apporte une vision nouvelle de l’architecture en Afrique du Sud, et propose la construction d’écoles ou de centres communautaires pour donner vie aux quartiers, en les adaptant à la population locale. En bâtissant des lieux destinés à enrichir la vie sociale et culturelle des townships, elle répond aux besoins des populations afin de briser leur isolement. Elle mise également sur l’utilisation de matériaux locaux, comme la brique et la tôle pour réduire les frais de construction. Je vous invite vraiment à découvrir son travail qui recouvre de nombreux aspects: urbanisme, paysagisme, architecture, mais également assistance à la maîtrise d’ouvrage, études de faisabilité et "fund raising" auprès de donateurs. Sa démarche est considérée comme "exemplaire de la prise en compte des enjeux du développement durable dans le projet et l’acte de construire".
Please log in to take part in the discussion (add own reviews or comments).