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Le foncier urbain en Afrique : entre informel et rationnel, l'exemple de Nouakchott, Mauritanie

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(2006)

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  • @kouamkoffi

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  • @kouamkoffi
    10 years ago
    L’explosion démographique qui caractérise l’Afrique contemporaine s’est accompagnée d’une pression sur l’espace et plus précisément sur l’espace urbain. L’extension des villes, souvent brutale, a entraîné une mauvaise gestion et la généralisation des problèmes fonciers. L’accès à la propriété et le contrôle du sol demeurent difficilement maîtrisables pour l’Etat. Le foncier urbain est devenu une source de revenus fort rentable qui relève du secteur informel. A travers cet exemple de Nouakchott, capitale de la Mauritanie, la recherche menée par Armelle Choplin, certainement dans le cadre d’un travail de thèse de doctorat, pourrait sembler immergée dans une approche critique mettant à nu les défaillances dans les processus de planification de la ville dans les pays du Sud, et particulièrement en Mauritanie et en Afrique. Son ambition est plus haute. Et au-delà de sa volonté, louable, de prolonger ses travaux menés sur les rapports ville-Etat, il y a, avant tout, une volonté d’ancrer ce travail, à la fois théorique et d’observation, dans une perspective de recherche urbaine empruntant autant aux sciences sociales qu’à un regard critique sur des études menées sur des problématiques urbaines en Afrique. Mettant en exergue la récurrence et la persistance des problèmes fonciers dans le développement des villes africaines, en particulier celui de la ville de Nouakchott, l’auteur montre les difficultés d’accès au titre foncier urbain avec pour corollaire la prolifération des quartiers précaires. Il montre également le rôle et l’influence des bailleurs de fonds, en occurrence la Banque mondiale et des ONG, dans le processus de fabrication de villes plus durables et le rôle ambiguë de l’Etat dans ce processus. Les difficultés d’accès au foncier à l’origine de la prolifération des quartiers précaires dans la ville de Nouakchott Selon l’auteur, l’une des principales causes de la prolifération des quartiers précaires dans la ville de Nouakchott serait la pauvreté : les couches sociales les plus démunies n’ont pas les ressources financières nécessaires pour s’acquérir une parcelle viabilisée destinée à des habitations urbaines dignes de ce nom. Elles exploitent donc les interstices urbains, impropres à l’habitation humaine pour y bâtir des maisons non pas en dur, mais des habitats précaires avec divers autres matériaux (bois, paille, etc.). Cette cause de prolifération des quartiers à habitats précaires semble être une caractéristique propre des grandes villes d’Afrique, ou du moins de l’Afrique subsaharienne. C’est d’ailleurs la même cause qui est évoquée pour le cas d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, dans l’ouvrage ‘’ Urbanité et quartiers précaires’’ où les auteurs estiment que «Habiter dans les quartiers précaires, particulièrement marqués par l'illégalité et la menace de déguerpissement suppose un choix souvent dicté par la nécessité-pauvreté mais aussi, parallèlement, une propension à adopter un mode de vie urbain, compatible avec son statut socio-économique » (Réjane BLARY, Serge-Marie N’GUESSAN et François ANDRÉ, 1999). Il ressort de cette analyse que l'espace urbain est, pour ces habitants, une représentation, un espoir d'amélioration des conditions de vie moderne mais aussi un lieu d'affranchissement des dépendances antérieures, familiales et ethniques. Il ressort également la notion de mode de croissance démographique abordé par Philippe Haeringer sur la ville d’Abidjan : « Ce mode de croissance démographique - sa rapidité et origine rurale des habitants - influe considérablement sur le style du développement spatial de la ville. Les régimes fonciers urbains les types de lotissement le retard constant de effort public la vigueur des mouvements habitat spontané et finalement la configuration générale de la ville en résultent directement ». Une autre origine de la présence des quartiers à habitats précaires à Nouakchott serait purement la mauvaise foi d’une frange de la population relativement aisée. Ces dernières, avec des ambitions d’usurpation et de ‘’squatte’’, procèdent à l’occupation des endroits impropres à l’habitation humaine dans l’optique de se voir attribuer par l’Etat des parcelles viables par la suite. Cette attitude d’usurpateur est également décriée par Réjane BLARY, Serge-Marie N’GUESSAN et François ANDRÉ (1999) : « La reconnaissance du quartier par les autorités officielles est le vœu le plus ardent des occupants des quartiers précaires, hantés par la possibilité d'un déguerpissement et espérant que la restructuration leur apportera non seulement la sécurité foncière mais un équipement minimum ». Permis souvent par l’affairisme, le népotisme et la corruption, tout cela résulterait de l’échec de l’Etat dans le processus de fabrication de la ville. Cet échec dans la planification de la ville, avec des projections en deçà de la réalité, obligerait l’Etat à cautionner l’illégalité et l’informalité. Rôle et position ambiguë de l’Etat dans la gestion du territoire urbain de la ville de Nouakchott A la fois détenteur du foncier, principal pourvoyeur de terrains et principal responsable du devenir du territoire urbain nouakchottois, l’Etat semble démontré son impuissance face aux maux qui minent la ville avec une position le plus souvent ambiguë. Déjà avec un cadre juridique du foncier complexe marqué par des modalités et circuits d’accès lents et laborieux à la propriété, mais également entaché de contradictions, l’Etat Mauritanien, avec une multiplicité d’acteur dans les domaine du foncier découlant de sa politique de décentralisation, encouragerait la spéculation foncière: le hakem (équivalent du maire, la plus haute autorité locale), lui seul peut décider de passer en zone constructible une partie de sa commune, même après avoir perdu son poste ! Tout ceci est de nature à encourager les transgressions des lois et règlementation en vigueur, ce qui favorise des installations anarchiques et la prolifération des quartiers à habitats précaires. Ce rôle ambigu de l’Etat, lié certainement à son incapacité à faire respecter sa législation qu’il a mise en place et au conflit de compétence entre ses différentes institutions, semble commun à toute l’Afrique. L’analyse faite par l’ONU-Habitat sur la situation en Côte d’Ivoire en témoigne : « La loi N° 2003-208 du 7 juillet 2003 portant sur le transfert des compétences de l’État aux collectivités territoriales donne des prérogatives aux communes en matière de gestion foncière. Cependant, les interférences observées dans la chaîne de gestion foncière font apparaître de nombreux conflits de compétence entre l’État, à travers le ministère en charge du foncier, et les communes d’une part, et entre les communes elles-mêmes. Cela démontre la difficulté à faire appliquer les textes sur les compétences transférées aux collectivités en matière du foncier. En définitive, malgré la richesse du dispositif institutionnel, juridique et financier progressivement mis en place par l’État pour rendre le développement des villes plus cohérente, force est de constater que les objectifs poursuivis sont loin d’être atteints. Le secteur du foncier est confronté à de nombreuses difficultés » (ONU-Habitat, 2012). Restructuration des bidonvilles et rôle des bailleurs de fonds et ONG A l’instar de ses voisins, l’Etat mauritanien réhabilite plus qu’il ne détruit, et ce, à la demande de la Banque mondiale. Poche de pauvreté, d’instabilité et de délinquance, le développement des bidonvilles dans la ville de Nouakchott inquiète les pouvoirs centraux au point où une véritable politique de restructuration s’impose à l’Etat. Cette opération de restructuration, visant à régulariser la situation des habitants, à viabiliser le terrain et à doter en équipements de base les zones de résidences insalubres, nécessite bien de la technicité et des fonds conséquents. D’où l’importance de l’appui financier des bailleurs de fonds tel que la Banque mondiale et l’appui technique des ONG dans le processus de mise en œuvre. L’exemple de restructuration de la kébé d’El Mina à Nouakchott incarnera le succès d’intégration d’un quartier pauvre dans le tissu urbain. L’inadéquation, le plus souvent, des politiques africaines, l’indisponibilité des ressources financières et technologiques pour faire face aux défis des villes semblent être une réalité en Afrique. L’assistance financière et technique des bailleurs de fonds et des ONG est donc indispensable pour les pays Africains dans leurs initiatives de restructuration et de construction des villes. A Nouakchott, comme dans la plupart des grandes villes africaines, les difficultés d’accès au foncier sont à la base du développement des quartiers à habitats précaires. Ce développement est amplifié par la pauvreté, la mauvaise foi de certains habitants, la corruption, etc. et l’échec de la l’Etat dans le processus de fabrication de la ville. L’Etat, sans un dispositif efficace de suivi et de contrôle de sa législation et de ses institutions, gère dans un ‘’laisser aller’’ les questions relatives au foncier urbain, encourageant ainsi le développement de ‘’poches indésirables’’ dans les villes. Et comme ‘’un médecin après la mort’’, dans ses initiatives de restructuration et de réorganisation de sa politique d’urbanisation, est confronté divers autres défis d’ordre financier et technique qui nécessite l’assistance de bailleurs de fonds et des ONG. Ces différents aspects des villes africaines, certainement jugés sous une base comparative d’avec les villes occidentales, devraient plutôt être analysés dans une perspective d’invention de villes propres au contexte africain : « Un élément est d'une importance particulière dans ce contexte : « les villes ne sont pas des entités autonomes. Elles font toutes parties intégrantes des contextes souvent partagés, géographiques, sociaux, environnementaux et politiques. Étant donné que beaucoup de défis à relever sont de nature transfrontalière, ce rapport cherche à stimuler la coopération locale, nationale et régionale entre les villes et nations africaines en vue de réinventer des approches partagées de développement/aménagement urbain et de capter les interventions les plus efficaces pour faciliter les transitions urbaines durables ainsi que les autres transitions en Afrique » (ONU-Habitat, 2014). Référence bibliographique Blary R., N’Guessan S-M. et André F. (1999). Urbanité et Quartiers Précaires. Dépôt légal : Bibliothèque Nationale du Québec, Bibliothèque Nationale du Canada, 37 p+ annexes. ONU-Habitat (2012). Côte d’Ivoire : Profil urbain d’Abidjan, 36 p. ONU-Habitat (2014). Etat des villes africaines 2014. Réinventer la transition urbaine, 278 p. Philippe Haeringer (1969). Structures foncières et création urbaine à Abidjan In: Cahiers d'études africaines. Vol. 9 N°34. 1969. pp. 219-270
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