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Urbanisation et droit de l'urbanisme au Maroc

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(1993)

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    10 years ago
    Né en 1948 à Ain Bouharrouch Mohamed Dryef est titulaire d'un diplôme de l'École nationale de l'administration publique (ENAP) puis d'un doctorat en Droit. Il est devenu gouverneur de la province de Benslimane en 1989, puis wali de Fès de 1991 jusqu'à 1998. Il a occupé de janvier 2000 à mars 2003 le poste de directeur général des Affaires intérieures à l'administration centrale du ministère de l'intérieur. Mohamed Dryef était wali du Grand Casablanca de mars 2003 à juin 2005 Urbanisation et droit de l'urbanisme au Maroc un livre écrit par ce homme de politique, traite le sujet de la gestion urbaine, les différentes difficultés qui affrontent le développement urbain, ainsi que le cadre législative qui organise l'urbanisation au Maroc. Le livre date de 1993 c'est pour cela, afin d'actu1liser les informations données par cet ouvrage, j'ai ajouté des points tiré du cours de cycle ingénieur concernant l'aménagement du territoire, l'urbanisme et le droit d'urbanisme. Le droit de l’urbanisme au Maroc, dans sa pure expression juridique et technique, remonte au début du XXe siècle après l’installation du protectorat au Maroc en 1912. C’est un droit d’inspiration française qui a évolué au rythme d’une urbanisation rapide très fortement marquée par la croissance urbaine et l’explosion démographique. C’est un droit jeune, évolutif mais en déphasage par rapport aux dimensions multiples de la croissance urbaine. Le processus d’urbanisation accélérée, déclenché dès le début des années 30, ne cesse de prendre de l’ampleur avec le temps, et la rupture des équilibres traditionnels est assurément à l’origine d’un vaste mouvement de restructuration spatiale. La dynamique démographique est, certes, une donnée générale à l’ensemble du territoire mais les flux migratoires, en déploiement continu, imposent une nouvelle approche de gestion et d’aménagement des villes. A la structuration primitive, caractérisée par l’hégémonie du rural, s’est donc peu à peu, substituée une structuration nouvelle marquée par la tendance à la prédominance de l’urbain tant au niveau démographique que sur les plans économiques et social. Sur le plan démographique : le Maroc connaît depuis plusieurs décennies, une forte croissance démographique continue. Celle-ci est profitable plus aux villes qu’aux campagnes en raison de l’exode rural ; le taux d’urbanisation dépasse à l’heure actuelle largement le cap des 60%. Les projections démographiques pour les dix années à venir montrent aussi qu’en dépit de la décélération progressive de l’accroissement naturel, le taux d’urbanisation continuera à augmenter sensiblement. Cette tendance irréversible à l’augmentation du taux d’urbanisation est due aussi bien à l’accroissement démographique interne des villes, qu’à la propension des campagnes à déverser leur top plein démographique en direction des centres voisins. Sur le plan socio-économique : la croissance urbaine génère des problèmes spécifiques liés au logement, aux services publics de proximité, aux infrastructures de base et aux équipements collectifs. Les carences dans ce domaine commencent à se faire sentir d’une manière assez sérieuse et particulièrement dans les domaines de la santé et de l’éducation. Alors que le rythme et les formes de l’urbanisation marocaine actuelle sont indubitablement à l’origine de nombreuses difficultés et de dysfonctionnements qui ne font que s’aggraver avec le temps, la mise en place d’une gestion urbaine rationnelle est encore du domaine de l’hypothétique. La volonté politique pour y parvenir ne manque pas, mais les efforts fournis au cours de ces dernières années pour juguler les effets dévastateurs d’une urbanisation incontrôlée n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi au fur et à mesure que l’urbanisation se complexifie, on observe une réelle défaillance des pouvoirs publics à maîtriser le processus et assurer une meilleure gestion de l’espace. On avance l’idée que le droit de l’urbanisme est inadapté et qu’il y a un effort à faire dans ce sens. Cette idée est dans une large mesure vraie, mais il faudra aussi agir sur les dysfonctionnements inhérents au fonctionnement des systèmes socio-politique, aux institutions et aux acteurs chargés du logement et de l’aménagement des villes. Historiquement, l'urbanisme propre au Maroc est celui qui existe à l'intérieur des villes traditionnelles (Intra-Muros) et qui est d'origine musulmane et arabe. L’urbanisme arabo-musulman, appliqué à l'intérieur de la ville traditionnelle, se base essentiellement sur la religion musulmane qui tourne autour de trois objectifs : l'indispensable(habitat), le nécessaire(équipement et ameublement) et le complémentaire (l’esthétique). L'urbanisme, qui accompagne le processus de construction des villes, selon une conception « arabo-musulmane », a été conçu de façon à favoriser la tranquillité et l'équilibre social, éloigné de toutes formes de nuisances. L'urbanisme d’inspiration musulmane se base sur la solidarité sociale et le partage de l'espace. L'urbanisme occidental, quant à lui, a engendré l'anonymat, les cassures sociales et l'exclusion et souhaite retrouver la solidarité perdue. Le protectorat français, imposé au Maroc à partir de 1912, va introduire l'urbanisme occidental tel qu'il existait en Europe au début du XXéme siècle et notamment en France. Cet urbanisme « importé »sera la figure moderne de l'urbanisme marocain qui va évoluer selon un mode de structuration fondée sur la rationalité normative et moderne. D’un urbanisme de type prévisionnel et Sécuritaire remontant aux premières années de l’indépendance, les besoins d’une planification prospective et de maîtrise des évolutions urbaines vont donner lieu à un urbanisme de type stratégique. L'urbanisme stratégique se base sur : • L'établissement d'un certain nombre de projets pour la ville ; • La recherche d'une cohérence entre ces projets au niveau de la conception et de l’exécution. Il s'agit de projets intégrés comprenant les études socio-économiques, le montage technico-financier, en somme des projets structurants visant un développement harmonieux et équilibré des territoires et assurant une large participation à la gestion de leur cité. Ainsi, en synthétisant, on peut dire que, du fait de la colonisation, une partie de la ville au Maroc présentait une certaine harmonie entre la législation qui la régissait à l'époque et les réalisations urbanistiques et architecturales auxquelles elle a donné lieu. À cette époque, l'urbanisme était maîtrisable du fait de la disponibilité du foncier et de la faible poussée démographique. Après l'indépendance, l'urbanisme n’a pas suivi la législation qui le réglementait, et en l’absence d’un dispositif juridique opérationnel on a assisté progressivement à des déviations multiples ayant donné lieu à l’expansion de l’habitat insalubre, des bidonvilles et des structures anarchiques. L’urbain échappe de plus en plus au contrôle de l’Etat. Aujourd'hui, bien que la législation ait évolué, soit rénovée et réadaptée, cette harmonie n'est plus présente, car la pratique ne se conforme plus à la loi. C'est ainsi que des lotissements et des constructions ont vu le jour en infraction avec la réglementation ainsi que les plans d'urbanisme et les règles les plus élémentaires d'hygiène et de salubrité. À cet égard, la réglementation en matière d'urbanisme sera prisonnière de cette situation puisqu’elle n’aura pas pour objectif de planifier le développement futur des agglomérations, mais se contente de corriger, de rectifier et d’ajuster. L’Etat agit sous la pression des difficultés et des événements. En ce sens, l'étude du droit de l'urbanisme aura pour intérêt de confronter le texte juridique à la pratique urbanistique afin de dégager l'impact réel de la loi. L'impact du droit apparaîtra, à travers l’analyse des différentes lois d’urbanisme, afin de vérifier si les objectifs fixés ont été atteints. Le cadre juridique instauré par le Protectorat se caractérise par son accélération qui se traduit par le nombre de dahirs publiés dont le but était la gestion et la réglementation urbaine 1. Dahir du 16 avril 1914. Elle définit les modalités de mise en œuvre du plan de la ville ; • Elle définit les modalités de création par les particuliers de groupes d'habitations ; • Elle définit la réglementation de l'acte de bâtir. 2. Dahir du 23 novembre 1917 relatif aux associations syndicales de propriétaires urbains. Le but recherché par cette loi était de : • Soumettre à autorisation toutes constructions à l'intérieur des villes où des voies et places sont projetées. • Faciliter à l'administration coloniale l'acquisition de terrains et d'immeubles pour réaliser ses projets. 3. Loi du 27 janvier 1931 autorisant l'établissement de Plans d'aménagement pour les centres et les banlieues des villes Le but recherché par cette loi était de soumettre toute construction, et tout lotissement réalisés dans la zone qui entoure les villes, érigées en municipalités et les centres délimités, aux dispositions du dahir de1914. Le rayon de la zone est fixé à 5 kilomètres. C'est ce qu'on qualifie de "PERIMETRE URBAIN". 4. Dahir du 14 juin 1933 relatif aux lotissements Cette loi visait deux objectifs : • Maîtriser la croissance de l'urbanisation en soumettant la création d'un lotissement, situé à l'intérieur du périmètre des villes, dans les banlieues, et dans les zones rurales, à une autorisation administrative ; • Soumettre les villes nouvellement créées, aux normes d'un urbanisme moderne inspiré de la réglementation en vigueur en Europe et notamment en France. 5. Dahir du 30 juillet 1952 relatif à l'urbanisme Le but recherché par cette loi était de remplacer le dahir de 1914, en reprenant et actualisant l'ensemble des règles posées depuis 40 ans de protectorat. Ce dahir ne remet pas en cause celui de 1914, mais le complète par des dispositions nouvelles comme l'élargissement du champ d'application à d'autres espaces (Les banlieues, Les zones périphériques, Les centres délimités, Les groupements d'urbanisme) 6. Dahir du 30 septembre 1953 relatif aux lotissements et morcellements Le but de cette loi était de définir juridiquement le lotissement et le morcellement, d’imposer le respect de cette réglementation pour les promoteurs et de mettre fin à la spéculation anarchique. Ce rythme accéléré ne sera pas soutenu après l’indépendance et la loi de 1952 restera pour de longues années encore, jusqu’en 1992, la référence de base. Certes, en 1960, les pouvoirs publics ont pris une loi, celle du 25 juin 1960 relative au développement des agglomérations rurales qui a complété les dispositions du dahir de 1952 en délimitant les agglomérations situées en dehors du périmètre urbain mais sans leur réserver une réglementation particulière. Les dispositions de ce dahir sont applicables dans les agglomérations rurales situées en dehors des périmètres définis par l’article 1 du dahir du 30 juillet 1952. Il peut être établi pour les agglomérations des plans dit « plans de développement» qui définissent les principales zones d’habitation et toutes les autres indications relatives au mode d’utilisation des sols. L’approbation du plan de développement pour une agglomération rurale rend le permis de construire obligatoire et soumet à une autorisation préalable le lotissement. Ce n’est qu’en 1992, c’est à dire 36 ans après l’indépendance, que le gouvernement votera deux lois pour adapter l’arsenal juridique à l’évolution et aux problèmes de l’urbanisation. - la loi du 17 juin 1992 relative aux lotissements morcelés et groupes d’habitations ; - la loi du 17 juin 1992 relative à l’urbanisme. Ces deux lois interviennent dans un contexte particulier marqué par l’extension des bidonvilles, l’émergence de nouvelles entités urbaines issues du découpage territorial, de la création des agences urbaines et des inspections régionales de l’urbanisme, et de manière générale l’anarchie qui caractérise l’urbanisme. Loi du 17 juin 1992 relative à l’urbanisme a pour objet de définir les différents documents d’urbanisme, les règlements de construction ainsi que d’instituer des sanctions pénales. Elle est composée de93 articles et d’un décret d’application n°2-92-832 divisé en43 articles explicitant le contenu de la loi. Le tout fournit une définition juridique des différents documents d’urbanisme( SDAU, PZ, PA, arrêtés d ‘alignement, permis de construire) et réglemente la construction. Au lendemain de l’indépendance, le premier gouvernement du Maroc indépendant comprend en décembre 1955 un ministère de l’habitat. Mais au deuxième gouvernement, constitué moins d’une année plus tard, c’est une 11 «circonscription de l’Urbanisme et de l’Habitat», partie intégrante du ministère des travaux publics, qui sera en charge de l’urbanisme et de l’habitat. Ce n’est qu’en 1972 qu’elle sera érigée à nouveau en ministère. C’est alors que les questions d’urbanisme et d’habitat seront perçues, tantôt en liaison avec le Tourisme et l’Environnement, tantôt avec l’aménagement du Territoire, comme en témoigne la changeante appellation du ministère. L’urbanisme flottera ainsi longtemps avant d’être rattaché au ministère de l’intérieur, sous forme de direction, en 1986 et restera ainsi jusqu’à l’arrivée du gouvernement d’alternance en 1998. La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées laisse apparaître l’existence de plusieurs organes qui interviennent de manière concomitante dans le domaine de la gestion urbaine. L’Etat monopolisant la production des normes et la planification urbaine, les collectivités locales s’occupent de l’opérationnel. Il est à relever que la confusion en matière de partage des responsabilités et le grand nombre d’intervenants constituent une entrave sérieuse à la mise en œuvre des plans d’urbanisme. À partir de 1998 avec le gouvernement dit d’«alternance », la vision intégrée des nouveaux responsables politiques fera de l’urbanisme, l’habitat, l’environnement et l’aménagement du territoire un seul et même département. Ces différents rattachements reflètent l’évolution des multiples visions qui sous-tendent la politique de l’urbanisme. Ainsi, d’une vision technique on est passé à une optique sécuritaire pour aboutir enfin à une vision intégrée. Une nouvelle mission multidimensionnelle, mais complémentaire, sera confiée au nouveau grand département chargé de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de l’habitat, auquel on a enlevé le département de l’environnement, à la suite du remaniement ministériel de Septembre 2000. En effet, les quatre pôles de développement (aménagement, urbanisme, environnement et habitat) viennent d’être «réunifiés» depuis leur séparation en 1985. Cela ne signifie pas l’existence d’une vision unique et uniforme ; mais plutôt une vision plurielle. Il s’agit là d’un juste retour des choses, puisque les quatre paramètres constituent les «fondations» indissociables d’une stratégie à court, moyen et long terme. Cette approche nouvelle de gestion de l’urbanisme coïncide avec l’arrivée de l’ancienne opposition à la gestion des affaires publiques et est conçue selon une démarche pragmatique : procéder à un diagnostic de l’état des lieux et arrêter un plan d’action pour les 20 années à venir. Le diagnostic dégage les problèmes et les dysfonctionnements à partir desquels les pouvoirs publics expriment leur volonté de rapprocher, autant que possible, la vision de l’administration centrale du terrain, tout en évaluant l’ampleur des besoins. Ce qui dénote une volonté d’ouverture, de concertation, de participation et surtout de communication avec l’ensemble des acteurs qui interviennent dans les domaines concernés. En effet, la préoccupation d’instaurer une véritable communication (verticale, horizontale, descendante et ascendante) est seule apte à assouplir les méthodes de travail et d’exploiter les potentialités non négligeables en ressources humaines, en établissant une ambiance sereine basée sur la confiance et l’esprit d’équipe. A cet égard, la réunion des quatre pôles en un grand ministère, a «l’avantage de correspondre à la réalité du terrain et de répondre aux exigences de cohérence et d’efficacité que requiert l’action combinée des quatre départements». En effet, l’urbanisme et l’aménagement du territoire doivent fonctionner en étroite complémentarité. L’aménagement du territoire et l’environnement étant imbriqués, doivent être conçus de manière intégrée. Le ministère ayant pour objectif «d’assurer la cohérence du développement des établissements humains» dont le premier est le logement. La législation relative à l’urbanisme fait l’objet d’un projet de réforme élaboré depuis deux ans et qui est toujours à l’étude au niveau du gouvernement. Il s’agit du projet de loi qui unifie les deux lois en vigueur, relatives à l’urbanisme, aux lotissements, aux morcellements et groupes d’habitations. Ce projet qui porte le numéro 40-2000 est intitulé : «Projet de loi relative à la mise à niveau des établissements humains». Ce projet de loi est destiné à compléter et corriger les lois actuellement en vigueur datant de 1992. Il a, par conséquent, un rôle correctif et complémentaire par rapport aux textes qu'il est appelé à remplacer. Les concepteurs de ce texte (direction des affaires juridiques du Ministère de l'Urbanisme de l'Aménagement du Territoire et de l’Habitat) ont cherché à mettre en évidence les traits particuliers de notre culture. Les intentions (explicitées dans la note de présentation) sont orientées vers un développement durable, plutôt que vers la résolution de problématiques spécifiques et localisées dans le temps et l'espace. La problématique de l'environnement, la réduction des failles entre les strates de la société marocaine, les spécificités régionales ainsi que d'autres thèmes ne sont pas en reste, et ont été les soucis majeurs dans le texte de loi proposé. La nouvelle approche de cette loi est de faire participer activement les citoyens à l’aménagement et au développement de leur cité. Ce projet fait du bien-être des citoyens une priorité. Le projet de loi intègre une grande souplesse quant à son exécution et confère au citoyen des droits et des devoirs qui le rendent plus responsable et moins redevable vis à vis de l'administration, qui, de ce fait, pourra consacrer davantage de ressources à des problématiques d'ordre général. Le texte se présente sous forme d'une note de présentation de onze pages et d'environ cinquante pages portant la mention "DOCUMENT PROVISOIRE" sur chacune de ces pages. Les nouveaux apports de ce projet de loi se résument en une refonte de la planification urbaine. Ainsi, le projet de loi prévoit de nouveaux plans d’urbanisme, réglemente les autorisations d’urbanisme ainsi que les opérations d’aménagement. La gestion de l’urbanisation au Maroc est devenue au cours de ces dernières années la préoccupation majeure des pouvoirs publics. Les campagnes se vident, des villes entières émergent ici et là donnant l’impression d’une incapacité de l’Etat à exercer une réelle maîtrise de l ‘évolution urbaine faute d’infrastructures de base, des équipements collectifs et, dans l’ensemble, des éléments structurants pour une ville répondant aux critères de qualité, de bonne organisation et de bien-être. L’urbanisation massive du pays n’a pas, par ailleurs, rencontré les structures institutionnelles capables de la maîtriser. La décentralisation amorcée par la charte communale de 1976, qui délègue aux élus des communes urbaines la charge de la gestion urbaine, se trouve dans les faits limitée par « centralisme excessif » des appareils de l’Etat et par le poids de la tutelle. Il faut aussi mentionner le fait que l’absence d’une formation des élus aux techniques de la gestion urbaine explique en grande partie leur incapacité à maîtriser l’évolution urbaine, et par voie de conséquence, l’espace urbain est confisqué par les spéculateurs et les lobbies. De même le découpage communal observé ces dernières années, d’abord à Casablanca puis étendu aux autres villes du Maroc, etla création d’agences urbaines sur lesquelles les élus n’ont aucune prise, vont dans le sens d’une réduction des prérogatives des élus locaux. Le droit de l’urbanisme conforte la position de l’Etat et concentre les pouvoirs de décision entre les mains de ses appareils. Cette bureaucratisation de la gestion urbaine sera marquée par la lenteur des études et des procédures d’homologation des plans d’aménagements ainsi que l’absence de moyens financiers les accompagnants. Ainsi, l’urbanisation échappe totalement aux élus locaux. De cette situation découle une urbanisation à deux facettes. La première est caractéristique des centres villes et des quartiers réglementaires principalement occupée par les couches moyennes et aisées qui bénéficient d’un taux d’équipement raisonnable. Le deuxième est caractéristique des quartiers d’habitat populaire, regroupant les médinas sur-densifiées et les extensions dites périphériques et clandestines, où les problèmes de viabilisation et d’équipements sont d’une extrême gravité. Les problèmes engendrés par l’urbanisation incontrôlée et anarchique sont multiples et peuvent être, à moyen terme, une menace réelle pour la cohésion nationale. Il y a certes un problème de droit qu’il faut adopter et faire respecter, mais il est nécessaire aussi d’apporter des réponses concrètes et durables aux problèmes de la croissance démographique, de l’exode rural, du logement, des moyens humains et financiers, du dispositif institutionnel et l’évaluation du rôle des acteurs et des opérateurs. Vaste programme. Mais c’est l’avenir du Maroc qui en dépendra. La cohésion sociale passe par la cohésion urbaine. Le droit de l’urbanisme au Maroc, dans sa pure expression juridique et technique, remonte au début du XXe siècle après l’installation du protectorat au Maroc en 1912. C’est un droit d’inspiration française qui a évolué au rythme d’une urbanisation rapide très fortement marquée par la croissance urbaine et l’explosion démographique. C’est un droit jeune, évolutif mais en déphasage par rapport aux dimensions multiples de la croissance urbaine. Le processus d’urbanisation accélérée, déclenché dès le début des années 30, ne cesse de prendre de l’ampleur avec le temps, et la rupture des équilibres traditionnels est assurément à l’origine d’un vaste mouvement de restructuration spatiale. La dynamique démographique est, certes, une donnée générale à l’ensemble du territoire mais les flux migratoires, en déploiement continu, imposent une nouvelle approche de gestion et d’aménagement des villes. A la structuration primitive, caractérisée par l’hégémonie du rural, s’est donc peu à peu, substituée une structuration nouvelle marquée par la tendance à la prédominance de l’urbain tant au niveau démographique que sur les plans économiques et social. Sur le plan démographique : le Maroc connaît depuis plusieurs décennies, une forte croissance démographique continue. Celle-ci est profitable plus aux villes qu’aux campagnes en raison de l’exode rural ; le taux d’urbanisation dépasse à l’heure actuelle largement le cap des 60%. Les projections démographiques pour les dix années à venir montrent aussi qu’en dépit de la décélération progressive de l’accroissement naturel, le taux d’urbanisation continuera à augmenter sensiblement. Cette tendance irréversible à l’augmentation du taux d’urbanisation est due aussi bien à l’accroissement démographique interne des villes, qu’à la propension des campagnes à déverser leur top plein démographique en direction des centres voisins. Sur le plan socio-économique : la croissance urbaine génère des problèmes spécifiques liés au logement, aux services publics de proximité, aux infrastructures de base et aux équipements collectifs. Les carences dans ce domaine commencent à se faire sentir d’une manière assez sérieuse et particulièrement dans les domaines de la santé et de l’éducation. Alors que le rythme et les formes de l’urbanisation marocaine actuelle sont indubitablement à l’origine de nombreuses difficultés et de dysfonctionnements qui ne font que s’aggraver avec le temps, la mise en place d’une gestion urbaine rationnelle est encore du domaine de l’hypothétique. La volonté politique pour y parvenir ne manque pas, mais les efforts fournis au cours de ces dernières années pour juguler les effets dévastateurs d’une urbanisation incontrôlée n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi au fur et à mesure que l’urbanisation se complexifie, on observe une réelle défaillance des pouvoirs publics à maîtriser le processus et assurer une meilleure gestion de l’espace. On avance l’idée que le droit de l’urbanisme est inadapté et qu’il y a un effort à faire dans ce sens. Cette idée est dans une large mesure vraie, mais il faudra aussi agir sur les dysfonctionnements inhérents au fonctionnement des systèmes socio-politique, aux institutions et aux acteurs chargés du logement et de l’aménagement des villes. Historiquement, l'urbanisme propre au Maroc est celui qui existe à l'intérieur des villes traditionnelles (Intra-Muros) et qui est d'origine musulmane et arabe. L’urbanisme arabo-musulman, appliqué à l'intérieur de la ville traditionnelle, se base essentiellement sur la religion musulmane qui tourne autour de trois objectifs : l'indispensable(habitat), le nécessaire(équipement et ameublement) et le complémentaire (l’esthétique). L'urbanisme, qui accompagne le processus de construction des villes, selon une conception « arabo-musulmane », a été conçu de façon à favoriser la tranquillité et l'équilibre social, éloigné de toutes formes de nuisances. L'urbanisme d’inspiration musulmane se base sur la solidarité sociale et le partage de l'espace. L'urbanisme occidental, quant à lui, a engendré l'anonymat, les cassures sociales et l'exclusion et souhaite retrouver la solidarité perdue. Le protectorat français, imposé au Maroc à partir de 1912, va introduire l'urbanisme occidental tel qu'il existait en Europe au début du XXéme siècle et notamment en France. Cet urbanisme « importé »sera la figure moderne de l'urbanisme marocain qui va évoluer selon un mode de structuration fondée sur la rationalité normative et moderne. D’un urbanisme de type prévisionnel et Sécuritaire remontant aux premières années de l’indépendance, les besoins d’une planification prospective et de maîtrise des évolutions urbaines vont donner lieu à un urbanisme de type stratégique. L'urbanisme stratégique se base sur : • L'établissement d'un certain nombre de projets pour la ville ; • La recherche d'une cohérence entre ces projets au niveau de la conception et de l’exécution. Il s'agit de projets intégrés comprenant les études socio-économiques, le montage technico-financier, en somme des projets structurants visant un développement harmonieux et équilibré des territoires et assurant une large participation à la gestion de leur cité. Ainsi, en synthétisant, on peut dire que, du fait de la colonisation, une partie de la ville au Maroc présentait une certaine harmonie entre la législation qui la régissait à l'époque et les réalisations urbanistiques et architecturales auxquelles elle a donné lieu. À cette époque, l'urbanisme était maîtrisable du fait de la disponibilité du foncier et de la faible poussée démographique. Après l'indépendance, l'urbanisme n’a pas suivi la législation qui le réglementait, et en l’absence d’un dispositif juridique opérationnel on a assisté progressivement à des déviations multiples ayant donné lieu à l’expansion de l’habitat insalubre, des bidonvilles et des structures anarchiques. L’urbain échappe de plus en plus au contrôle de l’Etat. Aujourd'hui, bien que la législation ait évolué, soit rénovée et réadaptée, cette harmonie n'est plus présente, car la pratique ne se conforme plus à la loi. C'est ainsi que des lotissements et des constructions ont vu le jour en infraction avec la réglementation ainsi que les plans d'urbanisme et les règles les plus élémentaires d'hygiène et de salubrité. À cet égard, la réglementation en matière d'urbanisme sera prisonnière de cette situation puisqu’elle n’aura pas pour objectif de planifier le développement futur des agglomérations, mais se contente de corriger, de rectifier et d’ajuster. L’Etat agit sous la pression des difficultés et des événements. En ce sens, l'étude du droit de l'urbanisme aura pour intérêt de confronter le texte juridique à la pratique urbanistique afin de dégager l'impact réel de la loi. L'impact du droit apparaîtra, à travers l’analyse des différentes lois d’urbanisme, afin de vérifier si les objectifs fixés ont été atteints. Le cadre juridique instauré par le Protectorat se caractérise par son accélération qui se traduit par le nombre de dahirs publiés dont le but était la gestion et la réglementation urbaine 1. Dahir du 16 avril 1914. Elle définit les modalités de mise en œuvre du plan de la ville ; • Elle définit les modalités de création par les particuliers de groupes d'habitations ; • Elle définit la réglementation de l'acte de bâtir. 2. Dahir du 23 novembre 1917 relatif aux associations syndicales de propriétaires urbains. Le but recherché par cette loi était de : • Soumettre à autorisation toutes constructions à l'intérieur des villes où des voies et places sont projetées. • Faciliter à l'administration coloniale l'acquisition de terrains et d'immeubles pour réaliser ses projets. 3. Loi du 27 janvier 1931 autorisant l'établissement de Plans d'aménagement pour les centres et les banlieues des villes Le but recherché par cette loi était de soumettre toute construction, et tout lotissement réalisés dans la zone qui entoure les villes, érigées en municipalités et les centres délimités, aux dispositions du dahir de1914. Le rayon de la zone est fixé à 5 kilomètres. C'est ce qu'on qualifie de "PERIMETRE URBAIN". 4. Dahir du 14 juin 1933 relatif aux lotissements Cette loi visait deux objectifs : • Maîtriser la croissance de l'urbanisation en soumettant la création d'un lotissement, situé à l'intérieur du périmètre des villes, dans les banlieues, et dans les zones rurales, à une autorisation administrative ; • Soumettre les villes nouvellement créées, aux normes d'un urbanisme moderne inspiré de la réglementation en vigueur en Europe et notamment en France. 5. Dahir du 30 juillet 1952 relatif à l'urbanisme Le but recherché par cette loi était de remplacer le dahir de 1914, en reprenant et actualisant l'ensemble des règles posées depuis 40 ans de protectorat. Ce dahir ne remet pas en cause celui de 1914, mais le complète par des dispositions nouvelles comme l'élargissement du champ d'application à d'autres espaces (Les banlieues, Les zones périphériques, Les centres délimités, Les groupements d'urbanisme) 6. Dahir du 30 septembre 1953 relatif aux lotissements et morcellements Le but de cette loi était de définir juridiquement le lotissement et le morcellement, d’imposer le respect de cette réglementation pour les promoteurs et de mettre fin à la spéculation anarchique. Ce rythme accéléré ne sera pas soutenu après l’indépendance et la loi de 1952 restera pour de longues années encore, jusqu’en 1992, la référence de base. Certes, en 1960, les pouvoirs publics ont pris une loi, celle du 25 juin 1960 relative au développement des agglomérations rurales qui a complété les dispositions du dahir de 1952 en délimitant les agglomérations situées en dehors du périmètre urbain mais sans leur réserver une réglementation particulière. Les dispositions de ce dahir sont applicables dans les agglomérations rurales situées en dehors des périmètres définis par l’article 1 du dahir du 30 juillet 1952. Il peut être établi pour les agglomérations des plans dit « plans de développement» qui définissent les principales zones d’habitation et toutes les autres indications relatives au mode d’utilisation des sols. L’approbation du plan de développement pour une agglomération rurale rend le permis de construire obligatoire et soumet à une autorisation préalable le lotissement. Ce n’est qu’en 1992, c’est à dire 36 ans après l’indépendance, que le gouvernement votera deux lois pour adapter l’arsenal juridique à l’évolution et aux problèmes de l’urbanisation. - la loi du 17 juin 1992 relative aux lotissements morcelés et groupes d’habitations ; - la loi du 17 juin 1992 relative à l’urbanisme. Ces deux lois interviennent dans un contexte particulier marqué par l’extension des bidonvilles, l’émergence de nouvelles entités urbaines issues du découpage territorial, de la création des agences urbaines et des inspections régionales de l’urbanisme, et de manière générale l’anarchie qui caractérise l’urbanisme. Loi du 17 juin 1992 relative à l’urbanisme a pour objet de définir les différents documents d’urbanisme, les règlements de construction ainsi que d’instituer des sanctions pénales. Elle est composée de 93 articles et d’un décret d’application n°2-92-832 divisé en 43 articles explicitant le contenu de la loi. Le tout fournit une définition juridique des différents documents d’urbanisme( SDAU, PZ, PA, arrêtés d‘alignement, permis de construire) et réglemente la construction. Au lendemain de l’indépendance, le premier gouvernement du Maroc indépendant comprend en décembre 1955 un ministère de l’habitat. Mais au deuxième gouvernement, constitué moins d’une année plus tard, c’est une 11 «circonscription de l’Urbanisme et de l’Habitat», partie intégrante du ministère des travaux publics, qui sera en charge de l’urbanisme et de l’habitat. Ce n’est qu’en 1972 qu’elle sera érigée à nouveau en ministère. C’est alors que les questions d’urbanisme et d’habitat seront perçues, tantôt en liaison avec le Tourisme et l’Environnement, tantôt avec l’aménagement du Territoire, comme en témoigne la changeante appellation du ministère. L’urbanisme flottera ainsi longtemps avant d’être rattaché au ministère de l’intérieur, sous forme de direction, en 1986 et restera ainsi jusqu’à l’arrivée du gouvernement d’alternance en 1998. La répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées laisse apparaître l’existence de plusieurs organes qui interviennent de manière concomitante dans le domaine de la gestion urbaine. L’Etat monopolisant la production des normes et la planification urbaine, les collectivités locales s’occupent de l’opérationnel. Il est à relever que la confusion en matière de partage des responsabilités et le grand nombre d’intervenants constituent une entrave sérieuse à la mise en œuvre des plans d’urbanisme. À partir de 1998 avec le gouvernement dit d’«alternance », la vision intégrée des nouveaux responsables politiques fera de l’urbanisme, l’habitat, l’environnement et l’aménagement du territoire un seul et même département. Ces différents rattachements reflètent l’évolution des multiples visions qui sous-tendent la politique de l’urbanisme. Ainsi, d’une vision technique on est passé à une optique sécuritaire pour aboutir enfin à une vision intégrée. Une nouvelle mission multidimensionnelle, mais complémentaire, sera confiée au nouveau grand département chargé de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire, de l’environnement et de l’habitat, auquel on a enlevé le département de l’environnement, à la suite du remaniement ministériel de Septembre 2000. En effet, les quatre pôles de développement (aménagement, urbanisme, environnement et habitat) viennent d’être «réunifiés» depuis leur séparation en 1985. Cela ne signifie pas l’existence d’une vision unique et uniforme ; mais plutôt une vision plurielle. Il s’agit là d’un juste retour des choses, puisque les quatre paramètres constituent les «fondations» indissociables d’une stratégie à court, moyen et long terme. Cette approche nouvelle de gestion de l’urbanisme coïncide avec l’arrivée de l’ancienne opposition à la gestion des affaires publiques et est conçue selon une démarche pragmatique : procéder à un diagnostic de l’état des lieux et arrêter un plan d’action pour les 20 années à venir. Le diagnostic dégage les problèmes et les dysfonctionnements à partir desquels les pouvoirs publics expriment leur volonté de rapprocher, autant que possible, la vision de l’administration centrale du terrain, tout en évaluant l’ampleur des besoins. Ce qui dénote une volonté d’ouverture, de concertation, de participation et surtout de communication avec l’ensemble des acteurs qui interviennent dans les domaines concernés. En effet, la préoccupation d’instaurer une véritable communication (verticale, horizontale, descendante et ascendante) est seule apte à assouplir les méthodes de travail et d’exploiter les potentialités non négligeables en ressources humaines, en établissant une ambiance sereine basée sur la confiance et l’esprit d’équipe. A cet égard, la réunion des quatre pôles en un grand ministère, a «l’avantage de correspondre à la réalité du terrain et de répondre aux exigences de cohérence et d’efficacité que requiert l’action combinée des quatre départements». En effet, l’urbanisme et l’aménagement du territoire doivent fonctionner en étroite complémentarité. L’aménagement du territoire et l’environnement étant imbriqués, doivent être conçus de manière intégrée. Le ministère ayant pour objectif «d’assurer la cohérence du développement des établissements humains» dont le premier est le logement. La législation relative à l’urbanisme fait l’objet d’un projet de réforme élaboré depuis deux ans et qui est toujours à l’étude au niveau du gouvernement. Il s’agit du projet de loi qui unifie les deux lois en vigueur, relatives à l’urbanisme, aux lotissements, aux morcellements et groupes d’habitations. Ce projet qui porte le numéro 40-2000 est intitulé : «Projet de loi relative à la mise à niveau des établissements humains». Ce projet de loi est destiné à compléter et corriger les lois actuellement en vigueur datant de 1992. Il a, par conséquent, un rôle correctif et complémentaire par rapport aux textes qu'il est appelé à remplacer. Les concepteurs de ce texte (direction des affaires juridiques du Ministère de l'Urbanisme de l'Aménagement du Territoire et de l’Habitat) ont cherché à mettre en évidence les traits particuliers de notre culture. Les intentions (explicitées dans la note de présentation) sont orientées vers un développement durable, plutôt que vers la résolution de problématiques spécifiques et localisées dans le temps et l'espace. La problématique de l'environnement, la réduction des failles entre les strates de la société marocaine, les spécificités régionales ainsi que d'autres thèmes ne sont pas en reste, et ont été les soucis majeurs dans le texte de loi proposé. La nouvelle approche de cette loi est de faire participer activement les citoyens à l’aménagement et au développement de leur cité. Ce projet fait du bien-être des citoyens une priorité. Le projet de loi intègre une grande souplesse quant à son exécution et confère au citoyen des droits et des devoirs qui le rendent plus responsable et moins redevable vis à vis de l'administration, qui, de ce fait, pourra consacrer davantage de ressources à des problématiques d'ordre général. Le texte se présente sous forme d'une note de présentation de onze pages et d'environ cinquante pages portant la mention "DOCUMENT PROVISOIRE" sur chacune de ces pages. Les nouveaux apports de ce projet de loi se résument en une refonte de la planification urbaine. Ainsi, le projet de loi prévoit de nouveaux plans d’urbanisme, réglemente les autorisations d’urbanisme ainsi que les opérations d’aménagement. La gestion de l’urbanisation au Maroc est devenue au cours de ces dernières années la préoccupation majeure des pouvoirs publics. Les campagnes se vident, des villes entières émergent ici et là donnant l’impression d’une incapacité de l’Etat à exercer une réelle maîtrise de l ‘évolution urbaine faute d’infrastructures de base, des équipements collectifs et, dans l’ensemble, des éléments structurants pour une ville répondant aux critères de qualité, de bonne organisation et de bien-être. L’urbanisation massive du pays n’a pas, par ailleurs, rencontré les structures institutionnelles capables de la maîtriser. La décentralisation amorcée par la charte communale de 1976, qui délègue aux élus des communes urbaines la charge de la gestion urbaine, se trouve dans les faits limitée par « centralisme excessif » des appareils de l’Etat et par le poids de la tutelle. Il faut aussi mentionner le fait que l’absence d’une formation des élus aux techniques de la gestion urbaine explique en grande partie leur incapacité à maîtriser l’évolution urbaine, et par voie de conséquence, l’espace urbain est confisqué par les spéculateurs et les lobbies. De même le découpage communal observé ces dernières années, d’abord à Casablanca puis étendu aux autres villes du Maroc, etla création d’agences urbaines sur lesquelles les élus n’ont aucune prise, vont dans le sens d’une réduction des prérogatives des élus locaux. Le droit de l’urbanisme conforte la position de l’Etat et concentre les pouvoirs de décision entre les mains de ses appareils. Cette bureaucratisation de la gestion urbaine sera marquée par la lenteur des études et des procédures d’homologation des plans d’aménagements ainsi que l’absence de moyens financiers les accompagnants. Ainsi, l’urbanisation échappe totalement aux élus locaux. De cette situation découle une urbanisation à deux facettes. La première est caractéristique des centres villes et des quartiers réglementaires principalement occupée par les couches moyennes et aisées qui bénéficient d’un taux d’équipement raisonnable. Le deuxième est caractéristique des quartiers d’habitat populaire, regroupant les médinas sur-densifiées et les extensions dites périphériques et clandestines, où les problèmes de viabilisation et d’équipements sont d’une extrême gravité. Les problèmes engendrés par l’urbanisation incontrôlée et anarchique sont multiples et peuvent être, à moyen terme, une menace réelle pour la cohésion nationale. Il y a certes un problème de droit qu’il faut adopter et faire respecter, mais il est nécessaire aussi d’apporter des réponses concrètes et durables aux problèmes de la croissance démographique, de l’exode rural, du logement, des moyens humains et financiers, du dispositif institutionnel et l’évaluation du rôle des acteurs et des opérateurs. Vaste programme. Mais c’est l’avenir du Maroc qui en dépendra. La cohésion sociale passe par la cohésion urbaine.
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