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Villes africaines

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Direction de la documentation Française, (Juin 2000)

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  • @chaymae

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  • @ronanjacquin
    @ronanjacquin 10 years ago
    Ronan Jacquin – Note de lecture Roland Pourtier, Villes africaines, Paris, La documentation française, 1999 Introduction L'Afrique s'urbanise à une vitesse folle après une longue période de population uniquement rurale. Jamais des taux de croissance urbaine aussi élevés n’ont été enregistrés au niveau d’un continent et sur une aussi longue période. La moitié du Maghreb, le tiers de l’Afrique subsaharienne vivent en ville, et l'augmentation depuis plus de 50 ans a été immense puisqu'en 1940 à peine 10% des Africains étaient citadins, alors qu’aujourd’hui, ils sont 40 % de population urbaine. Cependant les différences, comme le montre Roland Pourtier, sont très différentes à l'intérieur du continent. En effet, les villes du Maghreb sont la plupart du temps très anciennes, alors que l’Afrique noire, à quelques exceptions près, ne compte que des villes récentes (à peine un siècle). En 1950, aucune n’atteignait le million d’habitant : les agglomérations millionnaires étaient 30 en 1999 et leur nombre devrait doubler d’ici 2020. Roland Pourtier est un géographe français, ancien élève de l'ENS et spécialiste de l'Afrique. Il a longtemps enseigné au Gabon, pays dont il est spécialiste et ses recherches portent principalement sur l’Afrique centrale, le bassin du Congo, la région des Grands Lacs et sur les questions d'instabilité politique, de violence, de crises et de mutations en cours dans ces espaces. L'idée de ce livre est ainsi de dresser un panorama complet quoique simplifié du fait urbain en Afrique. L'ouvrage commence par une analyse au niveau macroscopique où seront ainsi mis en avant les spécificités de l'urbanisation africaine propres au continent, ainsi qu'une typologie des différents modèles d'urbanisation à travers l'Afrique. Vient ensuite une analyse microscopique ; à l'intérieur de la ville où les caractéristiques, potentialités et défis de la ville africaine sont identifiés et étudiés. Développement 1. Les caractères spécifiques de l'urbanisation africaine Dans cette partie, Roland Pourtier dresse un rapide historique de l'urbanisation africaine qui est aussi l'occasion de mettre en exergue les spécificités de ce développement par rapport aux autres continents. L'urbanisation africaine démarre massivement après 1945. Le continent africain entre alors dans une période de croissance démographique rendu possible par les progrès de la médecine et de meilleure conditions sanitaires. Commence alors un exode rural massif, encore accentué par le phénomène de décolonisation qui ouvre le champ des possibles, et en priorité les capitales, plus modernes et symbole de fierté nationale, et lieux de concentration de ressources de l’Etat. Ce fut le cas à Kinshasa par exemple, création coloniale destinée à séparer les Blancs des Noirs. La fin de la colonisation débouche sur un développement archaïque de la ville. L’urbanisation concernait principalement au départ des pays pétroliers, pays peu peuplés avec cependant une rente pétrolière énorme qui a engendré une une urbanisation tout aussi forte : Libye (85%), Gabon (73%), Congo-Brazzaville (60%), alors que dans d'autres pays comme le Rwanda ou le Burundi, les taux de population urbaine ne dépasse jamais 6 à 8%. Cependant les taux d'urbanisation ont nettement chuté depuis une dizaine d’années, conséquence notamment du sous-développement durable de l'Afrique subsaharienne. Ce premier chapitre est pertinent dans la mesure où il permet de montrer à quel point l'urbanisation africaine est un phénomène à part dans l'histoire mondiale de l'urbanisme. En effet, l'urbanisation africaine est intimement lié, comme jamais vu ailleurs, à l'histoire de la colonisation de l'Afrique. Ainsi, Maghreb mis à part (et encore), l'urbanisation est le fruit de la colonisation et comme le montre finement l'auteur, l'état actuel et toutes les problématiques des villes africaines découlent donc, de façon directe ou indirecte, de cette colonisation qui a façonné des modèles spécifiques de villes, modèles analysés dans la seconde partie. 2. Origines et héritages : trois générations urbaines L'histoire de l'urbanisation africaine démarre avec au Mahgreb. Dès l'Antiquité, des cités impériales sont construites et se développent, comme à Carthage par exemple, cité impériale devenue par la suite banlieue de Tunis.On notera que l’urbanisation nord-africaine est très marquée par la culture urbaine arabe. Comme l'explique Roland Pourtier, le modèle de la médina, avec son enceinte fortifiée, a été repris. Fait marquant, elles sont restées relativement à l'écart du modèle de ville européen ou nord-américain principalement grâce à son organisation qui empêche le développement de la circulation de voiture. On retrouve cette configuration à Alger par exemple : la ville se caractérise pas des rues étroites, avec beaucoup de changements de direction. Cependant la colonisation française a laissé des traces : les quartiers ont été organisés pour favoriser la ségrégation sociale. Roland Pourtier pointe également du doigt, à juste titre, l'influence de la colonisation sur la paupérisation de ces villes qui a mécaniquement menée à l'apparition de plusieurs bidonvilles de grandes importances. L'autre grand pôle de l'urbanisation africaine concerne l’Afrique du Sud. Le processus d’urbanisation est relativement ancien, le rôle de l’industrie et surtout de la période d'apartheid sont très importants car il s’y est développé un modèle de ville fondé sur la ségrégation raciale.l’Afrique du Sud a été une colonie de peuplement, ce qui signifie que les villes y furent créées par ou pour les blancs. Ce modèle sera instauré notamment à Cape Town où les noirs, acceptés car représentant une main d’œuvre idéale, était installé dans des townships, à l'écart des quartiers de blancs, protégés par des zones-tampon. C'est également le cas à Johannesburg où se situe le plus grand township d'Afrique (1 à 3 millions d'habitants). Étonnement, L’abolition de l’apartheid en 1994 n’a pas donné lieu à des dans la géographie urbaine. La ségrégation a même tendance à empirer dans les quartiers centraux de Johannesburg. Enfin ce fut au tour de l'Afrique subsaharienne de s'urbaniser, mais de manière « exogène », c'est à dire qu'elles sont le fruit de la colonisation. Seules certaines villes érigées avant la colonisation, il s’agit des villes du Sahel (comme Tombouctou ou Gao) ou de la région swahili (Zanzbar par exemple). Pour la grande majorité des villes nées de la colonisation, elle avait une double fonction : contrôle politico-administratif du territoire par les colons, et extraction des matières premières et du sous-sol à destination des métropoles. C'est pourquoi elles sont bien souvent situées en bord de mer, comme Dakar, Lagos, Dar-es-Salaam, Conakry, Libreville, Abidjan. Après l'indépendance, la tendance sera au recentrage des capitales à l'intérieur des terres, souvent au centre géographique du pays, comme Yamoussoukro (Côte d’Ivoire), Abuja (Nigeria), ou encore Dodoma (Tanzanie). Le fait qu'elles furent des villes coloniales donnent lieu à une absence de centre-ville historique. Cependant, elles se différencient également des villes sud-africaines par l'absence de système de ségrégations socio-spatiales, car ces villes ne se situaient pas dans des colonies de peuplement. Ce deuxième chapitre a la caractéristique de posséder les défauts de ses qualités. Par la schématisation de trois modèles urbains en Afrique, il permet d'identifier de façon claire les caractéristiques de chacun de ces modèles et de cerner avec précision les enjeux et défis qui découlent de ces modèles et de la façon dont ils ont été conçus. Cependant, cette schématisation produit également un effet de simplification puisque l'impression est donnée que la totalité du fait urbain en Afrique s'articule autour de ces trois modèles qui ne peuvent pourtant bien évidemment être que des abstractions, des idéaux crées à partir d'une réalité éminemment plus complexe et différent selon chaque cas. Enfin, cette classification des modèles urbains a également pour inconvénient de « figer » en quelque sorte les villes africaines, en passant sous silence les transformations perpétuelles que subissent les villes d'Afrique, transformations qui tendent à éloigner toujours un peu plus les villes des modèles censés les décrire et à distinguer les villes entre elles. 3. La condition citadine en Afrique subsaharienne Dans cette partie, Roland Pourtier s'intéresse désormais à l'intérieur des villes d'Afrique subsaharienne et divise son analyse en deux thèmes : l'habitat et le travail. L'Afrique subsaharienne se caractérise par sa préférence pour les habitats individuels en dur, ce qui donne lieux à un étalement gigantesque des villes, ce qui donne lieu à une faible densité de bidonvilles, exceptions faites de certaines métropoles. L'autre caractéristique est la situation très particulière du droit foncier dans ces pays. Malgré la mise en place d'un droit foncier stricte et de cadastres par les autorités coloniales, le développement sauvage des constructions et la faible emprise de la municipalité sur sont territoire ont menés à des situations de libre appropriation des terres, généralement administrées par un droit coutumier qui n'a rien de légal par rapport aux institutions officielles en place. Cette partie de l'ouvrage met en lumière un aspect méconnu de l'urbanisation africaine qui concerne le rapport de cette urbanisation à première vue assez sauvage à la législation urbaine et au domaine du droit foncier. En effet, dans la mesure où l'urbanisation en Afrique se distingue des autres continents pas une vitesse frénétique ainsi qu'une incohérence liée à l'absence de planification urbaine, se pose dès lors le problème de la réglementation de ce développement urbain. C'est donc sans surprise que l'on apprend que cette réglementation est assez difficile pour plusieurs raisons : faiblesse des pouvoirs municipaux, analphabétisme récurrent de la population, coutumes juridiques inadéquate avec le droit foncier imposé par le colon, etc... La deuxième partie du chapitre se concentre sur l'emploi dans ces villes d'Afrique subsaharienne. La aussi c'est l'occasion de pointer du doigt les problèmes ayant cours à l'intérieur de ces villes, et ici celui du chômage. Si la hausse de la population se fait à une vitesse considérable, le nombre d'emplois disponible quant à lui ne suit pas ; pire, il a tendance à décliner. Étonnement, malgré une main d’œuvre productive potentiellement énorme et un réservoir tout aussi grand de matières premières, le secteur industriel peine à s'installer. Et là où il s'est installé, il a tendance à décliner. C'est également l'occasion de rappeler et de mettre des chiffres précis sur deux phénomènes très importants et qui s'entrecroisent : le fort taux de chômage ainsi que l'importance de l'économie informelle. Il serait aisé de considérer cette partie comme un simple rappel des principaux maux socio-économiques qui touchent les villes d'Afrique subsaharienne, cependant, force est de reconnaître que cela permet d'éclairer de façon pertinente les incohérences qui touchent le développement urbain. Il est en effet difficile au premier abord de comprendre pourquoi il est si difficile de mettre en place un développement urbain cohérent et viable, comme cela est (plus facilement) le cas sur les autres continents. L'introduction de ces paramètres sociaux et économiques montrent à quel point le développement des villes est lié à la la situation de ses habitants et à l'activité qui s'y développe. 4. La grande ville : un milieu difficile à maîtriser et en ébullition Les trois premières parties de ce dernier chapitre concernent les difficultés « quotidiennes » qui se développent dans ces villes. On y apprend ainsi que l'accès à l'eau potable est difficile, que les carences au niveau de la santé publique mènent à un développement spectaculaire de maladies graves, en premier lieu le sida, que l'absence quasi-systématique de transports publics mènent à de profondes inégalités entre riches et pauvre et que le développement non-régulé des villes couplé au phénomène du chômage voire à celui de tensions raciales ou ethniques favorisent l'apparition de la violence. On a donc ici une énumération juste et exhaustive des carences des villes africaines, même si on regrettera que l'auteur se limite ici à l'analyse sans proposer de piste de réflexions pour agir sur ces carences, ou de nuancer son propos en mentionnant les efforts entrepris, les progrès réalisés ou les exceptions notables. A l'inverse, la quatrième partie est d'une justesse rare, mettant l'accent, dans une perspective plus sociologique, sur la ville comme nouveau lieu d'échange, de partage, de rencontres, et ainsi de socialisation, ce qui favorise l'émergence d'une nouvelle culture. L'auteur montre ainsi comment la ville, désormais reprise par les habitants à leur compte, fait entre les populations dans une certaine modernité, dans une globalisation qui permet la connexion avec le reste du monde, d'autant plus que l'accès à l'éducation se trouve beaucoup plus développé, et qui favorise la construction d'un tissu social nouveau. Conclusion Ce livre constitue donc un panorama complet et détaillé du fait urbain en Afrique. L'auteur ne soutient par conséquent peu de thèses issues d'une prise de position tranchée, bien qu'il fasse le choix parfois réducteur de schématiser l'urbanisation en rangeant chaque cas dans telle ou telle catégorie, ce qui demeure malgré tout utile pour la compréhension. On regrettera cependant que Roland Pourtier ne donne pas plus de pistes de réflexion sur le futur du développement urbain de l'Afrique, ainsi que quelques suggestions qui permettrait l'amélioration de ce développement.
  • @chaymae
    11 years ago (last updated 11 years ago)
    Roland Pourtier est un géographe français né en 1940. Ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, il est actuellement professeur émérite à l'Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre de l'UMR Prodig (CNRS, Universités de Paris 1, Paris 4 et Paris 7) dont il a exercé la vice-présidence entre 1998 et 2004. Jusqu'en 2008, il a enseigné la géographie tropicale, la géographie de l'Afrique et la géographie du développement à l'Institut de géographie de Paris et à l'Institut français de géopolitique. Ses recherches portent principalement sur l’Afrique centrale, le bassin du Congo, la région des Grands Lacs et sur les questions d'instabilité politique, de violence, de crises et de mutations en cours dans ces espaces. Ses publications principales portent toutes sur l’Afrique (en globalité, ou un cas précis). Exemple : Le Gabon , Atlas de la zone franc en Afrique subsaharienne ou encore Politiques et dynamiques territoriales dans les pays du Sud. Villes Africaines a été ainsi publié en l’an 2000, avec une documentation photographique. Tout en faisant à la grande ville la place essentielle qui lui revient, ce livre prend en compte l'ensemble du fait urbain et son évolution récente. Une trentaine de villes dépassait le million d'habitants en 1995 contre trois seulement en 1960. Cette urbanisation a l'échelle du continent, accélérée et tardive, a aussi profité aux villes secondaires et dans certaines zones apparaissent des réseaux assez structures, bien lisibles sur les cartes régionales. Par ailleurs dans le livre, un éventail de paysages urbains suffisant a été sélectionné pour permettre d'analyser différents modèles de villes, selon l'histoire et les modalités de leur développement, différents types de quartiers, du centre d'affaire ultramoderne aux quartiers populaires auto construits ou précaires, différents types d'activités, classiques ou informelles. Partout, la crise urbaine est une évidence. D'autres réalités valaient également qu'on y insiste, comme les efforts d'équipement, d'organisation, d'assainissement entrepris ou réalises ca et la, la question foncière, ou le développement dans les villes d'une culture originale, éloignée des folklores ruraux et dont le rayonnement dépasse les limites du continent. Ce livre traite de quatre thèmes : I. Les caractères spécifiques de l'urbanisation africaine II. Origines et héritages : trois générations urbaines III. La condition citadine en Afrique subsaharienne IV. La grande ville : un milieu difficile à maîtriser et en ébullition Roland Pourtier commence par décrire des caractères spécifiques de l’urbanisation africaine. Urbanisation d’autant plus spectaculaire que son déclenchement a été tardif. Tout à fait comme si le continent cherchait à combler son retard historique à partir de 1945, date du véritable début de l’explosion urbaine. Le continent africain entre alors dans une période de formidable croissance démographique, grâce notamment au progrès de l’encadrement médical. Les campagnes alimentent un exode rural massif. L’attraction des grandes villes est de plus en plus forte. Certaines villes comme Kinshasa ou Abidjan ont connu des périodes de croissance annuelle de 10% et plus. Taux vertigineux permettant de mesurer l’ampleur de la révolution qui s’est emparée de l’Afrique contemporaine. Comme le dit Roland Pourtier : « C’est dire si le facteur temps joue un rôle décisif dans cette urbanisation échevelée : tout est allé très vite, aussi bien les mutations sociales induites par le développement des villes, que l’occupation mi-contrôlée, mi-anarchique, de l’espace urbanisé. » Par ailleurs, les villes africaines présentent des contrastes spatiaux remarquables. Par rapport à l’urbanisation mondiale, les spécificités africaines tiennent à la combinaison de quelques facteurs : croissance exceptionnelle à partir d’un schéma colonial, fortes tendances ségrégationnistes dans l’affectation de l’espace. Les villes africaines portent l’empreinte, plus ou moins prégnante aujourd’hui mais toujours perceptible, de la colonisation. En effet, la plupart des villes en Afrique noir sont des créations coloniales, initialement pensées sur un modèle ségrégatif séparant les blancs des indigènes. A l’opposition blancs/noirs s’est succédé l’opposition riches/pauvres. Ce qui fait des villes africaines, comme le décrit bien le livre, des lieux de formidables contrastes. Au delà de ces aspects généraux, les Afriques présentent une palette assez large de types d’urbanisation. Les pourcentages de population citadine varient beaucoup d’un pays à un autre. Aujourd’hui, on observe un fléchissement des taux d’accroissement annuel. Les valeurs de 10% correspondent à un passé révolu. Signe de « crise urbaine » ce ralentissement de croissance constitue un des symptômes de la crise globale qui affecte une afrique subsaharienne engluée dans un sous-développement tenace. En parlant des origines et héritages, Roland Pourtier distingue trois catégories africaines urbaines différentes : Les villes arabo-musulmanes du Maghreb, Les villes sud-africaines, Les villes d'Afrique intertropicale. En effet, les caractères morphogénétiques différents de ces villes permet de les classer en trois générations. Du Caire aux cités impériales du Maroc, les villes du Maghreb baignent dans l’histoire. L’urbanisation nord-africaine est très marquée par la culture urbaine arabe. Avec la colonisation française au Maghreb et l’influence anglaise en Egypte, une nouvelle et puissante vague d’urbanisation s’est superposée aux héritages arabes et turcs. La ville ‘moderne’ planifiée selon les normes d’un urbanisme géométrique, s’est développée à l’extérieur des médinas fossilisées dans l’étroitesse de leurs remparts. L’extension de l’espace bâti a rendu la structure urbaine sans cesse plus complexe, la physionomie des nouveaux quartiers composant un paysage social contrasté. Entre les îlots de richesse et les plages de pauvreté, les classes moyennes élargissent leurs territoires. On observe un éclatement multipolaire du tissu urbain, comme dans le cas du Grand Caire où les nouvelles formes d’urbanisation comprennent lotissements planifiés et villes satellites d’une part, zones d’habitat spontané d’autre part. L’afrique du sud tient , d’après Roland Pourtier, une place à part dans le panorama des villes africaines. Le processus d’urbanisation est relativement ancien, le rôle de l’industrie important et surtout : le modèle de la ville est fondé sur la ségrégation raciale. A la différence de l’Afrique tropicale, l’Afrique du Sud a été une colonie de peuplement, les villes y furent crées par et pour les blancs. Plus que partout ailleurs sur le continent, l’industrie a fait l’essor des villes. La découverte de l’or en Johannesburg a signé la naissance de plusieurs villes par exemple. Une des grandes spécificités de l’Afrique subsaharienne réside dans l’origine exogène de l’urbanisation. Selon Roland Pourtier : « L’urbanisation de l’Afrique intertropicale est à la fois récente et fille de la colonisation ». La majorité des villes d’Afrique intertropicale sont nées de la colonisation. Elles ont été crées pour répondre à une double fonction : contrôle politico-administratif du territoire, drainage des produits du sol et du sous-sol vers les métropoles. Parmi les villes antérieures à l’arrivée des européens, beaucoup sont nées du contact Afrique noire et monde arabe. Toutes furent des avant-postes d’un islam véhiculé par le commerce. Roland Pourtier traite ensuite la condition citadine en Afrique subsaharienne. Il parle de l’habitat et du travail. En ce qui concerne la question foncière, Roland dit : « La question foncière urbaine se pose dans des termes très particuliers, car les droits africains traditionnels ne reconnaissent pas la notion d’appropriation privée. La création des villes s’est donc accompagnée de la création des droits fonciers ». Ainsi une double voie d’acquisition foncière est à l’origine de la distinction qui est souvent faire entre ‘ville légale’ et ‘ville illégale’. Cette dernière étant généralement la plus étendue. Le processus de construction est spécial : le propriétaire de la parcelle est son propre promoteur, il participe lui-même à la construction. Il y a donc peu de fantaisie dans le bâti. La qualité des matériaux établit différentes catégories de l’habitat : précaire, semi-dur et dur. Si le modèle de ville illégale est très répandu, c’est que le parc public n’a de toute façon jamais couvert qu’une faible partie des besoins en logement. Néanmoins, l’urbanisme est de plus en plus planifié et les lotissements illégaux sont en voie de réhabilitation. Le rythme exceptionnel de la croissance démographique des villes africaines surprend d’autant plus qu’il ne s’est accompagné d’un développement en proportion des activités productives. En revanche, les stratégies industrielles ont souvent été dictées par des présupposés idéologiques que par la rationalité économique. Quelques industries (plutôt simplistes) se distinguent : la brasserie, le textile ou l’agro-alimentaire. Roland Pourtier dit : « On n’ose plus qualifier Les échanges en ‘contrebande’ d’illicites ou de clandestins tant ils sont devenus la règle ». En effet l’informel a pris une grande importance à la mesure de la crise urbaine. Il constitue plus un pis-aller qu’une voie de développement. En fin, Roland Pourtier traite le cas de la grande ville en tant que milieu difficile à maîtriser. Il décrit le sous-équipement des quartiers pauvres : « rues défoncées, absence ou insuffisance d’adduction d’eau ou d’évacuation des eaux usées, distribution d’électricité ou de téléphone ». De plus, une nouvelle calamité frappe en Afrique orientale : le sida. Comme dans l’ensemble des métropoles du tiers monde, le récent développement de l’automobile dans les grandes villes d’Afrique rend la circulation de plus en plus chaotique. Elles ont toutes de gros problèmes de transport en commun. Seul le Caire dispose d’un métro. Le besoin de la population n’est pas satisfait. Pour conclure, il est nécessaire de rappeler que quoique longtemps considérée comme essentiellement rurale, l’Afrique s’urbanise à un rythme exceptionnellement rapide. Jamais dans l’histoire de l’humanité, des taux de croissance aussi forts n’ont été enregistrés à l’échelle d’un continent et sur une aussi longue durée. Aujourd’hui, la moitié de la population du Maghreb et le tiers de la population d’Afrique subsaharienne vivent désormais en ville. C’est à la fois peu et beaucoup selon Roland Pourtier. Peu en comparaison de l’Europe occidentale ou de l’Amérique du Nord. Beaucoup si l’on considère qu’en 1940, à peine 10% des Africains étaient citadins. Le long du livre, Roland Pourtier analyse les caractères de différentes régions d’Afrique, il n’omet pas de distinguer des catégories ou des générations quand les différences établissent des écarts non négligeables. Il n’a également pas omis le creuset culturel urbain en Afrique. En effet, la réalité de la crise urbaine ne saurait faire oublier une autre réalité, plus profonde et durable : l’émergence en ville, principalement dans les villes capitales, d’un nouveau culte. Ces processus revêtent une importance particulière en Afrique noire, le Maghreb étant depuis des temps immémoriaux imprégné de culture urbaine. Chaque ville a ses lieux forts de socialisation, ses marchés et ses lieux de cultes. Au bout du compte, les villes agissent comme de formidables transformateurs. Les citadins se sont approprié leur cadre de vie dont l’origine généralement exogène est aujourd’hui oubliée. La plupart d’entre eux, désormais natifs de la ville, se sentent plus proches d’une culture mondiale urbaine que d’une brousse dont ils n’ont plus, bien souvent, qu’une vision folklorique. Quel que soit leur statut social, tous participent à l’émergence de cultures nouvelles qui constituent le socle de l’Afrique de demain. L’analyse apportée par ce livre se présente d’une manière simple et claire. Elle peut être complétée par le livre « L’Afrique des citadins » de François Leimdorfer et Alain Marie.
  • @aspioxiana
    11 years ago (last updated 11 years ago)
    Après deux livres sur le Gabon et un Atlas de la zone franc en Afrique subsaharienne, Roland pourtier écrit le livre Villes africaines publié en 2000. Roland Pourtier, son auteur, géographe français, professeur émérite de géographie tropicale à l'université de Paris I est aussi consultant à l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique). Il est né en 1940 et vient à la géographie par le scoutisme et par les nombreux voyages en Sicile, en Grèce, en Israël, en Palestine qu'il accomplit durant sa jeunesse. Il passe par les classes préparatoires du lycée Henri IV et a étudié à l'école normale supérieure de Saint-Cloud. Ce sera à Munich qu'il passera sa maîtrise. Roland Pourtier a ensuite soutenu son doctorat en Lettres et sciences humaine sur Le Gabon, organisation de l'espace et formation de l'état. Il a travaillé à l'université du Gabon et à Elf Gabon. Il a aussi enseigné la géographie tropicale, la géographie de l'Afrique et la géographie du développement à l'institut de géographie de Paris et à l'institut français de géopolitique. Ses activités de recherche au CNRS à l'UMR PRODIG portent en majorité sur l'Afrique centrale. L'ouvrage Villes africaines traite de l'urbanisation dans les villes africaines, de la spécificité de l'urbanisation africaine. L'auteur parle des villes africaines et pas de la ville africaine. Celles-ci sont hétérogènes aussi bien de par leurs origines que par leur héritage. Les différents modèles de villes sont analysées. Il aborde la croissance dans les villes historiques, pré-coloniales, d'Afrique du nord ou d'Afrique subsaharienne témoins d'une existence d'une urbanité africaine avant le début de la colonisation. Cette période coloniale a vu la construction de villes coloniales à l'urbanisation plus planifiée. Puis enfin, les nouvelles générations de villes post-coloniales complètent l'éventail de ces villes africaines. L'urbanisation récente est le fruit d'un important accroissement démographique et de l'exode rural. L'auteur s'intéresse ensuite aux activités urbaines dans ces villes africaines en tenant toujours compte de leurs hétérogénéités. Le marché qui est un haut lieu africain de rencontre, l'industrie urbaine mais aussi le commerce et l'artisanat informels. La ville africaine au quotidien est abordé par le foncier, la pauvreté par les bidonvilles, l'eau et la santé mais aussi l'automobile et les guerres urbaines. La ville est enfin abordée comme lieu d'échanges et de cultures. Roland Pourtier fait la dichotomie entre les villes anciennes d'Afrique qui ont été créées avant la période coloniale et les villes plus modernes nées de la rencontre de la civilisation africaine avec d'autres civilisations notamment par la colonisation. Les villes d'origine pré-coloniale Ces villes d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne montre une existence de l'urbain avant l'arrivée des colons européens en Afrique. Il y a d'une part les villes d'Afrique du nord. L'auteur prend l'exemple de Sousse en Tunisie où la médina historique reste un endroit où l'automobile n'a pas accès. L'autre exemple nord-africain est la plus grande ville d'Afrique: Le Caire où la croissance explosive mal gérée par les plans d'urbanisme menace le patrimoine. Les pyramides d'une part sont menacés par un projet d'axe routier et des terres agricoles millénaires enrichies par le Nil sont elles menacées par l'expansion urbaine. Au sud du Sahara, au Sahel, il y a la cité de Djenné qui est héritière dans ces constructions, de l'islam africain venu du nord avec sa mosquée, sa médina. La ville africaine subsaharienne qui a été au contact des arabes a donc été influencé dans son architecture par l'islam par le désert comme au Sahel ou par l'océan Indien comme dans le sud-est de l'Afrique. Ibadan au Nigeria est un autre exemple de ville africaine. Longtemps la ville la plus peuplée au sud du Sahara. Elle fait partie des villes bâties par l'ethnie yoruba qui ont de singulier d'être authentiquement africaines. Poutier montre que l'histoire et les vagues de colonisation influencent la construction d'une ville. Dans le cas de l'Afrique, l'islam a influencé par les médina notamment les constructions de la ville. Les populations africaines ont aussi créé leur propres cités authentiques avec leur propres spécificités. Les villes africaines ont une histoire, une mémoire qui doit être pris en compte lors de la construction du territoire. Les villes modernes Les villes modernes d'Afrique telle que Nairobi basées sur un modèle international ont peu d'influence africaine dans leur architecture. Ces villes ont été créées par la colonisation. Ce qui a pour conséquence que la population locale ne s'en est pas encore accaparée. Pour Pourtier, la mondialisation des formes de constructions ne laissent pas apparaître dans la forme la culture des populations africaines lesquelles n'apparaissent que par les pratiques sociales. Deux façons de penser s'offrent aux africains dans la constructions de leur territoire. La première est que l'espace africain doit être un espace où les pratiques sociales façonnent le territoire. La deuxième est que l'espace façonne les pratiques sociales. L'Afrique se doit de trouver sa propre façon de s'accaparer, de s'attribuer la ville. Les constructions doivent correspondre aux pratiques sociales de la population locale plutôt que d'être sacrifié sur l'autel de la modernité banale, de la mondialisation qui homogénéise les constructions mondiales qui ne correspondent finalement pas à une population qui doit s'adapter à une ville qui ne lui ressemble pas. Le foncier immobilier En Afrique se pose aussi la question du statut juridique du sol. Dans le même espace urbain, coexistent en Afrique des droits coutumiers et une législation qui a une origine coloniale. Il est possible d'acquérir du foncier de deux façons, soit par la filière étatique soit par des promoteurs financiers privés. Cependant, des transactions sont effectués à côté des procédures légales pour obtenir un titre foncier ou un permis d'enregistrer au cadastre. Ainsi, certaines parcelles sont vendus à plusieurs acheteurs. La ville, lieu d'échange et de culture Les urbains, natifs de la ville africaine ont une identité plus proches d'une culture mondiale urbaine que d'une culture rural africaine. Pour Pourtier, la base de l'Afrique de demain sera fait de l'émergence de ces nouvelles cultures. C'est le cas notamment de la création musicale dans les villes d'Afrique de l'ouest. Les nouvelles musiques africaines sont en lien avec l'urbanité. En conclusion, l'Afrique est une aire hétérogène. L'urbain en Afrique l'est aussi, d'un point de vue historique et d'un point de vue culturel. La prise en compte de cette histoire doit être importante pour la construction urbaine. Roland Pourtier le montre très bien au travers de son étude des différents modèles de villes africaines. L'Afrique a également ses propres spécificités culturelles et ses propres pratiques sociales. Ces deux éléments doivent aussi être pris en compte lors de la construction de l'espace urbain. L'habitat traditionnel africain prend en compte aussi la spécificité climatique. L'urbanisme africain moderne se doit d'être singulier par rapport aux pratiques mondialisées, simple transposition des pratiques occidentales sans prises en compte des éléments climatiques africains. La construction urbaine par la production foncière et immobilière, l'attribution de parcelles se heurte aussi aux pratiques pré-coloniales de gestion du sol des africains. Le foncier urbain africain dans les grandes villes est de plus en plus informel. L'exode rurale, la forte augmentation de la population sont aussi des facteurs aggravants. La prise en compte de ces différents facteurs et l'émergence d'une nouvelle culture urbaine africaine mondialisée constituent le socle de l'Afrique de demain.
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