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voyage en Afrique urbaine

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(2009)

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  • @fulcrand

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  • @soukeynak
    10 years ago
    Note de lecture : Voyage en Afrique urbaine, Urbanisation, Modernité et Société Recueil d’articles collectés par Pierre Gras Collection Carnets de villes L’intitulé de l’ouvrage « Voyage en Afrique urbaine », n’est pas sans rappeler la profession de l’homme qui en est à l’origine. Journaliste de profession, Pierre Gras s’intéresse particulièrement aux enjeux urbains, et entend donner une vision des villes d’Afrique qui soit la plus fidèle possible à la réalité. Il s’agit donc de dépasser la couverture médiatique qui réduit ce continent à des crises, des coups d’Etats, et dans le domaine urbain, aux bidonvilles. L’éclectisme de cet ouvrage qui réunit des articles d’auteurs différents et qui traitent de thèmes multiples permet de saisir quelques-uns des enjeux du développement urbain, dans une Afrique qui va devoir faire face à des défis nouveaux. En effet, la croissance démographique spectaculaire ainsi que l’exode rural accéléré se traduisent par une consommation exponentielle d’espace. En découlent naturellement des problématiques liées à la gestion du foncier, à l’accès à l’eau et à l’assainissement en général. Ces thèmes inévitables lorsque l’on s’intéresse au fait urbain en Afrique sont abordés par l’ouvrage, mais ce ne sont pas les seuls. Il s’agit aussi de questionner « l’urbanisation des mœurs », qui va de pair avec des problèmes sociétaux qu’il faut aussi pouvoir interroger pour comprendre la complexité du processus en cours. • Article de Christian SOZZI « Porto-Novo : en route vers un tourisme durable ? » Ce premier article entend poser la question de la transition économique du Bénin, et trouve son intérêt dans le fait qu’il questionne plus globalement la légitimé d’une politique touristique pour les villes d’Afrique. A trente-cinq kilomètres de Cotonou, se trouve Porto-Novo, qui est peu à peu gagnée par l’expansion urbaine. Cette ville a clairement fait le choix de la culture et du tourisme pour favoriser son dynamisme économique, et ainsi pallier à l’absence de pétrole et de gisements précieux. Elle bénéficie en effet d’un patrimoine culturel important, et le développement de la ville par le biais du tourisme devrait permettre à la ville de jouer son rôle intégrateur pour les populations. En périphérie de la ville, se développent l’habitant « en dur », et on a l’apparition d’une « campagne partiellement urbanisée ». C’est à cela qu’il faut pouvoir répondre pour les autorités publiques. Pour autant, la durabilité des processus de développement nécessite d’agir en profondeur, et non pas d’agir vite. D’autant plus que les projets touristiques lient toujours les politiques d’équipements et de service, les choix économiques, les stratégies de communication et de formation, ainsi que la prise en compte des paysages. Le tourisme « durable » est donc un véritable choix de développement. • Article de Nmadi ELEH « Quelle modernité pour l’architecture en Afrique ? » Cet article interroge le statut architectural des constructions qui sont actuellement dominantes en Afrique, et que l’on retrouve sous les termes de « baraquements », « bidonvilles », « ghettos », « cabanes »... Cette architecture des cités pauvres se situe généralement en dehors des canons modernes, et c’est pourquoi on peut se demander s’il existe aujourd’hui un concept « d’architecture africaine », qui engloberait aussi l’habitat traditionnels. L’un des principaux problèmes repose sans doute sur le fait que les structures internationales comme les acteurs du développement économique veuillent offrir une vision folklorisée du quotidien de l’Afrique. En diffusant des images d’un africanisme superficiel (huttes en latérite, toits faits de rafia…), ils empêchent l’architecture africaine de s’intégrer dans le mouvement moderne, la dualité entre le moderne et le traditionnel s’imposant comme s’il en était impossible autrement. De même, il existe une idée persistante que plus on s’éloignerait des milieux urbains centraux, plus on serait traditionnel. Pourtant, dans certains quartiers très reculés, il y a autant accès au téléphone portable qu’à des matériaux de construction complexe. Il convient donc de se défaire d’une vision traditionnaliste pour reconsidérer l’architecture des pauvres en Afrique. • Article de René NGANOU KOUTOUZI et Abdoulaye COUMARE « L’eau en milieu urbain : un défi durable » Dans la majorité des villes d’Afrique, la question de l’accès à l’eau potable est un véritable enjeu. Avec l’explosion urbaine à venir, celui-ci ne peut qu’aller en s’aggravant, d’autant plus que s’ajouteront dans le futur des problèmes liés aux activités humaines comme la pollution des eaux induite par le développement des activités domestiques. Le cliché traditionnel présente l’utilisation des berges comme comportement premier, mais il ne persiste plus guère qu’en milieu rural. En ville, les plus aisés bénéficient d’un réseau d’adduction qui fonctionne de façon plus ou moins efficace, mais les populations démunies sont nombreuses à utiliser des bornes fontaines. Dans les quartiers d’habitat spontané, l’évacuation des déchets liquides se fait par rejet direct dans la nappe phréatique, ce qui cause des problèmes de pollution à long terme. Il en résulte aussi une contamination des eaux à l’origine de malades telles que le choléra ou la typhoïde. Pour remédier à cela, de grands principes ont été énoncés dans le cadre de la Décennie internationale d’action 2005-2015 baptisée « L’eau source de vie ». Ceux-ci mettent l’accent sur l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Pour autant, le manque de volonté politique est encore criant : l’idée que « l’environnement est un luxe quand on n’arrive pas à assumer les besoins de première nécessité » est compréhensible, mais cela a pour conséquence une dégradation de la santé des populations. Devant de tels constats, il est nécessaire de mettre en place des structures à l’échelle nationale pour garantir l’indépendance de la politique de l’eau. De même, un renforcement des objectifs de qualité du traitement de l’eau est indispensable pour renverser la tendance actuelle. Enfin, il s’agit pour les habitants des villes de s’investir dans la gestion de la ressource, en construisant des latrines, balayant leurs déchets ... • Article de Bezounesh TAMRU « Insécurité foncière à Addis-Abeba » Avec la croissance des villes, le foncier traduit un enjeu urbain majeur en Ethiopie, et plus particulièrement à Addis-Abeba. La croissance démographique et le manque de logements ont créés une véritable tension foncière. Historiquement, le pouvoir central avait dans le pays une mainmise sur le foncier. Les villes ont été pendant longtemps des sites de résidences royales, et la propriété privée des sols fut donc un phénomène rare. La monarchie de Haylä-Selassé comme le pouvoir colonial y ont eu recourt en l’instrumentalisant, notamment à travers le clientélisme. La révolution éthiopienne qui débute en 1974 donne lieu à une nouvelle confiscation des terres puis à une redistribution foncière favorable aux citadins. Le problème se situe dans le fait que la superficie des terres vacances a été de plus en plus limitée dans la capitale, ce qui a donné lieu à des phénomènes d’appropriation illégale. En d’autres termes, la question de l’informalité devient un véritable défi auquel doivent répondre les pouvoirs publics aujourd’hui. Mais, sécuriser le foncier serait pour l’Etat la perte d’un puissant levier de contrôle social : la question foncière, de ce point de vue là, est aujourd’hui encore éminemment politique. • Article de Aurore MANSION « Nouakchott : le destin lié de la ville et des quartiers précaires » La multiplication des quartiers « illégaux » est symptomatique de l’incapacité des Etats à gérer la croissance urbaine et à proposer des réponses adaptées aux problèmes qu’elle induit. A Nouakchott, capitale de la Mauritanie, ces quartiers se sont constitués progressivement depuis les années 1970 suite à une violente sécheresse qui a forcé les populations rurales à chercher des conditions de vie meilleures en ville. Ils sont appelés kebbé, ce qui signifie « dépotoir » ou gazra (« usurpé »). Cela a posé la question de leur intégration dans la ville, et en 1990 le premier plan directeur de la ville entend restituer des zones de légalité en créant des axes routiers dans les quartiers informels. Cependant, il faut faire attention : l’anarchie de l’organisation de ceux-ci cache en réalité un réseau structuré de voies, qui a été mis en place par les usagers eux-mêmes. Dans le cadre de Projet de Développement Urbain (PDU) lancé en 2001, l’Etat mauritanien a bénéficié d’un budget de cent millions de dollars. Ce projet tend autant à la dynamisation économique de la ville qu’à l’amélioration des conditions de vie et de l’habitat dans les quartiers informels. La restructuration du kebbé le plus ancien de Nouakchott, El Mina, prévoyait l’ouverture et l’aménagement des rues, l’installation de services d’eau et d’électricité, ainsi que la régularisation foncière des habitants. De façon générale, elle a bénéficié largement aux populations d’origine (apparition d’habitat en dur, de latrines individuelles…), mais un grand nombre d’entre elles a également dû être déplacé, ce qui pose la question de la durabilité d’un tel projet. De plus, celui-ci a été financé par des investissements étrangers et notamment la Banque Mondiale, ce qui pose la question de la possibilité qu’à l’Etat a restructurer les autres quartiers défavorisés de la ville dans le futur. Ces cinq articles ont donc permis de se pencher sur des questions aujourd’hui majeures dans les villes africaines. Celui sur Porto-Novo interroge les grandes orientations économiques qu’il est légitime de prendre pour les villes africaines. A travers le prisme du tourisme, il met en avant les problématiques de durabilité auxquelles elles seront de plus en plus confrontées. La question de l’architecture, abordée dans le second article, permet une approche originale de l’urbanisme formel actuel et de son lien avec d’une part les quartiers d’habitat précaire, et d’autre part avec l’habitat traditionnel. La gestion de l’eau, elle, s’inscrit dans le cadre plus large de la préservation des ressources et de l’environnement sur un continent qui devra faire face à des défis de plus en plus grands. Le quatrième article qui concerne Addis-Abeba, trouve son intérêt dans le thème du lien entre le politique et le foncier. Il semble en effet nécessaire de s’interroger sur le rôle de l’Etat planificateur en Afrique, pour mener des politiques qui soient les plus profitables possibles. Enfin, l’exemple de Nouakchott a permis d’aborder les grands traits d’un projet d’urbanisme opérationnel, et d’en mesurer les effets positifs comme négatifs.
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